Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 23 février 2023 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2300216 du 30 juin 2023, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Bastia du 30 juin 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Haute-Corse du 23 février 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat à la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est illégale :
. il remplit les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour au regard des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
. la décision du préfet de la Haute-Corse porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et méconnaît, à ce titre, tant les stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de ses droits au respect de sa vie privée et de la vie familiale garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Corse qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 19 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2024, à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 23 juin 1968 et de nationalité algérienne, M. B... est entré sur le territoire français le 26 septembre 2001, sous couvert d'un visa Schengen valable du 2 septembre 2001 au 1er mars 2002. Il a été interpellé, le 22 février 2023, lors d'un contrôle routier, par les services de police, puis placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour et à la circulation en France, avant que le préfet de la Haute-Corse ne prenne, le lendemain, à son encontre, un arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 30 juin 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 23 février 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
3. Pour la première fois devant la Cour, M. B... produit, pour chaque année de référence, de nombreuses pièces, principalement des quittances de loyer, des avis d'imposition et des factures émises à son nom. Ces nouveaux éléments sont suffisamment probants et diversifiés pour permettre d'établir la résidence habituelle de l'appelant sur le territoire français, en Corse, depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. D'ailleurs, dans cet arrêté, comme M. B... le soutient sans être contesté par le préfet de la Haute-Corse qui n'a pas présenté de mémoire en défense, le représentant de l'Etat admet qu'il est entré sur le territoire français le 26 septembre 2001, sous couvert d'un visa Schengen valable du 2 septembre 2001 au 1er mars 2002, et qu'il s'y est maintenu depuis lors. Par suite, et sans qu'il puisse lui être légalement opposé la circonstance qu'il a fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Corse a méconnu les stipulations précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. L'intéressé est ainsi fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de la décision par laquelle le représentant de l'Etat lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cette annulation entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'avocat de M. B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300216 du président du tribunal administratif de Bastia du 30 juin 2023 et l'arrêté du 23 février 2023 par lequel le préfet de la Haute-Corse a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel ce dernier est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par Me Ruffel au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Christophe Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bastia.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
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No 23MA03071
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