Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2203328 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Sgro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
s'agissant de la décision obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son état de santé et la mesure d'éloignement aurait dû être précédée d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration en application de l'article R. 611-1 de ce code ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision doit être annulées du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamental et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante angolaise née le 22 décembre 1972, déclare être entrée en France le 23 octobre 2017. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 décembre 2021. A la suite de cette décision, et en l'absence de saisine de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée par un arrêté du 2 novembre 2022. Mme C... relève appel du jugement du 22 décembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du 2 novembre 2022 :
2. L'arrêté contesté a été signé par Mme B... A..., directrice de l'immigration et de l'intégration par intérim de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui a reçu délégation par un arrêté préfectoral du 3 octobre 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour à l'effet de signer notamment " toutes décisions de classement sans suite, de refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour, de refus de séjour, faisant obligation de quitter le territoire et de reconduite à la frontière (expulsion) et de réadmission, fixant le pays de renvoi, refusant ou prolongeant le délai de départ volontaire, (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
4. Dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise, notamment, après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, celui-ci est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux, notamment au regard de sa situation dans son pays d'origine ou de sa situation personnelle et familiale.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a pu présenter les observations qu'elle estimait utiles lors de l'examen de sa demande d'asile. Alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de cette demande, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, elle n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêchée de présenter des observations avant que ne soit prise la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...)". Et aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
7. En l'espèce, Mme C... soutient que son état de santé qui nécessite une prise en charge médicale pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si les pièces produites par la requérante attestent qu'elle est affectée d'une hépatite B, d'hypertension artérielle et d'un fibrome utérin, ces documents ont tous été établis postérieurement à l'arrêté préfectoral du 2 novembre 2022. En conséquence, il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir consulté le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à la décision d'obligation à quitter le territoire français. Au demeurant, et contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces qu'elle produit que le défaut de traitement médical aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme C... soutient avoir établi sa vie privée et familiale en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'est arrivée en France qu'à l'âge de quarante-cinq ans, qu'elle est célibataire et sans charge de famille, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision en litige ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, pour les motifs précédemment exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de cette dernière décision invoquée à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écartée.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si Mme C... soutient qu'en cas de retour en Angola, elle serait exposée à des traitements contraires à ces stipulations, elle n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2022 doivent être rejetées et que cette dernière n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C....
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par la requérante au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à Me Sgro et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 21 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC01565