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02/02/2023 | FRANCE | N°20NC01049

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 02 février 2023, 20NC01049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de mars 2017, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Par un jugement n° 1800660 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2020, M. A... B..., représenté par la AARPI Thémis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen

t du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de mars 2017, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Par un jugement n° 1800660 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2020, M. A... B..., représenté par la AARPI Thémis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de mars 2017 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'illégalité de la facturation de l'accès au service de la télévision dans son établissement pénitentiaire depuis le mois de mars 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette illégalité tient en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pris isolément ; en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une méconnaissance du principe d'égalité entre les usagers du service public.

Par une ordonnance du 23 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 septembre 2021.

Le ministre de la justice a produit un mémoire le 6 janvier 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est incarcéré à la maison centrale d'Ensisheim. Il est propriétaire d'un poste de télévision équipant sa cellule. Il n'est pas contesté que depuis le mois de mars 2017 il paye l'accès au service, qu'il estime en principe gratuit, de télévision numérique terrestre également appelée TNT, à la hauteur de 3,86 euros par mois à l'établissement pénitentiaire. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'à la notification du jugement, assortie des intérêts et de la capitalisation. Par un jugement n° 1800660 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours. M. B... fait appel de ce jugement et demande également la condamnation de l'Etat à lui rembourser à une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'à la notification du présent arrêt, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Sur l'exception de non-lieu :

2. L'article R. 634-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer un avocat. ".

3. Le décès de M. B... a été porté à la connaissance de la cour par un mémoire du ministre de la justice le 6 janvier 2023. A cette date, l'affaire était en état d'être jugée. Par suite, il y a toujours lieu, en l'état, par application des dispositions de l'article R. 634-1 du code de justice administrative, de statuer sur la requête.

Sur la demande en répétition de l'indu :

4. Aux termes de l'article 19 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, relatif au règlement intérieur type des établissements pénitentiaires : " (...) IV- La personne détenue peut se procurer par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités que celle-ci détermine une radio et un téléviseur individuels ".

5. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'il existe une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.

6. Il résulte de l'instruction que le directeur de la maison centrale d'Ensisheim a instauré à compter de février 2017 un tarif d'accès des téléviseurs, dont l'appelant est propriétaire, aux chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre d'un montant de 3,86 euros mensuel.

7. Cette décision a eu pour effet de placer, pour les personnes détenues dans cet établissement à gestion privée, l'obligation de s'acquitter d'une contribution dont n'ont pas à s'acquitter les détenus se trouvant dans des établissements à gestion publique. D'une part, cette distinction constitue une différence de traitement entre des personnes placées dans une situation identique, le mode de gestion des établissements pénitentiaires étant sans incidence sur le statut des détenus. D'autre part, cette différence de traitement n'est justifiée ni par une quelconque raison d'intérêt général, ni par l'existence d'une gamme de prestations plus étendues ou de services plus nombreux offerts par le prestataire. Par conséquent, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours.

8. Les créances de M. B... s'établissent à une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'à la date à laquelle a cessé d'être mis indûment à sa charge les frais d'accès au service de télévision numérique terrestre. Toutefois, l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant exact des sommes ainsi dues à l'appelant. Il y a lieu, dans ces conditions, de renvoyer M. B... devant le ministre de la justice pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues en exécution du présent arrêt.

Sur les intérêts :

9. M. B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à compter du 18 juillet 2017, date de réception de sa demande par le ministre de la justice. Les intérêts échus à la date du 18 juillet 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

10. Faute pour M. B... d'établir qu'il a exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont il bénéficie pour les besoins de la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800660 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu'à la date à laquelle ont cessé d'être mis indûment à sa charge les frais d'accès au service de télévision numérique terrestre.

Article 3 : Les sommes en cause porteront intérêt à compter du 18 juillet 2017 et ces intérêts seront capitalisés à la date du 27 juin 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux ayants droit de M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC01049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01049
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-02;20nc01049 ?
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