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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY01883

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 05 juin 2025, 24LY01883


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2024 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par jugement n° 2400123 du 3 juin 2024, le tribunal a rejeté cette dem

ande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 2 juillet 2024, M. B..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2024 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement n° 2400123 du 3 juin 2024, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 2 juillet 2024, M. B..., représenté par la SELARL BS2A, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 2 janvier 2024 le concernant ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", subsidiairement, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et d'effacer son signalement aux fins de non-admission, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas répondu à la demande d'autorisation de travail dont il était saisi avant de refuser sa demande d'admission exceptionnelle en qualité de travailleur, présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux ;

- le refus de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnait l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de le priver de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a estimé, à tort, que la durée maximale d'effet de la mesure était de trois ans, au lieu de deux ans ; son principe et sa durée sont excessifs ;

- elle est insuffisamment motivée, dès lors qu'il n'a pas été informé qu'il a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est disproportionnée ;

- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par mémoire enregistré le 27 décembre 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant du Kosovo, relève appel du jugement du 3 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Ain du 2 janvier 2024 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la préfète de l'Ain, qui n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. B..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait omis de prendre en compte l'expérience et les qualifications professionnelles de l'intéressé en qualité de mécanicien. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, M. B... n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour salarié sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, impliquant la délivrance préalable d'une autorisation de travail. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, le refus de lui délivrer une carte temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en cette qualité n'est pas subordonné à l'examen d'une autorisation de travail. Par suite, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et de la méconnaissance des dispositions relatives au travail des salariés étrangers en France ne peuvent qu'être écartés.

4. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que la préfète de l'Ain, qui n'était pas tenue de faire état de chacun des justificatifs produits à l'appui de la demande, a, contrairement à ce qu'allègue M. B..., préalablement examiné sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

6. Tandis qu'aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Si M. B... fait valoir qu'il est entré en France en 2015 soit neuf ans à la date de l'arrêté litigieux, son séjour a toujours été irrégulier et sa durée a été acquise au prix de l'inexécution de deux mesures d'éloignement prises en 2016 et 2018. Son épouse, enceinte, est également en situation irrégulière. Rien ne fait obstacle à ce que ses quatre enfants mineurs poursuivent leur scolarité au Kosovo et à ce que la vie familiale puisse se reconstituer dans le pays dont la famille a la nationalité. Dans ces conditions, alors même que sa fille ainée a obtenu une carte de séjour, le refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et par suite, n'a méconnu ni les stipulations citées au point 5 ni les dispositions citées au point 6. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

8. En cinquième lieu, lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'existerait un obstacle à ce que les enfants de M. B... poursuivent une scolarité normale et à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer hors de France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point 8 doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, la préfète de l'Ain n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". S'il fait valoir qu'il dispose d'un contrat à durée déterminée en qualité de mécanicien, métier recherché qui connait des difficultés de recrutement, cette seule circonstance ne permet pas davantage de regarder l'arrêté comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant au refus de délivrer une carte de séjour en qualité de salarié.

12. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour pour contester l'obligation de quitter le territoire français qui l'assortit. Il n'est pas davantage fondé à contester, par voie d'exception, la légalité du refus de titre et de la mesure d'éloignement à l'appui des conclusions dirigées contre la privation de délai de départ volontaire, l'interdiction de retour sur le territoire et la fixation du pays de destination.

13. En huitième lieu, pour les motifs exposés aux points 7 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigés contre l'obligation de quitter le territoire, doivent être écartés.

14. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. / Les effets de cet interdiction cesse à l'expiration d'une durée (...) qui ne peut excéder trois ans (...) ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'interdiction de retour litigieuse : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. Il est constant que M. B... s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire justifiant qu'une interdiction de retour ne soit pas prononcée. La préfète était par conséquent tenue d'édicter une telle mesure, dont la durée d'un an n'est pas disproportionnée en dépit de la durée de son séjour en France et de l'ancienneté de ses liens, compte tenu notamment des deux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

17. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

M. Bertrand Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

B. C...Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01883
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly01883 ?
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