Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202752 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Boia, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 20 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut la mention " salarié ", dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas statué sur l'une des branches développées à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa situation dès lors que l'arrêté comporte des erreurs de fait relatives à sa situation et ne mentionne pas sa situation professionnelle ;
Sur la légalité de la décision de rejet de la demande de titre de séjour :
- la décision en litige méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision en litige méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles doivent être annulées en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant togolais, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 20 juillet 2015. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. L'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté sa demande par une décision du 11 avril 2017, qui a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mai 2019. Le préfet de la Marne a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Le 13 décembre 2021, l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française. Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le jugement attaqué omet de répondre à la seconde branche, relative à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ", du moyen soulevé devant le tribunal et tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité dès lors que, la demande de titre de séjour n'ayant pas été fondée sur cet article et le préfet n'ayant pas examiné d'office à son égard la demande du requérant, ce moyen, que le tribunal avait visé, était inopérant. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement est irrégulier.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
3. Il résulte des motifs mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de la Marne a procédé à un examen particulier de la demande de titre de séjour de M. A... sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il a entaché de deux erreurs de fait l'arrêté contesté en mentionnant que la mère de l'intéressé et son enfant né en 2010 résidaient au Togo alors que celle-ci est décédée et, qu'en réalité, il a deux enfants nés en 2014 et 2015 qui résident dans son pays d'origine, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis ces erreurs. Il ne ressort ni des pièces du dossier ni des motifs de l'arrêté contesté, bien qu'il ne mentionne pas le contrat de travail dont dispose M. A..., que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation avant de prendre l'arrêté en litige.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. M. A... fait valoir qu'il a fixé le centre de ses intérêts en France où il réside depuis près de sept années, qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, qu'il a une fille, qui vit avec sa mère, en situation régulière sur le territoire français. Il ajoute encore qu'il est titulaire d'un BTS en télécommunication option maintenance informatique et programmation et travaille, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé le 19 novembre 2020, en qualité de logisticien depuis le 1er septembre 2020. Toutefois, l'ancienneté de la présence de l'intéressé en France est liée à l'absence d'exécution d'une obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifiée le 6 octobre 2020. Par ailleurs, s'il a souscrit, le 22 octobre 2020, un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, la communauté de vie, qui est établie au mieux à compter de mars 2020, était récente à la date de l'arrêté en litige. Le contrat de travail dont le requérant se prévaut a été conclu irrégulièrement en l'absence de titre de séjour l'autorisant à travailler. Si M. A... fait valoir qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de sa fille, née en 2014, il est constant que, jusqu'à son arrivée irrégulière en France en 2022, il a vécu éloigné d'elle et ne l'a prise en charge, à l'issue de son placement en rétention en mars, que quelques mois avant qu'elle ne retourne chez sa mère en septembre 2022. De plus, à la date de l'arrêté en litige, la mère de sa fille n'avait pas vocation à demeurer sur le territoire français dès lors qu'un récépissé de demande de titre de séjour ne lui a été délivré que le 25 novembre 2022 pour la période du 3 novembre 2022 au 24 mai 2023. Si elle dispose désormais d'un titre de séjour, cette circonstance est postérieure à la décision en litige. Enfin, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu l'essentiel de sa vie et où, selon la fiche comportant les renseignements qu'il a communiqués au préfet, résident deux autres de ses enfants mineurs, avec lesquels il n'établit pas ne plus avoir de contacts. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., le préfet de la Marne n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni enfin les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir de régularisation.
6. En deuxième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est borné à solliciter un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut, dès lors, utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du même code sur le fondement desquels le préfet de la Marne n'a pas examiné d'office sa demande, alors même que le préfet a apprécié l'opportunité de délivrer au requérant un titre de séjour en vertu de son pouvoir général de régularisation.
8. En dernier lieu, si M. A... se prévaut de son insertion professionnelle, notamment en faisant valoir qu'il travaille dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, notamment un titre de salarié, le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
10. Dès lors que le requérant invoque les mêmes arguments que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
12. Dès lors que le requérant invoque les mêmes arguments que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent en tout état de cause être écartés pour les mêmes motifs.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie de l'arrêt sera adressé au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : C. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01462 2