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19/09/2023 | FRANCE | N°23NC00034

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 septembre 2023, 23NC00034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2202015 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, Mme B..., représentée par la SCP Massé e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2202015 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, Mme B..., représentée par la SCP Massé et Berlemont, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202015 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, sous astreinte, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) à titre subsidiaire, de lui accorder un droit au séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle ;

5°) de condamner l'administration aux dépens en faisant application de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et familiale ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- dès lors qu'elle a droit à un titre de séjour de plein droit, la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et familiale ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- sa famille encoure des risques en cas de retour dans leur pays d'origine car son fils est considéré comme déserteur en Russie.

Par une mémoire en défense enregistré le 21 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses premières écritures et soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante russe, née le 6 août 1979, serait entrée en France le 6 juin 2014, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Elle a sollicité une autorisation provisoire de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination. Le 30 mars 2022, la requérante a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par le préfet le 5 mai 2022. Mme B... relève appel du jugement du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er mars 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. "

3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité un titre de séjour en se prévalant de l'état de santé de son enfant mineur. Ainsi, sa demande relevait de l'article L. 425-10 précité et elle a été examinée au regard de celui-ci. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet ne s'est pas fondé pour refuser le séjour doit être écarté comme étant inopérant.

4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était présente sur le territoire français depuis près de huit ans à la date de la décision attaquée, avec ses deux enfants, scolarisés en France et qu'elle maîtrise la langue française. Toutefois, Mme B... s'est maintenue sur le territoire français en situation irrégulière alors qu'elle avait fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français le 4 juillet 2017. Si elle se prévaut de la présence d'un frère en France, elle n'apporte aucun élément en ce sens et ne soutient pas en être dépourvue d'attaches familiales en Russie. Par ailleurs, en se bornant à produire des attestations de participation à des ateliers et une promesse d'embauche en qualité d'employée polyvalente du 7 octobre 2022, au demeurant postérieure à la décision litigieuse, elle ne démontre pas une insertion particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant refus de séjour a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. S'il ressort des pièces du dossier que les enfants de la requérante vivent sur le territoire français depuis l'année 2014 et y sont scolarisés, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que la décision de refus de séjour méconnaîtrait leur intérêt supérieur dès lors qu'elle n'a pas vocation à séparer la cellule familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

8. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de Mme B... doit être écarté pour les mêmes motifs de faits que ceux mentionnés ci-dessus aux points 5 et 7.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, et alors que la mesure d'éloignement n'a pas vocation à séparer les enfants de leur mère et que rien ne s'oppose à ce que ces derniers poursuivent leur scolarité en Russie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle et familiale de la requérante doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5, 7 et 8.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'articleL.412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

11. L'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que Mme B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précité. Le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait prendre une mesure d'éloignement au motif qu'elle peut prétendre au bénéfice d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de cet article doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En se bornant à soutenir que son fils de seize ans est considéré comme déserteur en Russie car il ne se serait pas présenté à une convocation adressée dans le cadre de la mobilisation générale décidée par le président de la fédération de Russie, elle ne démontre pas la réalité des risques encourus par son fils ou sa famille en cas de retour dans leur pays d'origine.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la SCP Massé et Berlemont et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC00034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00034
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : MASSE et BERLEMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-19;23nc00034 ?
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