Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions des 12 août 2021 et 28 avril 2022 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a " classé sans suite " ses demandes successives de renouvellement de titre de séjour.
Par un jugement n° 2201756 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 28 avril 2022, enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A..., mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 octobre 2022 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 28 avril 2022 classant sans suite la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°) de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2022.
Il soutient que :
- la demande de renouvellement de titre de séjour n'était pas fondée, comme l'a estimé le tribunal, sur l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais sur l'article L. 421-3 du même code qui constituait le fondement du titre de séjour précédemment délivré à l'intéressé ;
- la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-3 est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail ; l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour les titres de séjour prévus au IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le précise également ;
- M. A... n'a jamais produit un dossier complet ;
- quand bien même la demande de renouvellement reposerait sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la production d'une autorisation de travail était indispensable pour compléter le dossier en vertu du point 2-3 de l'annexe 10 de ce code ;
- les autres moyens de la demande ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Corsiglia, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête du préfet de Meurthe-et-Moselle et, par un appel principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 octobre 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de classement sans suite du 12 août 2021 ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle des des 12 août 2021 et 28 avril 2022 et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " et à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1992 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait pas classer sans suite sa demande sans lui demander au préalable de compléter son dossier en vertu de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; cette décision lui fait ainsi grief ;
- les dispositions réglementaires des articles R. 431-10 et R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent pas contrevenir aux dispositions prévues par l'article L. 114-5 ;
- la décision du 12 août 2021 est entachée d'un vice de procédure et d'une erreur de droit au regard de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il n'est pas établi que la décision du 28 avril 2022 est fondée sur l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'absence de mention du fondement révèle un défaut de motivation en droit de la décision de classement sans suite ;
- le préfet n'ayant pas exigé la production d'une autorisation de travail lors du premier renouvellement de titre de séjour, il ne pouvait pas davantage le faire lors de la seconde demande dès lors que la délivrance d'un titre de séjour alors qu'il ne remplissait pas toutes les conditions est créatrice de droit.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, a été pris en charge à son entrée en France par le service de l'aide sociale à l'enfance. Il a bénéficié d'un premier titre de séjour qui a été renouvelé pour la période du 10 septembre 2020 au 9 septembre 2021. A l'issue de cette période, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, par l'intermédiaire du service en ligne de la préfecture. Par une décision du 12 août 2021, cette demande a été classée sans suite en raison de son incomplétude. Le 20 septembre 2021, M. A... a déposé une nouvelle demande de renouvellement de son titre de séjour. Par une décision du 28 avril 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a classé sans suite cette demande en raison de son caractère incomplet. Par un jugement du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette seconde décision et rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 août 2021. Le préfet de Meurthe-et-Moselle fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". L'article L. 114-5 du même code dispose : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par la décision du 12 août 2021, classé sans suite la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de travailleur salarié présentée par M. A... en raison de l'incomplétude de son dossier. L'intéressé fait valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette décision lui fait grief dès lors qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, le préfet aurait dû, au préalable, l'inviter à compléter son dossier. Toutefois, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales qui régissent le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'ensuit que M. A..., qui ne conteste pas l'incomplétude de son dossier, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 août 2021 refusant d'enregistrer sa demande de renouvellement de titre de séjour au motif qu'elle ne fait pas grief.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-11 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". La ligne 66 de l'arrêté du 30 avril 2021 susvisé relatif à l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile renvoie pour le renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " à la ligne 2, correspondant à la carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " au titre de l'article L. 421-3, dont le point 3 .1.1. impose de joindre l'autorisation de travail correspondant au poste occupé ou l'autorisation de travail dématérialisée. Aux termes de l'article R. 432-1 du même code : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. / (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
7. Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que les premiers juges ont estimé à tort que le refus de renouvellement du titre de séjour qu'il avait opposé à M. A... devait être regardé comme fondé sur l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'en conséquence il avait illégalement refusé de le renouveler au motif que l'intéressé ne remplissait pas la condition de détention préalable d'une autorisation de travail prévue à l'article L. 421-3 du même code.
8. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a initialement délivré, à titre exceptionnel, à M. A... une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a été renouvelée pour la période du 10 septembre 2020 au 9 septembre 2021. La demande de renouvellement présenté par l'intéressé, via le service en ligne " démarches-simplifiées.fr ", a été déclarée sans suite le 12 août 2021 en raison de l'incomplétude du dossier. M. A... a alors déposé une nouvelle demande de renouvellement sur cette plate-forme le 20 septembre 2021, soit postérieurement à la durée de validité de son titre de séjour. Ainsi, cette nouvelle demande doit être regardée comme une première demande de titre de séjour pour motif exceptionnel dès lors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu que M. A... aurait sollicité un changement de statut. Contrairement à ce que soutient le préfet de Meurthe-et-Moselle, la délivrance d'un premier titre de séjour pour motif exceptionnel, que ce soit sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 ou de l'article L. 435-3, n'est pas subordonnée à la production préalable d'une autorisation de travail. Il s'ensuit que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du 28 avril 2022, lui ont enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour et ont mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance de M. A....
Sur les conclusions subsidiaires à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 12 août 2021 refusant d'enregistrer sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par suite, les conclusions subsidiaires présentées par celui-ci à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
10. M. A... obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Corsiglia, conseil de M. A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC02835 2