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31/12/2024 | FRANCE | N°24MA01459

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 31 décembre 2024, 24MA01459


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Marseille a mis fin à son stage et l'a radiée des cadres de la fonction publique territoriale pour inaptitude absolue et définitive à l'exercice de ses fonctions statutaires à compter du 1er août 2022 et, d'autre part, l'arrêté du 7 avril 2023 portant licenciement et radiation des cadres à compter du 1er mai 2023

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Par un jugement n° 2207650 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Marseille a mis fin à son stage et l'a radiée des cadres de la fonction publique territoriale pour inaptitude absolue et définitive à l'exercice de ses fonctions statutaires à compter du 1er août 2022 et, d'autre part, l'arrêté du 7 avril 2023 portant licenciement et radiation des cadres à compter du 1er mai 2023.

Par un jugement n° 2207650 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 12 juillet 2022 et rejeté le surplus des conclusions de Mme C... épouse B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin et 29 octobre 2024, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Taiebi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207650 du 10 avril 2024 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 portant licenciement et radiation des cadres à compter du 1er mai 2023 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Marseille de la réintégrer à compter du 1er mai 2023, et de reconstituer sa carrière en conséquence, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à la commune de Marseille de réexaminer ses droits à titularisation, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en considérant, à tort, que l'absence de signature du procès-verbal du conseil médical par l'ensemble des membres ayant siégé n'était pas une irrégularité ; il s'agit bien d'une irrégularité substantielle ;

- le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant qu'elle n'avait pas accompli une année de stage ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et l'a privée d'une garantie substantielle au regard des dispositions de l'article 17 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 dès lors qu'elle avait sollicité la saisine du conseil médical supérieur par courrier réceptionné le 24 février 2023, de sorte que l'arrêté portant licenciement a été pris en violation du délai de quatre mois prévu par le décret ; par ailleurs, le conseil médical supérieur a été saisi tardivement par le conseil médical après le licenciement ; l'administration a manqué à son obligation légale en ne transmettant pas sa demande au conseil médical supérieur dès réception, et en attendant plus de quatre mois pour le faire ;

il s'agit d'un véritable détournement de procédure ;

- le jugement querellé a commis une erreur de droit en jugeant que l'avis du conseil médical supérieur qui a reconnu qu'elle était apte à la reprise sur son emploi, ne permettait pas de s'assurer de son aptitude physique à occuper son poste ; le tribunal s'est mépris sur la portée de l'avis du comité médical supérieur dès lors qu'il a estimé qu'elle était apte à la reprise sur son emploi sans aménagement de poste ; à la date de la décision querellée, soit le 7 avril 2023, son état de santé était parfaitement compatible avec son emploi ;

- la décision attaquée est entachée d'illégalités externes en raison de l'absence de signature du procès-verbal du comité médical du 15 novembre 2022 et de la violation de

l'article 17 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- en s'abstenant de la titulariser dès le 28 février 2019, l'administration a commis une erreur de droit et l'a maintenue dans une position non conforme à son statut ; en qualité de titulaire, elle aurait dû bénéficier de son droit au reclassement avant la décision de licenciement ;

- la commune de Marseille a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle était dans l'impossibilité absolue et définitive de reprendre ses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête, qui ne critique pas utilement les motifs précis et circonstanciés retenus par le tribunal, encourt le rejet par adoption pure et simple des motifs du jugement dont appel ;

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Un courrier du 2 septembre 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article

R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 12 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Taiebi, représentant Mme C... épouse B...,

- et les observations de Me Extremet, substituant Me Mendes Constante, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Après plusieurs recrutements par la commune de Marseille depuis l'année 2014,

Mme C... épouse B... a été nommée, par arrêté du 18 juin 2018, adjoint technique territorial stagiaire à compter du 27 février 2018 afin d'exercer les fonctions d'agent des écoles élémentaires. Elle a été placée en position de congé longue maladie du 30 janvier 2019 au 29 janvier 2022, puis en disponibilité d'office pour raison de santé. Par un premier arrêté du 12 juillet 2022, le maire de Marseille a mis fin au stage de l'intéressée et l'a radiée des cadres de la fonction publique territoriale à compter du 1er août 2022. L'exécution de cet arrêté ayant été suspendue par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 24 octobre 2022, le maire de la commune de Marseille a prononcé la réintégration de

Mme C... épouse B... et l'a de nouveau placée en position de disponibilité pour raison de santé à compter du 1er août 2022 par arrêté du 26 octobre 2022. Le conseil médical ayant rendu, lors de sa séance du 15 novembre 2022, un avis d'inaptitude absolue et définitive, le maire de Marseille, par un nouvel arrêté du 7 avril 2023, a mis fin au stage de l'intéressée à compter du 1er mai 2023 et l'a radiée des cadres. Par un jugement du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 12 juillet 2022 et rejeté le surplus des conclusions de

Mme C... épouse B.... Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 et aux fins d'injonction de reconstitution de carrière à compter du 1er mai 2023.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. La requête de Mme C... épouse B..., qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et qui énonce de nouveau de manière précise les critiques adressées à l'arrêté dont elle demande l'annulation, et expose de surcroît un nouveau moyen, répond à l'exigence de motivation posée par les dispositions de l'article

R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de la requête doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 avril 2023 :

3. Aux termes de l'article 17 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " L'avis d'un conseil médical rendu en formation restreinte peut être contesté devant le conseil médical supérieur par l'administration ou le fonctionnaire intéressé dans le délai de deux mois à compter de sa notification. / La contestation est présentée au conseil médical concerné qui la transmet au conseil médical supérieur et en informe le fonctionnaire et l'administration. / (...) En l'absence d'avis émis par le conseil médical supérieur dans le délai de quatre mois après la date à laquelle il dispose du dossier, l'avis du conseil médical en formation restreinte est réputé confirmé.

Ce délai est suspendu lorsque le conseil médical supérieur fait procéder à une expertise médicale complémentaire. / L'administration rend une nouvelle décision au vu de l'avis du conseil médical supérieur ou, à défaut, à l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'alinéa précédent. ".

4. Dès lors que l'avis rendu par un comité médical est contesté par l'agent devant le comité médical supérieur dans le délai qui lui est imparti, l'autorité administrative ne peut prendre une décision définitive qu'après consultation de cette instance et doit, dans l'attente de son avis ou, à défaut, de l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la date à laquelle le comité médical supérieur dispose du dossier, prendre une décision provisoire pour placer l'agent dans l'une des positions prévues par son statut.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du conseil médical du 15 novembre 2022, qui s'est prononcé dans le sens de l'inaptitude absolue et définitive de Mme C... épouse

B... à l'emploi d'agent d'accueil et d'entretien des locaux scolaires, lui a été notifié par courrier du 20 janvier 2023. Par conséquent, le courrier du 23 février 2023, reçu le 24 février 2023, par lequel l'intéressée a sollicité la saisine du comité médical supérieur, constitue une contestation de l'avis du comité médical du 15 novembre 2022 formée, contrairement à ce que fait valoir la commune de Marseille, dans le délai de deux mois suivant sa notification. Alors que le maire de la commune de Marseille devait recueillir l'avis du comité médical supérieur avant de prendre une décision définitive, ce n'est que le 30 juin 2023 que la contestation de Mme C... épouse B... a été transmise au comité médical supérieur, c'est-à-dire postérieurement à la date à laquelle l'arrêté attaqué, qui régit de manière définitive la situation de l'appelante en prononçant sa radiation des cadres pour inaptitude absolue et définitive, sans possibilité de régularisation ultérieure, a été pris. Par suite, et alors qu'au surplus, par un avis du 11 octobre 2023, le comité médical supérieur a rendu un avis d'aptitude de Mme C... épouse B... à la reprise sur son poste, cet arrêté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour son auteur d'avoir respecté les dispositions et principes rappelés aux points 3 et 4, un tel vice ayant effectivement privé l'agent de la garantie qui y est attachée.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le maire de la commune de Marseille a mis fin à son stage et l'a radiée des cadres à compter du 1er mai 2023. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, aucun d'entre eux n'étant mieux à même de régler le litige, d'annuler ce jugement ainsi que cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation prononcée par le présent arrêt, qui a pour effet de replacer

Mme C... épouse B... dans la position qui était la sienne jusqu'au 30 avril 2023, veille de la date d'effet de l'arrêté annulé, implique nécessairement que le maire de la commune de Marseille procède à la réintégration juridique de l'intéressée à compter du 1er mai 2023, qu'il réexamine son aptitude physique, en tenant compte de l'avis émis par le comité médical supérieur le 11 octobre 2023, et qu'il prenne une nouvelle décision sur sa situation dans un délai de

deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a toutefois pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... épouse B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Marseille au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille le versement de la somme de 2 000 euros à

Mme C... épouse B... en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2207650 du tribunal administratif de Marseille en date du 10 avril 2014 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 7 avril 2023 du maire de la commune de Marseille est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Marseille de procéder à la réintégration juridique de Mme C... épouse B... à compter du 1er mai 2023, de réexaminer son aptitude physique, en tenant compte de l'avis émis par le comité médical supérieur

le 11 octobre 2023, et de prendre une nouvelle décision sur sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : La commune de Marseille versera à Mme C... épouse B... la somme de

2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

N° 24MA01459 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01459
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Stagiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : TAIEBI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;24ma01459 ?
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