Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 7 juin 2021 par laquelle le maire de la commune de Marseille lui a infligé la sanction d'avertissement.
Par un jugement n° 2107044 du 4 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrées les 5 et 6 septembre 2023 et les 21 et 28 février 2025, M. A..., représenté par Me Hébert, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2023 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Marseille une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la mesure en litige a été signée par une autorité incompétente, faute pour la commune de justifier de l'empêchement du directeur général des services, et en jugeant le contraire,
le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs ou d'une dénaturation des pièces du dossier ;
- la sanction en litige n'est pas motivée en droit au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, puisqu'elle ne cite pas les dispositions qui interdisent la réquisition d'images de vidéosurveillance qui lui est reprochée, et pas davantage le texte invoqué par la commune dans ses écritures devant la Cour ;
- les faits qui lui sont reprochés, à partir du seul rapport établi par un agent avec lequel il est en conflit, ne sont pas établis et ne correspondent pas à la définition d'une réquisition tirée de l'article 60-1 du code de procédure pénale ;
- il n'a donc pas commis de faute disciplinaire ;
- sa promotion au grade de brigadier-chef principal le 2 mai 2023 n'est pas compatible avec la faute qui lui est reprochée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 février 2024 et 27 février 2025,
la commune de Marseille, représentée par Me Bouteiller de l'aarpi Beauvillard Bouteiller Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que le comportement reproché à l'agent est fautif au regard de l'article L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, et que les autres moyens d'appel ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 février 2025, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 21 février 2025 a été reportée au 28 février 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hébert, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., gardien-brigadier de la police municipale de Marseille, en poste à la deuxième section de la brigade de tranquillité publique, s'est vu infliger par le maire de Marseille la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un jour, par un arrêté du 2 avril 2019. Cette sanction a été prononcée aux motifs que le 6 septembre 2018, il avait manqué gravement à ses obligations de réserve et d'obéissance hiérarchique et que le 4 octobre 2018, après une interpellation sur la voie publique, il aurait procédé à la réquisition illicite d'images de vidéosurveillance d'un grand magasin. Par un jugement du 15 avril 2021, contre lequel l'appel incident de la commune de Marseille a été rejeté par un arrêt de la Cour du 4 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a annulé cette sanction pour disproportion, après avoir considéré comme établi le grief tiré des faits survenus
le 4 octobre 2018. Par une décision du 7 juin 2021, le maire de Marseille a prononcé contre
M. A... un avertissement à raison de ces faits du 4 octobre 2018. Par un jugement du
4 juillet 2023, dont M. A... relève régulièrement appel, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.
3. Pour étayer l'unique grief justifiant l'avertissement infligé à M. A..., la commune de Marseille se fonde, d'une part, sur le jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un jour prononcée contre M. A... le 2 avril 2019, et d'autre part, sur le rapport établi le
7 octobre 2018 par la brigadière qui dirigeait le 4 octobre 2018 la patrouille dont faisait alors partie l'intéressé. La brigadière y affirme avoir vu celui-ci, à la suite d'une intervention pour vol sur la voie publique, en train de visionner les images de vidéosurveillance d'un grand magasin après les avoir réquisitionnées auprès d'un agent de sécurité, et insister sur l'importance de ces images pour demander leur " extraction " à l'officier de police judiciaire.
4. Toutefois et d'une part, ce jugement d'annulation du tribunal administratif de Marseille n'est doté de l'autorité absolue de chose jugée qu'en ce qui concerne les motifs qui en sont le soutien nécessaire et dont ne relèvent pas ses énonciations que, à la différence des autres griefs alors retenus par l'autorité disciplinaire contre M. A..., les faits de réquisition illicite d'images de vidéosurveillance devaient être considérés comme établis compte tenu de la contestation insuffisante qu'en donnait alors l'intéressé.
5. D'autre part, les affirmations du rapport du 7 octobre 2018, sur lesquelles s'était fondé le tribunal dans son jugement précité, sont contredites par deux attestations produites par
M. A.... La première attestation, dont la date d'établissement le 7 avril 2024 n'est pas à elle seule de nature à lui ôter toute force probante, émane d'un agent présent sur les lieux au cours de cette intervention, et indique que M. A... n'a ni réquisitionné ni visionné les images de vidéosurveillance de ce commerce. La seconde attestation versée au dossier par le requérant a été établie par la directrice de ce magasin qui affirme, le 6 septembre 2023, en complément de l'attestation de son assistant du 12 septembre 2021, que le visionnage des images de vidéosurveillance n'est possible que sur demande auprès du siège national de l'enseigne et ne relève pas des prérogatives des agents de sécurité du magasin, et que ce dernier ne dispose que d'une vidéosurveillance à l'intérieur de ses murs. La seule circonstance, invoquée par la commune devant le tribunal, que M. A... n'a produit ces attestations que devant la juridiction administrative, ne peut suffire à les priver de toute valeur probante, cependant que la réponse donnée par l'assistant de direction de cet établissement à la sommation interpellative du
26 janvier 2024 qu'à cette date le visionnage des images de la vidéosurveillance est possible, n'est pas de nature à corroborer l'unique document sur lequel se fonde la sanction en litige. Ainsi, compte tenu de la contradiction existant entre les éléments produits par la commune de Marseille pour étayer le grief sur lequel elle fonde la sanction en litige et ceux versés à l'instance par
M. A..., celui-ci, qui prétend s'être borné le 4 octobre 2018 à demander à l'agent de sécurité du grand magasin si une vidéo avait pu être prise du vol sur la voie publique et avoir reçu une réponse positive de sa part, est fondé à soutenir que l'autorité disciplinaire ne rapporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe, des faits de réquisition illicite d'images de vidéosurveillance au titre desquels elle lui a infligé l'avertissement en litige. Cette sanction est donc entachée d'une erreur de fait, la commune de Marseille ne soutenant ni en première instance ni en appel que les faits dont la commission est admise par l'agent revêtiraient tout de même un caractère fautif.
6. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et la décision en litige, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Marseille et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille, en application de ces mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros à verser à M. A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2107044 rendu le 4 juillet 2023 par la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille rejetant la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du maire de Marseille du 7 juin 2021 lui infligeant un avertissement, ainsi que cette décision, sont annulés.
Article 2 : La commune de Marseille versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Marseille tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
N° 23MA023112