Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une requête n° 1801417, la société Moretti Constructions a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 2 800 euros et de la décharger de l'amende litigieuse.
Par une requête n° 1801418, la société Moretti Constructions a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 4 200 euros et de la décharger de l'amende litigieuse.
Par un jugement commun n° 1801417-1801418 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, Me Bruart mandataire judiciaire de la société Moretti constructions, représenté par Me Poirson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du 19 mars 2018 par lesquelles la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a prononcé à son encontre des amendes administratives ;
3°) de prononcer leurs décharges ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;
- les décisions attaquées ne mentionnent pas son courrier d'observations du 2 août 2017 et méconnaissent ainsi la procédure contradictoire ;
- la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est n'a réalisé aucun contrôle postérieurement à ce courrier qui aurait permis de constater la mise en conformité des chantiers avec les dispositions du code du travail ;
- les manquements aux dispositions du code du travail ne sont pas établis dès lors que le mobilier était suffisant, que l'eau potable était livrée sur place et que les salariés avaient à leur disposition de l'eau fraîche.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2020, le ministre du travail du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de contrôles effectués le 17 juillet 2017, des inspecteurs du travail ont constaté sur deux chantiers de la société Moretti Constructions situés à Tomblaine, des manquements au code du travail en matière d'hygiène et de restauration qui ont été à nouveau relevés les 18, 20 et 24 juillet 2017 sur le premier chantier et le 24 juillet 2017 sur le second. Des courriers d'observations ont été adressés à la société les 18 et 25 juillet 2017 auxquels celle-ci a répondu par un courrier du 2 août 2017, reçu le 7 août suivant. Le 2 août 2017, les agents de contrôle ont adressé leurs rapports à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est. Le 20 novembre 2017, deux courriers d'information sur les sanctions envisagées ont été adressés à la société. Par deux décisions du 19 mars 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a infligé à la société Moretti Constructions des amendes administratives d'un montant de 2 800 euros pour le premier chantier et de 4 200 euros pour le second. Me Bruart, mandataire judiciaire de la société Moretti Constructions relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulations des décisions du 19 mars 2018 et à la décharge des sommes correspondantes.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées. Il y a lieu d'écarter ce moyen à l'appui duquel le requérant ne présente aucun argument nouveau, par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nancy.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 8115-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur : " Lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative, il indique à l'intéressé par l'intermédiaire du représentant de l'employeur mentionné au II de l'article L. 1262-2-1 le montant de l'amende envisagée et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours./ A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il notifie sa décision et émet le titre de perception correspondant.(...) ".
4. La circonstance que les deux décisions attaquées ne mentionnent pas le courrier de réponse de la société requérante du 2 août 2017, reçu le 7 août suivant, soit le même jour que le rapport adressé par les inspecteurs du travail à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est est sans incidence sur le respect de la procédure contradictoire préalable dès lors que la société a été invitée à présenter des observations sur les sanctions envisagées par un courrier du 20 novembre 2017 conformément à l'article R. 8115-2 du code du travail. De même, la circonstance qu'aucun contrôle n'ait été effectué à la suite de ce courrier du 2 août 2017 informant les services que la société se serait conformée aux manquements relevés, ce qui au demeurant ne ressort pas des pièces du dossier, demeure également sans incidence sur la légalité des décisions attaquées dès lors que la société n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les constatations opérées lors du contrôle et qu'en outre les agents de l'inspection du travail avaient effectué des contre-visites à plusieurs jours d'intervalle sur les deux chantiers constatant la pérennité de ces manquements. Par suite, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 4534-139 du code du travail : " L'employeur met à la disposition des travailleurs un local-vestiaire : / 1° Convenablement aéré et éclairé, et suffisamment chauffé ; / 2° Nettoyé au moins une fois par jour et tenu en état constant de propreté ; / 3° Pourvu d'un nombre suffisant de sièges. / Il est interdit d'y entreposer des produits ou matériels dangereux ou salissants ainsi que des matériaux. / Lorsque l'exiguïté du chantier ne permet pas d'équiper le local d'armoires-vestiaires individuelles en nombre suffisant, le local est équipé de patères en nombre suffisant. / Pour les chantiers souterrains, le local est installé au jour ". Aux termes de l'article R. 4534-142 du même code : " Lorsque des travailleurs prennent leur repas sur le chantier, un local réfectoire est mis à leur disposition. / Ce local répond aux exigences suivantes : / 1° Il est pourvu de tables et de chaises en nombre suffisant : / 2° Il dispose d'au moins un appareil permettant d'assurer le réchauffage ou la cuisson des aliments et d'un garde-manger destiné à protéger les aliments d'une capacité suffisante et, si possible, d'un réfrigérateur ; / 3° Il est tenu en parfait état de propreté ".
6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports des inspecteurs du travail que les bungalows mis à disposition étaient sales et, selon la société elle-même, dans un état lamentable, qu'ils ne disposaient ni d'armoire vestiaire ni de sièges en nombre suffisant et étaient dépourvus de tout équipement de restauration. Les seules factures produites datant du 24 juin 2013 et mentionnant l'achat d'une table et de quatre tabourets ne suffisent pas à contredire le procès-verbal de constat qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Dans ces conditions, le manquement aux dispositions précitées des articles R. 4534-139 et R. 4534-142 du code du travail est établi.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 4534-141 du code du travail : " Les employeurs mettent à la disposition des travailleurs une quantité d'eau potable suffisante pour assurer leur propreté individuelle. Lorsqu'il est impossible de mettre en place l'eau courante, un réservoir d'eau potable d'une capacité suffisante est raccordé aux lavabos afin de permettre leur alimentation. / Dans les chantiers mentionnés à l'article R. 4534-137, sont installés des lavabos ou des rampes, si possible à température réglable, à raison d'un orifice pour dix travailleurs. / Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés, entretenus et changés chaque fois que nécessaire, sont mis à disposition des travailleurs ".
8. Il ressort des rapports des inspecteurs du travail et des photos produites en défense que les bungalows installés sur les deux chantiers étaient dépourvus d'arrivées d'eau, nonobstant la présence de lavabos dans un important état de saleté, et que seul un bidon d'eau était à la disposition des salariés. En se bornant à soutenir que les compteurs d'eau étaient opérationnels et que l'eau était livrée par la communauté urbaine du Grand Nancy, sans produire aucune pièce à l'appui de ses allégations, la société requérante ne remet pas sérieusement en cause les constatations des inspecteurs du travail quant aux manquements aux dispositions de l'article R. 4534-141 du code du travail précité. Dans ces conditions, le manquement aux dispositions précitées de l'article R. 4534-141 du code du travail est établi.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 4534-143 du code du travail : " L'employeur met à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour la boisson, à raison de trois litres au moins par jour et par travailleur ".
10. Il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports des inspecteurs du travail que les salariés ne disposaient pas, sur les chantiers litigieux, d'eau potable et fraîche. Ce constat n'est pas remis en cause par la société requérante qui se borne à soutenir que des bouteilles d'eau sont mises à disposition dans les locaux de l'entreprise à Dombasle-sur-Meurthe, soit à plusieurs kilomètres des chantiers concernés. En outre, aucun réfrigérateur ne permettait de maintenir une eau fraiche alors que la température extérieure avoisinait les 30°. Dans ces conditions, le manquement aux dispositions de l'article R. 4534-143 du code de travail est établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Me Bruart, mandataire judiciaire de la société Moretti Constructions n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de la société Moretti Constructions tendant à l'annulation des décisions du 19 mars 2018 par lesquelles la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est a prononcé à son encontre des amendes administratives respectivement d'un montant de 2 800 euros et de 4 200 euros et à la décharge du montant de ces amendes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Me Bruart, mandataire judiciaire de la société Moretti Constructions, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Bruart, mandataire judiciaire de la société Moretti Constructions et au ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée à la directrice régionale de la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du Grand Est et au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 20NC02640