Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 février 2018 par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a désigné Mme D... et M. B... en qualité d'administrateurs provisoires du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux (LISM), pour la gestion administrative, financière et scientifique du laboratoire, et leur a consenti une délégation de signature.
Par un jugement n° 1800895 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19NC01702 du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M. C..., annulé ce jugement et l'arrêté attaqué.
Par une décision du 13 octobre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par l'université de Reims Champagne-Ardenne, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour :
Productions présentées avant le renvoi :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 mai 2019, le 10 décembre 2019 et le 14 mai 2020, M. C..., représenté par la SCP d'avocats MCM et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a désigné Mme D... et M. B... en qualité d'administrateurs provisoires du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux, pour la gestion administrative, financière et scientifique de l'unité, et leur a consenti une délégation de signature ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours est recevable dès lors que la décision en litige ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 septembre 2019, le 3 avril 2020 et le 18 mai 2020, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représentée par Me Dreyfus, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la décision contestée est une mesure d'ordre intérieur ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté, justifié par l'intérêt du service, n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir ; il ne constitue pas davantage une sanction contre M. C....
Productions présentées après le renvoi :
Par des mémoires enregistrés les 30 novembre et 23 décembre 2021, M. C..., représenté par la SCP MCM et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable dès lors que la décision en litige ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur et qu'il doit être regardé comme directeur du laboratoire de recherche ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 novembre 2021 et 11 janvier 2022, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représentée par Me Dreyfus, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la décision contestée est une mesure d'ordre intérieur ;
- l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;
- l'arrêté est justifié par l'intérêt du service et n'est pas entaché de détournement de pouvoir d'une part, et ne constitue pas une sanction déguisée d'autre part.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 février 2018, le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a chargé deux administrateurs provisoires de la gestion administrative, financière et scientifique du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux (LISM) de cette université. M. C..., professeur des universités, membre de ce laboratoire, en a demandé l'annulation pour excès de pouvoir au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Par un jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté la requête de M. C.... Par un arrêt du 23 juin 2020 rendu sur appel de M. C..., la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 2 avril 2019 et l'arrêté du 9 février 2018. Sur pourvoi introduit par l'université de Reims Champagne-Ardenne, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 23 juin 2020 et a renvoyé l'affaire devant cette même cour.
Sur la recevabilité de la demande :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération.
3. Il ressort des pièces du dossier que le porteur du projet de recherche au sein du laboratoire était habituellement désigné comme directeur. A cet égard, M. C... établit par les pièces qu'il a produites qu'il était mentionné comme futur directeur dans des documents relatifs au projet de recherche pour les années 2018/2022, et notamment dans un document d'autoévaluation du futur projet approuvé par le conseil d'administration de l'université du 10 octobre 2016. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... était destinataire de courriels de la présidence en tant que directeur du laboratoire, notamment au mois de janvier 2018. Ensuite, les membres du laboratoire ont confirmé la désignation de M. C... en qualité de directeur de l'entité lors d'une assemblée générale qui s'est tenue le 22 janvier 2018, en application de l'article 2.1 du règlement intérieur adopté le même jour. Enfin, la fiche relative au laboratoire, mise à jour le 14 mars 2018, figurant dans le répertoire national des structures de recherche, mentionnait explicitement M. C... comme directeur depuis le 1er janvier 2018 avant qu'une modification ultérieure ne substitue à son nom celui de l'un des administrateurs provisoires nommés par le président de l'université. Si l'université conteste la régularité de cette désignation, elle ne produit aucun élément de nature à établir les modalités usuelles de désignation des directeurs de composante et à remettre en cause le faisceau d'éléments concordants dont fait état le requérant. Par ailleurs, s'il est vrai que M. C... ne bénéficiait d'aucune délégation de signature du président et qu'il recevait des courriels de la direction antérieurement au mois de janvier 2018, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir qu'à la date à laquelle le président de l'université a désigné deux administrateurs provisoires pour assurer la direction et la gestion du laboratoire, M. C... n'occupait pas cette fonction conformément aux usages en cours au sein de l'université. L'arrêté contesté désignant deux administrateurs provisoires pour assurer la direction et la gestion administrative, financière et scientifique du laboratoire emportait ainsi une diminution des responsabilités de l'intéressé. Par suite, l'université n'est pas fondée à soutenir que cette décision, alors même que la désignation n'était que temporaire, ne fait pas grief à M. C... et que, dès lors, ses conclusions dirigées contre cette dernière sont irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ".
5. M. C... soutient que l'arrêté du 9 février 2018 est insuffisamment motivé. Toutefois, cette décision, par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a chargé deux administrateurs provisoires de la gestion administrative, financière et scientifique du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux ne revêt pas le caractère d'une décision individuelle défavorable qui devrait être motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que des dysfonctionnements et de graves tensions ont été constatés entre les membres du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux de l'université de Reims Champagne-Ardenne et ont été signalés au président de l'université. A cet égard, M. C... a précisé au président de l'université avoir été victime d'allégations mensongères et de menaces physiques et verbales. Dans ce contexte, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée désignant des administrateurs provisoires, laquelle est accompagnée de la décision de faire réaliser un audit, n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service. L'ensemble des autres circonstances alléguées par M. C... et notamment les manifestations de soutien de certains de ses collègues ou encore le fait que l'assistant de prévention aurait, en réaction à l'édiction de la décision contestée, choisi de cesser ses fonctions, ne suffisent pas à établir que l'arrêté du 9 février 2018 aurait été pris à des fins étrangères à l'intérêt général. Par ailleurs, aucun de ces éléments ne permet d'établir que cette décision constituerait une sanction déguisée. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'université de Reims Champagne-Ardenne et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à l'université de Reims Champagne-Ardenne une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à l'Université de Reims Champagne-Ardenne et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Peton, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : N. Peton Le président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC02746