Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Munwiller a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 23 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle crée un secteur Ab sur son territoire, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux formé le 19 février 2020.
Par un jugement n° 2004432 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2022, la commune de Munwiller, représentée par Me Sonnenmoser, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du 23 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle crée un secteur Ab sur son territoire, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux formé le 19 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du 23 décembre 2019 en tant qu'elle crée une zone Ab méconnaît l'alinéa 4 de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme dès lors que la création de la zone Ab sur son territoire ne procède en réalité pas de l'enquête publique mais fait suite à une demande d'un habitant de la commune, malgré l'opposition de la commune et de ses habitants à ce changement ;
- la délibération du 23 décembre 2019 en tant qu'elle crée une zone Ab est entachée de détournement de pouvoir dès lors que la création de la zone Ab à l'issue de l'enquête publique permet à la communauté de communes du Centre Haut-Rhin non seulement de s'affranchir de l'organisation d'une nouvelle enquête publique mais également d'éviter que ne soient formulées des observations hostiles à cette création ;
- la modification du projet de plan local d'urbanisme intercommunal après enquête publique a porté atteinte à l'économie générale du projet et devait ainsi être à nouveau soumise à enquête publique ;
- le conseil communautaire de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin a commis une erreur manifeste en créant une zone classée Ab sur le territoire de la commune dès lors qu'un projet d'implantation d'un poulailler industriel est de nature à causer des nuisances olfactives et sonores et de porter atteinte au cadre de vie des habitants ;
- la délibération du 23 décembre 2019 en tant qu'elle crée une zone Ab est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été décidée pour permettre la construction à Munwiller d'un poulailler industriel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, la communauté de communes du Centre Haut-Rhin conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Munwiller sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Munwiller ne sont pas fondés.
Un mémoire complémentaire présenté le 17 janvier 2024 pour la commune de Munwiller a été reçu et non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Devilleneur substituant Me Cereja, pour la communauté de communes du centre Haut-Rhin.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 27 octobre 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal. Une enquête publique s'est déroulée du 7 octobre 2019 au 7 novembre 2019 et le commissaire enquêteur a déposé son rapport le 6 décembre 2019. Par une délibération du 23 décembre 2019, le conseil communautaire de la communauté de communes de Centre Haut-Rhin a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal. Par un courrier du 19 février 2020, la commune de Munwiller a formé un recours gracieux à l'encontre de la délibération qui a été rejeté expressément par une décision du président de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin du 11 mai 2020. Par un jugement n° 2004432 du 16 décembre 2021 dont la commune de Munwiller interjette appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours formé contre la délibération du 23 décembre 2019 et la décision rejetant le recours gracieux formé par l'appelante.
Sur la légalité de la délibération du 23 décembre 2019 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale ; / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8 ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.
3. Il est constant que le classement en zone Ab de plusieurs parcelles d'une superficie totale d'environ 5 hectares trouve son origine dans les observations formulées par un habitant de Munwiller à l'attention du commissaire enquêteur par un courriel du 8 octobre 2019. Par suite, la commune de Munwiller n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la modification contestée procède de l'enquête publique. De surcroît, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en écartant, par des motifs qu'il convient d'adopter, le moyen tiré par la commune de Munwiller de ce que la modification contestée remet en cause l'économie générale du projet. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort nullement des pièces du dossier qu'en adoptant la délibération du 23 décembre 2019, la communauté de communes du Centre Haut-Rhin ait eu pour seul objet de porter, de manière irrégulière, un préjudice quelconque à la commune ou de s'affranchir d'engagements antérieurs juridiquement contraignants. Par suite, la commune de Munwiller n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 23 décembre 2019 est entachée de détournement de procédure.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Aux termes de l'article R. 151-23 du même code : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
6. Aux termes de l'article A 2.2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal adopté par la délibération du 23 décembre 2019 : " Dans les secteurs Ab, les constructions et installations liées et nécessaires à la conduite de productions animales ou végétales, y compris celles nécessaires aux unités de production hors sol, et / ou à la transformation et la commercialisation des produits de l'exploitation, et à la production d'énergie renouvelable liée à l'exploitation à condition que / : - le pétitionnaire puisse justifier de la mise en valeur d'une exploitation agricole et que les bâtiments agricoles soient liés et nécessaires à l'exercice de ses activités au regard du contexte local et des activités agricoles concernées ; / - les bâtiments principaux des exploitations agricoles soient regroupés sur un même site ; / - dans une bande de 200 mètres des zones urbaines et à urbaniser, l'implantation de nouvelles installations classées agricoles générant des périmètres de réciprocité sont interdites. Pour les installations classées agricoles existantes, les extensions sont autorisées à condition qu'elles ne génèrent pas de périmètre de réciprocité inconstructible impactant les zones U et AU. / Les constructions à usage d'habitation liées et nécessaires à une exploitation agricole à condition : / - d'être destinées au logement de personnes dont la présence constante sur le lieu de l'exploitation est nécessaire ; / - d'être édifiées à proximité immédiate des bâtiments d'exploitation ; / - que la construction à usage d'habitation soit concomitante ou postérieure à celle des bâtiments d'exploitation ; / - de justifier de la mise en valeur d'une exploitation agricole et que le bâtiment à usage d'habitation soit indispensable pour justifier sa présence sur le site et lié directement à l'exercice de ses activités au regard du contexte local et des activités agricoles concernées ; / - de disposer, dans les zones d'assainissement non collectif, d'un terrain d'une superficie suffisante pour permettre la réalisation d'un dispositif d'assainissement autonome ; / - d'avoir une surface de plancher inférieure ou égale à 180 m2 (construction nouvelle) ; les constructions à usage d'habitation existante à la date d'approbation du PLUI pourront faire l'objet de réfection et d'extension (ou création d'annexe) à condition de ne pas créer de nouveaux logements. Dans ce cas, l'extension ou la création d'annexe est limité à 20 % de la surface de plancher supplémentaire par rapport à la surface de plancher existante à la date d'approbation du PLUI (en total cumulé), à condition qu'elles ne compromettent pas l'activité agricole ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la zone Ab créée par la délibération du 23 décembre 2019 sur le ban de la commune de Munwiller ne constitue qu'une enclave comprise dans une vaste unité foncière à vocation agricole à l'Ouest des zones urbanisées de la commune. La zone Ab est par ailleurs située à environ 300 mètres des premières habitations et apparaît distinctement séparée du tissu bâti de la commune, notamment par des voies. La seule circonstance, à la supposer fondée, que ce zonage permettrait la réalisation d'un bâtiment à usage agricole à laquelle la commune refuserait son assentiment constitue une circonstance qui n'est pas au nombre de celles qu'il appartient au juge de prendre en compte lors de son contrôle comme il a été dit au point 5 ci-dessus. Enfin, la commune de Munwiller ne saurait utilement se prévaloir à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la délibération du 23 décembre 2019 en tant qu'elle crée un secteur Ab sur son territoire, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux formé le 19 février 2020, de la circonstance que d'autres parcelles auraient également pu bénéficier d'un classement en zone Ab. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Munwiller n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le conseil communautaire de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin n'avait pas commis dans l'application des dispositions citées au point 5 ci-dessus une erreur manifeste d'appréciation en classant les parcelles dont s'agit en zone Ab.
8. En quatrième et dernier lieu, la commune de Munwiller soutient que la délibération du 23 décembre 2019 en tant qu'elle crée une zone Ab est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été adoptée pour permettre la construction à Munwiller d'un poulailler industriel à laquelle la commune est opposée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le classement des parcelles concernées en zone Ab a pour but de permettre la transmission d'une exploitation agricole et que les orientations du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme intercommunal en matière économique prévoient de " conforter et accompagner les activités agricole et sylvicole ". Par suite, la commune de Munwiller n'établit pas qu'il n'existe aucun but d'intérêt général susceptible de justifier la mesure. Enfin, le fait qu'une décision favorise certains intérêts particuliers ne l'entache pas automatiquement de détournement de pouvoir.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Munwiller, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Munwiller la somme demandée par la communauté de communes du Centre Haut-Rhin, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Munwiller est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Munwiller et à la communauté de communes du centre Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 22NC00383