La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2024 | FRANCE | N°23NC01010

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 08 octobre 2024, 23NC01010


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2200816 du 23 juin 2022

, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200816 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars et 15 mai 2023, M. A..., représenté par Me Géhin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200816 du tribunal administratif de Nancy du 23 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la procédure de première instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de la procédure d'appel.

Il soutient que :

- le tribunal qui a admis que le principe du respect du contradictoire n'avait pas été respecté aurait dû en tirer les conséquences en annulant les décisions litigieuses ;

en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le rapport de la police aux frontières sur lequel est fondé la décision ne lui a pas été communiqué, en violation du principe du contradictoire ;

- la décision a été prise en méconnaissance des droits de la défense ;

- il n'a jamais été informé de l'engagement de procédures de vérification de ses actes d'état civil auprès des autorités guinéennes, en méconnaissance du décret du 24 décembre 2015 ; ce qui l'a privé d'une garantie ;

-son passeport suffisait à établir son identité et sa nationalité et le préfet n'établit pas qu'il présenterait un caractère frauduleux ;

- la décision méconnaît l'autorité de la chose jugée, le principe de séparation des pouvoirs et le principe de sécurité juridique dès lors que le juge judiciaire a estimé qu'il était mineur ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril et 17 mai 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros, correspondant au temps de traitement de sa requête, soit mise à la charge de M. A....

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- la requête présente un caractère abusif justifiant le retrait de l'aide juridictionnelle en première instance comme en appel.

Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2023 à midi.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le juge d'appel est susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale, la décision portant refus d'admission au séjour trouvant sa base légale, non dans les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celles de l'article L. 435-3 du même code.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015, relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, déclare être né le 24 février 2003 et être entré en France en mai 2019. Par une ordonnance du 4 septembre 2019, il a été provisoirement placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département des Vosges. Par un courrier du 9 juin 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 24 janvier 2022, le préfet des Vosges a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le requérant relève appel du jugement n° 2200816 du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

3. Il s'ensuit que M. A... ne peut ainsi utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement, que les premiers juges auraient dû, dès lors qu'ils ont admis que le principe du respect du contradictoire n'avait pas été respecté, en tirer les conséquences en annulant les décisions litigieuses.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :

4. En premier lieu, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, selon l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". La décision attaquée faisant suite à une demande, M. A... ne peut utilement soutenir que le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus par le préfet des Vosges. En tout état de cause, contrairement à ce qu'il fait valoir, aucune disposition légale ou règlementaire, ni aucun principe, faisaient obligation à l'administration de lui transmettre au préalable le rapport établi par les services de la police de l'air et des frontières sur l'authenticité des documents d'état-civil qu'il a produits dans le cadre de sa demande de titre de séjour.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015, relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. / Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges aurait procédé à des vérifications auprès des autorités guinéennes. Il s'ensuit que M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015, qui ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de vérifications effectuées auprès d'une autorité étrangère.

8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ". Et aux termes des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

9. Il ressort des motifs de la décision attaquée que, pour refuser d'admettre au séjour M. A..., le préfet des Vosges s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, il est constant que l'intéressé, qui déclare être né en février 2003, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en septembre 2019, alors qu'il était considéré comme étant âgé de plus de seize ans. Il s'ensuit que la décision attaquée ne pouvait légalement être prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

11. En l'espèce, la situation de M. A... relève des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Ces dispositions peuvent être substituées à celles sur lesquelles s'est fondé le préfet dès lors d'une part, que cette substitution de base légale n'a eu pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et d'autre part, que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour se prononcer sur la minorité de M. A....

12. D'une part, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour délivré à titre exceptionnel portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale notamment au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur les motifs de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

14. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

15. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Vosges s'est notamment fondé sur le rapport d'examen technique documentaire établi par l'analyste en fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières Est qui conclut que le jugement supplétif présenté par le requérant présente toutes les caractéristiques d'un faux document. Il ressort des pièces du dossier que le jugement supplétif produit par M. A... présente ainsi un décalage entre le cachet humide apposé sur le timbre fiscal et celui apposé sur le support papier ainsi qu'une différence entre les deux polices d'écriture. En outre, le cachet humide apposé sur ce jugement comporte des erreurs de dénomination, portant la mention : " chef de greffé " en lieu et place de la mention " chef de greffe " ou encore la mention " Tribuna " en lieu et place de " Tribunal ". Si certains des éléments mis en avant dans le rapport de la police aux frontières, dont le préfet s'est approprié les conclusions, sont insusceptibles d'établir, à eux seuls, le caractère falsifié du document produit, ce dernier présente néanmoins de nombreuses fautes d'orthographe et erreurs d'impression propres à renverser la présomption d'authenticité résultant de l'article 47 du code civil et faisant par suite obstacle à ce qu'il soit reconnu comme faisant foi. Il s'ensuit que l'autorité préfectorale a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, écarter comme dépourvu de valeur probante ce jugement supplétif. Par ailleurs, si M. A... produit également un acte de naissance, celui-ci a été établi à partir des informations contenues dans ce jugement supplétif, lequel est dépourvu, ainsi qu'il vient d'être dit, de valeur probante. Enfin, la même conclusion s'impose pour les autres pièces versées au débat contentieux, qui ont été établies à partir des mentions figurant sur le jugement supplétif et l'acte de naissance, et notamment le passeport de M. A..., qui ne constitue en tout état de cause pas un acte d'état civil bénéficiant de la présomption de l'article 47 du code civil. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans pour lui refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En cinquième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'ordonnance du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Epinal du 4 septembre 2019 qui avait décidé son placement provisoire et de la décision du juge des tutelles des mineurs du 11 septembre 2019 qui avait ordonné l'ouverture d'une tutelle d'Etat, dès lors que ces décisions sont intervenues en tout état de cause dans le cadre d'instances, distinctes de celle concernant son droit au séjour, et dans lesquelles n'avait pas été produit l'ensemble des documents soumis à l'appréciation du préfet des Vosges. Par ailleurs, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier si les conditions de délivrance du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont remplies au nombre desquelles la minorité de l'intéressé lors de sa prise en charge par l'aide social. Les moyens tirés de la méconnaissance de la séparation des pouvoirs et du principe de sécurité juridique ne peuvent ainsi qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en ce qu'elle est fondée sur la décision portant refus de séjour elle-même illégale ne peut qu'être écarté.

18. En deuxième lieu, le droit de l'intéressé d'être entendu n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet des Vosges n'était pas tenu de l'inviter à formuler des observations avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire prise concomitamment au refus de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

20. M. A... fait valoir que le centre de ses intérêts familiaux, matériels, médicaux et moraux se trouve désormais en France, où il poursuit sa formation en CAP " réparation des carrosseries " en s'y investissant pleinement. Toutefois, M. A..., entré en France en mai 2019, n'établit pas ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine et ne démontre pas avoir établi des liens personnels intenses et stables en France. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions et de la durée du séjour du requérant en France, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Vosges n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale du requérant.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

21. En premier lieu, M. A... n'ayant pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet des Vosges lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale en ce qu'elle est fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale.

22. En deuxième lieu, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

23. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 20 du présent jugement, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet des Vosges lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Vosges du 24 janvier 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, doivent être également rejetées.

Sur les conclusions de la préfète des Vosges tendant au retrait de l'aide juridictionnelle :

25. En application de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) le bénéfice de l'aide juridictionnelle (...) est retiré (...) dans les cas suivants : (...) 4° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable ". L'article 51 précise que " Le retrait de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat peut intervenir jusqu'à quatre ans après la fin de l'instance ou de la mesure. Il peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. Le retrait est prononcé : (...) 2° Par la juridiction saisie dans le cas mentionné au 4° du même article 50 ".

26. La circonstance que M. A... aurait produit de faux documents invoquée par la préfète des Vosges ne permet pas, à elle seule, de considérer que la présente requête d'appel présente un caractère abusif au sens des dispositions précitées. Par suite, les conclusions présentées en ce sens doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas , dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

28. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la préfète des Vosges tendant à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la préfète des Vosges tendant au retrait de l'aide juridictionnelle de M. A... et à ce que soit mise à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Géhin.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. LussetLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC01010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01010
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23nc01010 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award