Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 18 avril 2024 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2403329 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 31 juillet 2024, le 24 septembre 2024 et le 7 avril 2025, M. A... B..., représenté par Me Azouagh, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2403329 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble et les décisions préfectorales du 18 avril 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien car il peut justifier de sa date d'entrée en France, le 6 avril 2022 ;
- la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, que protègent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision désignant son pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 18 octobre 2024 et le 10 avril 2025, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que :
- l'arrêté du 18 avril 2024 n'est pas entaché d'un vice d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- le requérant ne pouvait pas se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien car il ne justifie pas d'une entrée régulière en France pour n'avoir pas souscrit la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les exceptions d'illégalité doivent être écartées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né en 1991, a fait l'objet, par arrêté du préfet de la Savoie du 6 juillet 2023, d'une mesure d'éloignement, sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays tiers où il serait légalement admissible, et d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Cette autorité a, le 18 avril 2024, opposé un refus à la demande de M. B... de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de Française, lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a de nouveau désigné son pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté ses conclusions dirigées contre ces décisions préfectorales du 18 avril 2024.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " I -Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Selon l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 " peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités de cet Etat " lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français (...) sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". Aux termes de l'article R. 621-2 de ce code : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage (...) ". Aux termes de l'article R. 621-3 du même code : " La production du récépissé mentionné au premier alinéa de l'article R. 621-2 permet à l'étranger soumis à l'obligation de déclaration de justifier, à toute réquisition d'une autorité compétente, qu'il a satisfait à cette obligation ".
4. Il résulte de ces stipulations et dispositions que la délivrance d'un certificat de résidence d'un an à un ressortissant algérien en qualité de conjoint de Française est subordonnée à la justification de son entrée régulière sur le territoire français et que ce ressortissant, soumis à l'obligation de visa, ne peut être regardé comme entré régulièrement sur le territoire français muni d'un visa Schengen délivré par un État membre autre que la France, que s'il a effectué une déclaration d'entrée sur le territoire.
5. Il ressort des pièces du dossier que les autorités consulaires espagnoles en Algérie avaient délivré à M. B... un visa de court séjour valable du 6 mars 2022 au 19 avril 2022. M. B... déclare être entré en France le 6 avril 2022, en provenance directe de l'Espagne, Etat partie à l'accord de Schengen et il en veut pour preuve un billet de train du même jour pour un trajet de la ville espagnole de Figueras à Paris. Par conséquent, M. B... était soumis, lors de son entrée en France, à l'obligation de déclarer son arrivée auprès des services de la police nationale ou des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale, qui lui auraient alors remis un récépissé. En l'absence de production d'un tel récépissé, M. B... ne justifie pas d'une entrée régulière en France. Le préfet de la Savoie a pu ainsi pour ce seul motif refuser de lui délivrer le certificat de résidence sollicité en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit, par suite, être écarté.
Sur la mesure d'éloignement :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du refus de séjour, articulée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. A la date de l'arrêté en litige, pris le 18 avril 2024, le mariage de M. B... avec une ressortissante française, célébré le 2 décembre 2023, était récent, sans que soit démontrée l'existence d'une communauté de vie antérieure. Les liens entretenus par M. B... avec les enfants de son épouse, qui seraient au nombre de quatre, ne sont, de même, pas ancrés dans la durée et la grossesse de son épouse est postérieure de trois mois à l'arrêté en cause. Par ailleurs, M. B..., séjournant depuis le 6 avril 2022 en France, où réside un frère aîné, n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Enfin, M. B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le 6 juillet 2023, qu'il n'a pas exécutée. La mesure d'éloignement en litige ne peut donc pas être regardée comme portant au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par conséquent être écarté.
Sur la décision désignant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision désignant son pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
Le rapporteur,
B. GrosLe président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02244