Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes A... C... veuve B..., Marie-Laeticia B..., Florence B..., Marine B... et Lucie B..., ont, par deux requêtes, demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération en date du 25 novembre 2019 par laquelle le conseil municipal d'Ajaccio a approuvé le plan local d'urbanisme, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2000535 et 2000858 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération du 25 novembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux des consorts C... et B... en tant qu'elles portent sur le classement de la zone 2AUE de Castelluccio et rejeté le surplus des conclusions des requêtes des consorts C... et B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2021, Mmes A... C... veuve B..., Marie-Laeticia B..., Florence B..., Marine B... et Lucie B..., représentées par Me Mousny Pantalacci, doivent être regardées comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000535 et 2000858 du tribunal administratif de Bastia du 8 avril 2021 en tant qu'il n'a pas annulé totalement la délibération du conseil municipal de la commune d'Ajaccio en date du 25 novembre 2019 approuvant le PLU de la commune, ensemble ladite délibération ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ou, à titre subsidiaire, d'annuler ladite délibération en tant qu'elle classe en zones NL et Nh les parcelles dont elles sont propriétaires dans le secteur de Toretta-Salario ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio le paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conseillers municipaux n'ont pas été régulièrement convoqués à la séance du 25 novembre 2019 ;
- le PLU adopté est incompatible avec le PADDUC s'agissant des espaces stratégiques agricoles ;
- le classement en zones NL et Nh du secteur de Salario-Toretta est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles sont victimes d'une discrimination ;
- le PLU adopté est incompatible avec le PADDUC dès lors qu'il ne respecte pas l'objectif de lutte contre l'étalement urbain.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2022, la commune d'Ajaccio, représentée par Me Guillini, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête des consorts C... et B... ;
2°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a annulé la délibération du 25 novembre 2019 en ce qu'elle a classé en zone 2AUE du PLU le secteur de Castelluccio ;
3°) de mettre à la charge des consorts C... et B... le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête sont infondés ;
- le secteur de Castelluccio doit être regardé comme constituant une agglomération au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du PADDUC.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- les observations de Me Gatel pour la commune d'Ajaccio.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 25 novembre 2019, le conseil municipal d'Ajaccio a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, dont il avait prescrit l'élaboration par une délibération du 26 octobre 2015 et arrêté le projet par une délibération du 28 novembre 2018. Cette délibération a classé en zones NL et Nh le secteur du Salario-Toretta au sein duquel les requérantes sont propriétaires des parcelles cadastrées BT 14, 70, 16, 119 et 120. Par jugement n° 2000535 et 2000858 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia, statuant sur les requêtes des consorts C... et B..., a annulé la délibération du 25 novembre 2019 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux en tant qu'elles portent sur le classement de la zone 2AUE de Castelluccio et rejeté le surplus des conclusions de leurs requêtes. Les consorts C... et B... interjettent appel de ce jugement. La commune d'Ajaccio forme, pour sa part, un appel incident tendant à l'annulation du jugement précité en tant qu'il a annulé la délibération du 25 novembre 2019 en ce qu'elle a classé en zone 2AUE du PLU le secteur de Castelluccio.
Sur l'appel principal des consorts C... et B... :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
3. Les consorts C... et B... font, en premier lieu, valoir que n'était pas joint, à la convocation du 19 novembre 2019 adressée par voie électronique aux conseillers municipaux en vue de la séance du conseil municipal du 25 novembre 2019, l'ordre du jour. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que cela résulte des mentions mêmes de la lettre du 19 novembre 2019, laquelle a été adressée dans le délai de 5 jours francs posé par les dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, que l'ordre du jour était joint. Si un nouvel ordre du jour a, en raison d'erreurs matérielles, été édité le 22 novembre suivant, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'illégalité la délibération attaquée.
4. En deuxième lieu, si les requérantes soutiennent qu'il n'est pas établi, par les captures d'écran produites par la commune défenderesse en première instance, qu'a été adressée à M. Carlotti, conseiller municipal, la convocation du 19 novembre 2019, il résulte de l'attestation établie et signée par ce dernier, laquelle peut être prise en compte quand bien même elle ne respecterait pas toutes les prescriptions posées par l'article 202 du code de procédure civile, que celui-ci a reçu le 19 novembre 2019 ladite convocation, l'ordre du jour et la note de synthèse.
5. En dernier lieu, s'il est constant que des modifications ont été portées le 22 novembre 2019 sur les pages 210 du volume 2 et 36 du volume 4 du rapport de présentation concernant le nombre de logements en cours de réalisation, celles-ci résultant d'une simple erreur matérielle consistant en une inversion de chiffres, n'étaient pas de nature, eu égard, aux autres indications portées au rapport de présentation, à fausser l'appréciation des conseillers municipaux.
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la convocation des conseillers municipaux en vue de la séance du 25 novembre 2019 aurait été irrégulière doit, en toute ses branches, être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de la compatibilité avec le PADDUC :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales : " III. - Les schémas de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les schémas de secteur, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec le plan d'aménagement et de développement durable de Corse, notamment dans la délimitation à laquelle ils procèdent des zones situées sur leur territoire et dans l'affectation qu'ils décident de leur donner, compte tenu respectivement de la localisation indiquée par la carte de destination générale des différentes parties du territoire de l'île et de la vocation qui leur est assignée par le plan ".
8. Il résulte des dispositions précitées que les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec les orientations et objectifs fixés par le PADDUC. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec le PADDUC, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'il impose, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.
9. Le PADDUC approuvé le 2 octobre 2015 par l'Assemblée de Corse fixe comme objectif de protéger et maintenir un minimum de 105 000 hectares de terres cultivables et à potentialité agropastorale, ainsi que les terres cultivables équipées d'un équipement public d'irrigation ou en projet d'équipement, au titre des espaces stratégiques, et donne, à titre indicatif, les surfaces concernées par commune, mentionnant, pour la commune d'Ajaccio, une surface de 1 621 hectares, surface retenue par le PLU attaqué. Si, d'une part, par le jugement n° 1600452 du 1er mars 2018 devenu définitif, le tribunal administratif de Bastia a annulé pour excès de pouvoir la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 de l'Assemblée de Corse approuvant le PADDUC en tant qu'elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles et, d'autre part, par le jugement n°2001438 du 29 avril 2022, frappé d'appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé pour excès de pouvoir la délibération n° 20/149 de l'Assemblée de Corse du 5 novembre 2020 approuvant la modification du PADDUC relative au rétablissement de la carte des espaces stratégiques agricoles, de sorte que le PADDUC ne contient plus de document cartographique permettant de déterminer ou de délimiter ces espaces, les critères d'éligibilité de ces espaces et les prescriptions du PADDUC approuvé le 2 octobre 2015 s'y rapportant demeurent en vigueur. Il appartient ainsi aux auteurs des cartes communales de délimiter des espaces stratégiques agricoles et de les classer en zone agricole ou naturelle en veillant à assurer la compatibilité de la carte communale avec l'objectif fixé par le PADDUC.
10. Aux termes du livret IV du PADDUC, " les espaces stratégiques [agricoles] ont été identifiés selon les critères alternatifs suivants : leur caractère cultivables (pente inférieure ou égale à 15%) et leur potentiel agronomique ou leur caractère cultivables (pente inférieure à 15 % et leur équipement par les infrastructures d'irrigation ou leur projet d'équipement structurant d'irrigation ". Aux termes de son livre III : " Les espaces stratégiques agricoles : ils sont constitués par les espaces cultivables (moins de 15% de pente) à potentialité agronomique, incluant les espaces pastoraux présentant les meilleures potentialités, ainsi que par les espaces cultivables et équipés ou en projet d'un équipement structurant d'irrigation... ".
11. Les consorts C... et B... soutiennent que des terrains ont été artificiellement inscrits en zone agricole alors qu'ils ne présentent pas le caractère d'espaces stratégiques agricoles tandis que d'autres ont été inscrits en zones constructibles alors qu'ils constituent des espaces stratégiques agricoles.
12. Cependant, les consorts C... et B..., qui se bornent à contester les motifs du jugement n° 2000110 rendu le 8 avril 2021 par le tribunal administratif de Bastia, auquel elles n'avaient pas la qualité de partie, et à citer quelques secteurs, ne donnent pas de précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé de leur moyen à l'échelle du territoire communal ainsi que l'ont, à juste titre, estimé les premiers juges. Par ailleurs, si les requérantes font valoir à cet égard que des espaces boisés classés ne sauraient être classés en zone agricole du PLU, il résulte des dispositions de l'article R. 151-31 du code de l'urbanisme aux termes desquelles : " Dans les zones U, AU, A et N, les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : 1° Les espaces boisés classés définis à l'article L. 113-1 ", qu'un classement cumulatif en zone A et en espace boisé classé est possible. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du PLU avec le PADDUC au titre des espaces stratégiques agricoles ne peut être qu'écarté.
13. En second lieu, si les requérantes soutiennent également que le PLU adopté ne respecte pas les dispositions législatives et celles du PADDUC visant à éviter l'étalement urbain, elles n'assortissent pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
S'agissant du classement en zones NL et Nh du secteur de Salario-Toretta :
14. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ;
3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".
15. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
16. Il ressort des pièces du dossier que bien que le secteur litigieux, anciennement classé en zone UDb du PLU de 2013, comporte un certain nombre de parcelles bâties ou bénéficiant d'un permis de construire et soit desservi par les réseaux publics, celui-ci est toutefois situé au sein d'une vaste zone naturelle s'étendant au sud, à proximité d'une ZNIEFF de type 1, et au nord. Par ailleurs, il ressort également desdites pièces et notamment du rapport de présentation que ce secteur est éloigné du centre-ville d'Ajaccio, difficile d'accès, difficile à équiper et présente des risques incendie (aléa moyen fort). Au regard de la vocation naturelle dudit secteur, de sa localisation et des risques d'incendie, la commune d'Ajaccio n'a, en prenant le parti de ne pas ouvrir davantage ce secteur à l'urbanisation et en le classant en zone naturelle, pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
17. Par ailleurs, si les requérantes font valoir qu'elles sont victimes, du fait de ce classement en zone naturelle, d'une discrimination, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. Dès lors que cette délimitation ne repose pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi.
18. Il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal présenté par les consorts C... et B... doit être rejeté.
Sur l'appel incident de la commune d'Ajaccio :
19. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ".
20. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
21. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.
22. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune, ces critères s'appliquant de façon cumulative. Le PADDUC prévoit par ailleurs la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Enfin, il prescrit que l'extension de l'urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l'environnement est exceptionnelle, précisément motivée dans le plan local d'urbanisme et répond soit à un impératif social ou économique soit à un impératif environnemental, technique ou légal. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
23. Si la commune d'Ajaccio soutient que le secteur de Castelluccio doit être regardé comme situé au sein de l'agglomération d'Ajaccio, il ressort des pièces produites, d'une part, que celui-ci est éloigné du centre-ville d'Ajaccio avec lequel il n'est pas en continuité. D'autre part, constitué essentiellement du centre hospitalier psychiatrique et de ses annexes, il ne constitue pas, pour l'essentiel, un lieu de vie permanent. Par ailleurs, entouré de vastes espaces naturels, il se caractérise, en dépit de la présence de quelques immeubles à usage d'habitation, par un nombre et une densité peu significatifs de constructions. Par suite, au vu de l'ensemble de ces éléments et à supposer même que l'on puisse considérer que ce secteur présenterait une fonction structurante à l'échelle de la micro-région, la commune d'Ajaccio n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas situé en continuité d'une agglomération ou ne constituait pas lui-même une agglomération au sens des dispositions précitées du 1er alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
24. Il résulte de ce qui précède que l'appel incident formé par la commune d'Ajaccio doit également être rejeté.
Sur les frais d'instance :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par chacune des parties en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts C... et B... est rejetée.
Article 2 : L'appel incident de la commune d'Ajaccio est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes A... C... veuve B..., Marie-Laeticia B..., Florence B..., Marine B... et Lucie B... ainsi qu'à la commune d'Ajaccio.
Une copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 27 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2023.
N° 21MA0215002