Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2202851 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- il est entaché d'un détournement de procédure ;
- le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen soulevé par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 19 octobre 1988, est entré en France le 13 novembre 2012, sous couvert d'un visa long séjour. Un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", valable du 13 novembre 2012 au 12 novembre 2015, lui a été délivré. Le renouvellement de son titre de séjour a été refusé par le préfet de Meurthe-et-Moselle par un arrêté du 24 novembre 2016. M. B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour, qui a été rejetée le 18 avril 2018. Le 13 janvier 2022, il a sollicité une carte de séjour temporaire en se prévalant de sa vie privée et familiale en France et de sa situation professionnelle. Par un arrêté du 18 juillet 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination. M. B... demande l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2202851 du 8 décembre 2022 dont l'intéressé interjette appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 juillet 2022 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, si M. B... soutient que le préfet a accéléré l'examen de sa demande afin d'éviter d'être tenu de saisir la commission du titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que la durée de l'examen de la demande de l'intéressée, six mois en l'espèce, n'est pas anormalement brève. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté du 18 juillet 2022 est entaché de détournement de procédure.
3. En deuxième lieu, M. B... soutient que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation, au motif que celui-ci n'aurait pas pris en compte la circonstance qu'il contribue à l'entretien de ses enfants ainsi que les éléments à l'appui de cette allégation. Toutefois, l'arrêté contesté n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant. De surcroît, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a pris en considération la durée de présence en France du requérant, les différentes mesures d'éloignement dont il avait fait l'objet ainsi que ses différents voyages dans son pays d'origine. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. B..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
5. M. B... soutient qu'à quelques semaines près il aurait justifié de dix ans de présence en France et que ses enfants n'ont pas vocation à être éloignés du territoire national. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant qui a fait l'objet de plusieurs décisions d'éloignement ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative, il n'est ni établi ni même allégué que ses enfants, tous de nationalité marocaine et au demeurant uniquement scolarisé en maternelle au jour de la décision, ne puissent poursuivre leurs parcours scolaires dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 18 juillet 2022 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a méconnu ni les stipulations ni les dispositions précitées. Il n'a de surcroît pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC01481