Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2024 par lequel le préfet de la Côte d'Or a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2401571 du 23 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Weber, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 17 mai 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision de refus de séjour, et elle est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; cette décision méconnaît le principe de proportionnalité et est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2024, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 5 juillet 2003 et de nationalité géorgienne, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 22 mai 2023. A la suite du rejet de sa demande d'asile le 28 août 2023 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 6 mai 2024 par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Côte d'Or, par arrêté du 17 mai 2024, a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en prononçant à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par arrêté du même jour, le préfet de la Côte d'Or l'a également assignée à résidence sur la commune de Dijon pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... relève appel du jugement du 23 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme B... soutient, d'une part, que, par la motivation qu'elle a retenue, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon n'a pas suffisamment développé sa réponse au moyen tiré de l'erreur de droit qui entacherait la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, en indiquant au point 6 du jugement que " il ne résulte ni des termes de l'arrêté attaqué ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée vis-à-vis des décisions de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que la décision de portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur de droit doit, dès lors, être écartée ", et alors qu'elle n'était pas tenue de répondre à tous les arguments développés par la requérante, la première juge a, au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative, suffisamment motivé sa réponse au moyen invoqué. D'autre part, en indiquant au point 17 du jugement que " Le préfet de la Côte d'Or a assigné Mme B... à résidence dans le département de la Côte-d'Or, sur le territoire de la commune de Dijon, et lui a prescrit de se rendre au commissariat de police situé 2 place Suquet à Dijon, distant de son domicile de 4 kilomètres, chaque jour entre 8 heures et 9 heures, sauf les dimanche et jours fériés. Si l'intéressée se prévaut de son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait une contre-indication médicale à ce qu'elle réalise ce trajet, le commissariat étant desservi par les transports en commun. Par ailleurs, si la requérante soutient que cette mesure est contraignante dès lors que son mari est astreint aux mêmes modalités d'assignation à résidence et que leur fils est âgé de deux mois et demi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés seraient dans l'impossibilité de se rendre à ce commissariat. Les modalités d'application de la mesure d'assignation ne sont dès lors pas disproportionnées. ", la première juge a, au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative, suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui entacherait la décision portant assignation à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, les moyens tirés, d'une part, de ce que la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), d'autre part, de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision de refus de séjour, et qu'elle est entachée d'erreur de droit, par ailleurs, de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et, enfin, de ce que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français et de ce qu'elle méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par les motifs retenus par la première juge qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Selon l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code dispose : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
5. Il ressort des termes de la décision contestée que pour refuser à Mme B... un délai de départ volontaire, le préfet de la Côte d'Or s'est fondé sur la circonstance que le comportement de l'intéressée était constitutif d'une menace à l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été auditionnée librement, le 17 mai 2024, par les services de gendarmerie de Quétigny, dans le cadre d'une enquête préliminaire pour des faits de vol aggravé par trois circonstances qu'elle a reconnus. Le même jour, elle a également été auditionnée, en vue de son éloignement pour trouble à l'ordre public et a indiqué qu'un retour en Géorgie n'était pas possible au regard du suivi médical de son enfant en France. Dans ces conditions, alors que l'intéressée ne conteste ni les faits qui lui sont reprochés, ni avoir déclaré son intention de ne pas repartir en Géorgie, le préfet de la Côte d'Or a pu légalement refuser à Mme B... le bénéfice d'un délai de départ volontaire et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté en toutes ses branches.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1 (...) définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
7. Les mesures contraignantes prises par le préfet sur le fondement des dispositions précitées, à l'encontre d'un étranger assigné à résidence, qui limitent l'exercice de sa liberté d'aller et venir, doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent, à savoir s'assurer du respect de l'interdiction faite à l'étranger de sortir du périmètre dans lequel il est assigné à résidence.
8. La mesure d'assignation en litige astreint l'intéressée à se présenter chaque jour, hormis les dimanches et les jours fériés ou chômés, et pendant quarante-cinq jours, entre 8h et 9h au commissariat de police situé place Suquet à Dijon et lui fait obligation de demeurer, tous les jours de 6h à 7h, à son domicile situé à Dijon. Toutefois, en se bornant à indiquer qu'elle est mère d'un enfant de deux mois, qu'un autre commissariat se situe plus près de son domicile et qu'elle a un suivi au centre hospitalier universitaire de Dijon sans autre précision, il n'est pas démontré que cette obligation et ses modalités présenteraient pour l'intéressée un caractère disproportionné au regard de l'objectif d'éloignement poursuivi. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation à cet égard doit être écarté.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'avocate de Mme B... demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme à l'État sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
Mme Claire Burnichon, première conseillère,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
La rapporteure,
A.-G. MauclairL'assesseure la plus ancienne,
C. Burnichon
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY01742 2