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23/07/2024 | FRANCE | N°23NC00162

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 23NC00162


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 21 décembre 2021 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Est a refusé de lui accorder un permis de visite à l'endroit de son mari, incarcéré à la maison d'arrêt de Troyes.



Par un jugement n° 2102872 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 16 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 21 décembre 2021 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Est a refusé de lui accorder un permis de visite à l'endroit de son mari, incarcéré à la maison d'arrêt de Troyes.

Par un jugement n° 2102872 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Il soutient que sa décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été condamné le 9 novembre 2021 par le tribunal correctionnel de Troyes à une peine d'emprisonnement de deux ans et six mois. Mme A... B..., son épouse, a sollicité la délivrance d'un permis de visite auprès du directeur de la maison d'arrêt de Troyes, rejetée par une décision du 17 décembre 2021. Le recours hiérarchique contre ce refus a été rejeté par le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Est le 21 décembre 2021. Par un jugement n° 2102872 du 8 novembre 2022 dont le garde des sceaux, ministre de la justice demande l'annulation, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 21 décembre 2021.

2. Aux termes de l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dans sa rédaction alors en vigueur : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. / L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. / Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire. / Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées ". Le premier alinéa de l'article R. 57-8-10 du code de procédure pénale dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : " Pour les personnes condamnées, incarcérées en établissement pénitentiaire ou hospitalisées dans un établissement de santé habilité à recevoir des personnes détenues, les permis de visite sont délivrés, refusés, suspendus ou retirés par le chef de l'établissement pénitentiaire ". Aux termes de l'article R. 57-8-11 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le chef d'établissement fait droit à tout permis de visite qui lui est présenté, sauf à surseoir si des circonstances exceptionnelles l'obligent à en référer à l'autorité qui a délivré le permis, ou si les personnes détenues sont matériellement empêchées, ou si, placées en cellule disciplinaire, elles ont épuisé leur droit à un parloir hebdomadaire ". Aux termes de l'article D. 403 du code de procédure pénale en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le permis délivré en application des articles R. 57-8-8 et R. 57-8-10 est soit permanent, soit valable pour un nombre limité de visites. / Il précise, le cas échéant, les modalités particulières prévues pour son application, notamment en ce qui concerne le lieu et l'heure de la visite. / Pour des motifs de bon ordre, de sécurité et de prévention des infractions, et spécialement en cas de crime ou de délit relevant de l'article 132-80 du code pénal, le permis de visite peut être refusé à la personne victime de l'infraction pour laquelle la personne prévenue ou condamnée est incarcérée, y compris si la victime est membre de la famille du détenu. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les décisions tendant à restreindre, supprimer ou retirer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces décisions affectant directement le maintien des liens des détenus avec leurs proches, elles sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient en conséquence à l'autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées à assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions, sans porter d'atteinte excessive au droit des détenus et des membres de leur famille.

3. Il ressort de la décision du 21 décembre 2021 que pour refuser à Mme B... le permis de visite qu'elle demandait en faveur de son mari, le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Est s'est fondé sur la circonstance que M. B... a été condamné le 9 novembre 2021 à une peine d'emprisonnement de deux ans et six mois pour des faits de violences conjugales en récidive. Toutefois, si le motif de l'incarcération devait appeler l'attention de l'administration pénitentiaire sur la demande de permis de visite de Mme B..., la circonstance que son mari ait été condamné pour violences domestiques, comme celle dont Mme B... a été victime, est insuffisante à établir, à elle seule, le risque d'incident à l'occasion de visites en parloir. De surcroît, il ressort des pièces du dossier que le tribunal correctionnel de Troyes n'a pas prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction d'entrer en contact avec sa compagne. Par ailleurs, le garde des sceaux, ministre de la justice n'apporte aucun élément factuel de nature à établir que seul le refus de délivrance d'un permis de visite, à l'exclusion de toute autre mesure moins attentatoire aux droits de M. B... comme de son épouse, soit de nature à assurer la sécurité de l'intéressée ainsi que le bon ordre de l'établissement. Au demeurant, l'administration n'établit pas plus qu'elle n'allègue que M. B... ait postérieurement à l'annulation de la décision du 21 décembre 2021 adopté un comportement de nature à compromettre le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire.

4. Dans ces conditions, l'administration n'établit ni que le refus de permis de visite opposé à Mme B... constituait une mesure nécessaire pour assurer sa sécurité et le bon ordre de l'établissement ni qu'elle n'était pas en mesure d'adopter une mesure moins contraignante.

5. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 21 décembre 2021.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme A... B....

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00162
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;23nc00162 ?
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