Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 mars 2024 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2404035 du 19 novembre 2024 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 février 2025, M. A..., représenté par Me Hassid, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2404035 du 19 novembre 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 12 mars 2024 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de donner instruction à l'autorité compétente pour l'effacement de son signalement du fichier d'information Schengen ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du 21 décembre 2023 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier, le caractère collégial de cet avis n'étant pas établi et que, d'autre part, il n'a pas été signé selon les modalités prévues par l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ;
- elle méconnait les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation médicale ;
- elle méconnait les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation médicale.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit.
Par une décision du 6 janvier 2025, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère ;
- et les observations de Me Cavalli, substituant Me Hassid, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 26 juillet 1980, est entré en France le 16 octobre 2015, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence algérien valable du 18 octobre 2022 au 14 avril 2023 sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dont il a sollicité le renouvellement le 18 août 2023. Par un arrêté du 12 mars 2024, la préfète du Rhône lui a refusé le titre sollicité, assortissant ce refus de décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 19 novembre 2024, dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade à M. A..., la préfète du Rhône s'est fondée notamment sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 21 décembre 2023, dont elle s'est approprié le sens, estimant que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque.
4. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui souffre de néphropathie et a subi une transplantation rénale réalisée en France en août 2020, fait valoir que son état de santé s'est dégradé en août puis en octobre 2023 en raison de l'altération de la fonction de son greffon, qu'il doit bénéficier d'un suivi très spécialisé indisponible en Algérie ainsi que d'un traitement par immunosuppresseur spécifique, dont la substance active, le bélatacep, insusceptible d'être substituée, n'est pas commercialisée en Algérie et dont l'arrêt mettrait en péril le fonctionnement du greffon. Il indique en outre, qu'il présente un anévrisme artériel qui, à défaut d'une prise en charge immédiate et spécialisée en cas de rupture, entrainerait son décès. Les certificats médicaux produits, émanant de praticiens hospitaliers français et algériens, confirment ces indications et il résulte par ailleurs des pièces produites que le bélatacep n'est pas au nombre des substances figurant sur la nomenclature des médicaments disponibles en Algérie ou dans la liste de l'observatoire des médicaments disponibles en officine établie par le ministère de l'industrie et de la production pharmaceutique de l'Algérie. Il résulte de ces éléments, qui ne sont pas contestés en défense, que M. A... doit être regardé en l'espèce, compte tenu de l'aggravation sérieuse de son état et du caractère très spécifique de la prise en charge médicale nécessaire, comme établissant qu'il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que la préfète du Rhône a méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et à demander, pour ce motif l'annulation de la décision du 12 mars 2024 portant refus de renouvellement de titre de séjour. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation à trente jours du délai de départ volontaire, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, qui se trouvent dépourvues de base légale, doivent également être annulées.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 novembre 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Rhône du 12 mars 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. En premier lieu, au regard du motif d'annulation retenu et en l'absence de modification des circonstances de fait et de droit à la date du présent arrêt, cette annulation implique nécessairement que la préfète du Rhône délivre à M. A... un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, il y a lieu au vu des circonstances de l'espèce d'ordonner à la préfète du Rhône de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. En second lieu, si le présent arrêt, qui annule la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. A..., doit normalement conduire à l'effacement du signalement à ce titre de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen selon les modalités définies par les articles L. 613-5 et R. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la préfète du Rhône, qui n'est pas responsable de ce fichier, dont les articles R. 231-3 et R. 231-13 du code de la sécurité intérieure prévoient le rattachement direct aux services centraux du ministre de l'intérieur pour la partie nationale, de mettre en œuvre la procédure d'effacement qui correspond à un litige distinct portant sur la tenue de ce système d'information.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à Me Hassid, désignée au titre de l'aide juridictionnelle, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir l'aide contributive de l'Etat pour cette instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2404035 du 19 novembre 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les décisions du 12 mars 2024 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé à M. A... le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à M. A..., un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat, versera à Me Hassid une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir l'aide contributive de l'Etat pour cette instance.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Hassid et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 25LY00280