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15/04/2025 | FRANCE | N°24MA01264

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 15 avril 2025, 24MA01264


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Port-de-Bouc lui a infligé la sanction disciplinaire de six mois d'exclusion temporaire de fonctions dont trois mois avec sursis.



Par un jugement n° 2205186 du 13 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....



Procédure devant la Cour :



Par une requ

ête, enregistrée le 21 mai 2024, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :



1°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Port-de-Bouc lui a infligé la sanction disciplinaire de six mois d'exclusion temporaire de fonctions dont trois mois avec sursis.

Par un jugement n° 2205186 du 13 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2024, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205186 du 13 mars 2024 du tribunal administratif de Marseille, ainsi que l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Port-de-Bouc lui a infligé la sanction disciplinaire de six mois d'exclusion temporaire de fonctions dont

trois mois avec sursis ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Port-de-Bouc la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les prétendus manquements au devoir d'obéissance hiérarchique qui lui sont reprochés sont fondés sur des motifs particulièrement flous ainsi que sur des documents souffrant d'une force probante plus que douteuse relevant même du faux en écriture publique ; en réalité, il était devenu le bouc émissaire de sa hiérarchie, qui s'est acharnée sur lui ;

- aucun manquement à l'obligation de réserve ne pouvait être retenu ; il conteste formellement avoir tenu les propos qui lui sont reprochés :

- c'est à tort qu'il a été jugé qu'il avait manqué à son obligation de loyauté dès lors qu'il ignorait tout du caractère frauduleux des jours de congés et règlement d'heures supplémentaires dont il a bénéficié en l'absence de service fait ;

- la sanction prononcée est disproportionnée ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que la commune a manifestement cherché à le sanctionner pour avoir dénoncé ses supérieurs dans le cadre de la mise en place d'un système irrégulier d'octroi d'heures supplémentaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2024, la commune de Port-de-Bouc, représentée par Me Baesa, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Un courrier du 9 janvier 2025 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 18 février 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Carmier, représentant M. B... et de M. B...,

- et les observations de Me Baesa, représentant la commune de Port-de-Bouc.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., par Me Carmier, a été enregistrée le 25 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 16 mai 2022, le maire de la commune de Port-de-Bouc a infligé à M. B..., gardien-brigadier de police municipale, la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, dont trois mois avec sursis. Par un jugement du 13 mars 2024, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique, reprenant ceux de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 533-1 du même code reprenant celles de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires (...) sont réparties en quatre groupes. (...) / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / (...). ". L'article L.533-3 de ce code précise que : " L'exclusion temporaire de fonctions, privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions a été infligée à M. B... aux motifs qu'il a manqué, à plusieurs reprises, à son devoir d'obéissance hiérarchique, qu'il a méconnu son devoir de réserve en tenant des propos inappropriés les 9 et 13 février 2021, et qu'il a manqué à son obligation de servir loyalement, d'une part, en ayant bénéficié de jours de congés indus dans le cadre d'un système frauduleux dont il avait connaissance, et, d'autre part, en ayant refusé de reverser à la commune l'équivalent des jours de congés irrégulièrement pris.

5. En ce qui concerne, en premier lieu, les faits de désobéissance hiérarchique, il ressort du rapport disciplinaire établi le 29 octobre 2021 par le directeur général des services de la commune de Port-de-Bouc que, depuis son arrivée en mars 2017 au sein du service de la police municipale, M. B... entretient avec ses supérieurs hiérarchiques successifs des relations très tendues, ce qui lui a valu non seulement de nombreux rappels à l'ordre émanant tant de ces supérieurs que du directeur des ressources humaines, mais encore un avertissement infligé par l'autorité disciplinaire le 10 septembre 2018. En dépit de cette sanction, l'intéressé a persisté à adopter un comportement inapproprié, de sorte qu'il a été destinataire, le 16 septembre 2020, d'une note d'observations du chef de service de la police municipale, selon laquelle il a contesté l'autorité de la chef adjointe du service ainsi que celle de la cheffe de brigade ayant assuré l'intérim du chef de service du 1er juillet au 8 septembre 2020, attitude destinée à nuire à l'organisation interne du service et à discréditer la hiérarchie. Ce même chef de service a rédigé un rapport le 9 octobre 2020 sollicitant une sanction à l'encontre de M. B..., notamment pour des faits de non-respect des consignes données tant verbalement que sur les bulletins de service, et de critiques à l'encontre de la hiérarchie et du fonctionnement de la mairie. Ce rapport, qui évoque également un refus de l'intéressé, le 9 septembre 2020, de restitution volontaire du travail réalisé sur trois dossiers de fourrières qui lui avait été attribués, décrit par ailleurs les tensions entre M. B... et ses deux supérieures hiérarchiques précitées, dont l'une a déclaré avoir alerté la médecine du travail en raison de l'attitude de celui-ci à son encontre. Le rapport indique par ailleurs que M. B... a pris pour habitude de passer outre à sa hiérarchie et de prendre des libertés avec les décisions de fonctionnement interne, ce qui peut potentiellement, dans certaines situations, le mettre en danger, ainsi que ses collègues, particulièrement lorsqu'il agit seul sur la voie publique de sa propre initiative.

6. D'une part, à le supposer soulevé, le moyen tiré du défaut d'impartialité du rédacteur du rapport du 9 octobre 2020, lequel n'est pas visé par la décision en litige, est inopérant dès lors qu'il ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire et n'est, ce faisant, pas susceptible d'en affecter la régularité.

7 D'autre part, le requérant n'établit pas l'absence de force probante des rapports rédigés tant par l'adjointe au chef de la police municipale que par la cheffe de brigade ayant assuré l'intérim du chef de service à l'été 2020, sur le fondement desquels le chef de service a rédigé sa note d'observations notifiée le 16 septembre 2020 ainsi que le rapport du 9 octobre suivant, en se bornant à affirmer qu'ils ne sont pas datés, l'un de ces deux documents n'étant pas davantage signé, dès lors qu'ils décrivent avec suffisamment de précision des faits de désobéissance hiérarchique survenus entre le 1er juillet et le 8 septembre 2020, veille du retour du chef de service, et que leurs rédactrices peuvent être identifiées sans aucune ambiguïté. De plus, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, la note d'observations qui lui a été notifiée le 16 septembre 2020, au sujet de laquelle il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la qualification pénale de faux en écriture publique, n'est pas constitutive d'un faux, la circonstance qu'elle mentionne la date du 15 mars 2019 étant nécessairement constitutive d'une simple erreur matérielle dès lors qu'elle décrit des faits survenus au cours de l'été 2020.

8. Enfin, alors que l'ensemble de ces documents évoquent de nombreux faits précis et datés qui révèlent que de manière habituelle, M. B... ne respecte pas les consignes de sa hiérarchie, ce qui a pour effet de désorganiser le service, et qu'il prend des initiatives potentiellement dangereuses tant pour lui que ses collègues, celui-ci ne remet pas sérieusement en cause leur matérialité en se prévalant de l'imprécision des instructions données, au surplus sur la base d'attestations d'agents ayant tous quitté les effectifs de la commune après avoir été mis en cause dans la fraude aux congés et heures supplémentaires précédemment évoquée.

9. En ce qui concerne, en deuxième lieu, le manquement au devoir de réserve retenus par l'autorité disciplinaire à l'encontre de M. B..., il ressort des attestations de l'adjoint au maire et d'un conseiller municipal du 16 février 2021 que l'intéressé, alors en service, a ouvertement tenu des propos critiques à l'encontre de la municipalité le 9 février 2021 lors d'une réception à l'hôtel de ville. Le maire de la commune et le responsable de l'union locale des syndicats CGT de Port-de-Bouc attestent quant à eux de propos dénigrants de l'intéressé lors d'une intervention le 13 février 2021. L'attestation de l'agent de police municipale qui accompagnait M. B... lors de cette intervention ne suffit pas, à elle seule, à remettre en cause la matérialité des faits de manquements au devoir de réserve retenus dans la décision attaquée.

10. En ce qui concerne, en troisième lieu, les faits de manquement au devoir de loyauté fondant la sanction en litige, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 10 mai 2021 par la directrice générale adjointe des services, que l'enquête administrative diligentée à la suite du signalement opéré par plusieurs agents du service de police municipale à l'encontre de leur chef de service et de son adjointe, a révélé que M. B... a bénéficié d'avantages indus consistant en dix jours de congés non justifiés et correspondant à une rémunération indûment versée à hauteur de 1 181,62 euros. Il est par ailleurs constant que l'intéressé, qui a délibérément omis de déclarer ces jours sur le logiciel de gestion des congés mis en place par la mairie, est le seul agent concerné par la fraude, initiée par le chef du service de police municipale, à ne pas avoir restitué les jours de congés irrégulièrement obtenus.

Si M. B... soutient qu'il aurait simplement été induit en erreur par son chef de service,

il ressort toutefois du compte rendu d'entretien de ce dernier avec le directeur général des services du 15 octobre 2020 que le système de fraude aux congés et heures supplémentaires était connu des agents concernés.

11. Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits décrits aux points 5 à 10 du présent arrêt est établie. De tels faits sont constitutifs de fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Compte tenu des fonctions exercées par l'intéressé, du nombre de manquements relevés, de leur gravité, et pour certains d'entre eux de leur récurrence, et eu égard à ses antécédents disciplinaires et à l'appréciation peu élogieuse de sa manière de servir portée par son employeur dans les précédents entretiens d'évaluation professionnelle, la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis prononcée à l'encontre de M. B... par le maire de la commune de Port-de-Bouc n'est pas disproportionnée.

12. Enfin, dès lors que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire était fondée, en raison de l'ensemble des faits énoncés aux points 5 à 10, et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, à infliger la sanction de l'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis à l'encontre de M. B..., le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Port-de-Bouc lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Port-de-Bouc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Port-de-Bouc sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Port-de-Bouc en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Port-de-Bouc.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 15 avril 2025.

N° 24MA01264 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01264
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;24ma01264 ?
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