Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1701228 du 17 mai 2018, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Bastia a enjoint à la SARL Porto-Vecchio Marine et à M. A... B..., son gérant, de remettre la plage de la Sauvagie, occupée par un ponton de 290 m², en son état initial, sous astreinte de 500 euros par jour de retard suivant un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Par un jugement n° 2200613 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a procédé, au titre de la période commençant à l'expiration du délai imparti et courant jusqu'au 19 novembre 2019, représentant 440 jours, à la liquidation de l'astreinte prononcée, au taux fixé ; il a ainsi condamné la SARL Porto-Vecchio Marine et M. B... à payer à l'Etat la somme de 220 000 euros chacun.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 novembre 2022 et 4 avril et 30 octobre 2023, la SARL Porto-Vecchio Marine et M. B..., représentés par la SCP Amiel-Susini, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2022 ;
2°) de constater qu'il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte, subsidiairement d'en modérer le montant.
Ils soutiennent que :
- dès la mi-septembre 2018, et en tous cas dès le 9 novembre 2018 comme constaté par huissier, l'exécution sérieuse du jugement avait commencé ; la complète exécution a posé des difficultés techniques, eu égard notamment à la lourdeur de l'ouvrage, qui n'était pas seulement en bois, et à l'ancienneté des installations ; la recherche de nouveaux emplacements pour les bateaux des clients, et le déplacement de ceux-ci, n'ont également pas été aisés ; la période d'intervention était courte, entre les intempéries et la saison d'activité ;
- ils n'ont été condamnés qu'en tant que gardiens de l'ouvrage, n'ont pas commis d'autres infractions, et bénéficient aujourd'hui d'une nouvelle autorisation pour un ponton flottant et démontable ;
- leur situation financière ne leur permet pas d'assumer une liquidation d'astreinte si importante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Les parties ont été informées, par une lettre du 5 septembre 2023, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du premier trimestre 2024 et que l'instruction pourrait être close à partir du 15 octobre 2023 sans information préalable.
Un avis d'audience, portant clôture immédiate de l'instruction, a été adressé aux parties le 21 décembre 2023.
Un mémoire présenté pour la SARL Porto-Vecchio Marine et M. B..., a été enregistré le 6 janvier 2024 postérieurement à la clôture et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Stuart, substituant Me Susini, représentant la SARL Porto-Vecchio Marine et M. B....
Une note en délibéré, présentée par Me Susini pour la SARL Porto-Vecchio Marine et M. B..., a été enregistrée le 19 janvier 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 17 mai 2018, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Bastia a jugé la SARL Porto-Vecchio Marine et M. B..., son gérant, coupables d'une contravention de grande voirie pour être propriétaire ou gardien d'un ponton de 290 m² donnant sur la plage de la Sauvagie à Porto-Vecchio et occupant illégalement le domaine public. Il leur a enjoint de remettre les lieux en leur état initial sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la notification de la décision. Les intéressés relèvent appel du jugement du 29 septembre 2022, par lequel le tribunal a procédé, au titre de la période commençant à l'expiration du délai imparti et courant jusqu'au 19 novembre 2019, représentant 440 jours, à la liquidation de l'astreinte prononcée, au taux fixé, et a ainsi mis à leur charge la somme de 220 000 euros chacun.
2. Si les requérants ont fait constater par huissier que, le 9 novembre 2018, les travaux de démontage du ponton litigieux étaient engagés, dès lors qu'il avait été amputé de sa première partie, sur environ 4 mètres, et que les bouées de mouillage et pontons flottants qui se trouvaient sur ses côtés avaient été enlevés, aucun bateau n'y étant plus amarré, il ressort des éléments photographiques qu'ils produisent que l'utilisation du ponton a perduré ensuite, notamment la saison estivale suivante, alors même qu'il était partiellement démonté. S'ils soutiennent qu'il s'agissait d'une structure lourde et que le délai de deux mois imparti par le jugement du 17 mai 2018, notifié le 5 juillet 2018, était trop court pour permettre la remise des lieux dans leur état initial, ils ne produisent, hormis deux attestations de chefs d'entreprise consultés durant l'été 2018 et ayant indiqué leur indisponibilité ou leur incapacité à effectuer ce chantier, aucun élément justifiant du nombre de jours de travaux requis, des autres diligences entreprises et de l'impossibilité dans laquelle ils se seraient trouvés d'achever le chantier en temps utile. Les difficultés à déplacer les bateaux amarrés sur ce ponton, qui ne sauraient en tout état de cause justifier le retard à la remise en état, ne sont pas davantage établies.
3. Il y a dès lors seulement lieu, eu égard à la teneur de l'infraction et aux circonstances de l'espèce, les requérants ne fournissant pas d'éléments de nature à justifier les difficultés financières auxquelles le paiement des sommes en cause serait susceptible de les exposer, de modérer l'astreinte litigieuse en les condamnant à verser solidairement à l'Etat la somme de 44 000 euros, correspondant à 100 euros par jour de retard. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia doit être réformé en ce sens.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 440 000 euros que M. B... et la SARL Porto-Vecchio Marine ont été condamnés à verser à l'Etat par le jugement du 29 septembre 2022 est ramenée à la somme de 44 000 euros, mise à leur charge solidaire.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 septembre 2022 est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Porto-Vecchio Marine, à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2024.
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N° 22MA02923
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