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17/10/2024 | FRANCE | N°23NC02347

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 17 octobre 2024, 23NC02347


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2201833 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant

la cour :



Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Bertin, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201833 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui remettre un récépissé l'autorisant à travailler dans le délai de huit jours, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- il appartenait au tribunal de solliciter la production du rapport médical au vu duquel le collège des médecins de l'OFII a émis son avis relativement à son état de santé, afin de s'assurer du respect des exigences légales de la procédure devant l'OFII ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, faute de justifier de l'établissement d'un rapport par le médecin instructeur ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, l'absence de production des justificatifs sur lesquels s'est fondé le collège des médecins de l'OFII emportant méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la charge de la preuve de l'accessibilité des soins pèse sur l'administration et qu'elle ne peut pas bénéficier pleinement d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- ces décisions méconnaissent les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante kosovare née en 1959, est entrée en France le 2 janvier 2013 selon ses déclarations. A l'issue du rejet de sa demande d'asile, elle a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé, renouvelé en dernier lieu sur la période du 6 janvier 2017 au 5 janvier 2018. Par un arrêté du 13 avril 2018, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Mme B... a de nouveau sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé le 6 juillet 2020. L'arrêté du 13 octobre 2021 refusant de faire droit à sa demande a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 avril 2022 qui a enjoint au préfet de réexaminer sa demande. Par un arrêté du 22 septembre 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

4. Par suite, les premiers juges, qui se sont estimés suffisamment éclairés par les pièces déjà versées au dossier, pouvaient, pour répondre aux moyens soulevés par la requérante, notamment celui tiré des vices éventuels de la procédure d'établissement de l'avis du collège des médecins de l'OFII ou à la disponibilité effective d'un traitement dans son pays d'origine, ne pas demander la communication de l'entier dossier médical au vu duquel le collège des médecins a émis l'avis du 1er août 2022. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

En ce qui concerne l'état de santé de Mme B... :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de celles produites par l'OFII à la demande de la cour, que le collège des médecins de l'OFII s'est prononcé le 1er août 2022 au vu d'un rapport émis le 28 juin 2022 par le médecin instructeur du dossier de Mme B.... Mme B... n'établit pas que cet avis aurait été établi en méconnaissance des dispositions réglementaires applicables. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure manque en fait et doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné à l'article R. 425-11, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 1er août 2022, sur lequel s'est fondé le préfet du Doubs pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B..., que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Compte tenu du sens de cet avis, il appartient à Mme B... de produire des éléments pour remettre en cause cette présomption et, le cas échéant, à la préfète de les contester, la conviction du juge se déterminant au vu de ces échanges contradictoires. La requérante soutient que le débat contradictoire est asymétrique, puisqu'elle n'a pas accès à l'ensemble des données sur lesquelles le collège des médecins de l'OFII s'est fondé pour rendre son avis. Toutefois, d'une part, l'annexe à l'arrêté du 5 janvier 2017, également intitulée " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) se borne à recenser, le cas échéant avec leur adresse, les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. D'autre part, il ne ressort d'aucune obligation légale ou réglementaire ni que le collège des médecins de l'OFII doive regrouper dans un document l'ensemble des recherches effectuées sur chacun des cas qui lui est soumis pour avis, en particulier et le cas échéant des recherches effectuées sur la section restreinte de la base de données dite MedCOI (Medical Countries of Origin Information), ni que l'administration soit tenue d'élaborer un tel document en vue de sa communication.

10. Il résulte de ce qui précède que le débat contradictoire qui se noue devant le juge, et auquel le ressortissant étranger contribue en contestant le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII et en produisant tout élément qui lui semble utile, ne peut être regardé, en soit, comme portant atteinte au principe du contradictoire, à l'égalité des armes et au droit à un procès équitable. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence d'accès aux bases de données utilisées par le collège des médecins de l'OFII pour émettre leur avis emporte violation du principe du contradictoire, ni à se prévaloir, en tout état de cause, des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) ".

11. En dernier lieu, il ressort des pièces médicales produites par Mme B... qu'elle souffre d'une part d'une invalidité à raison des suites de son opération du cancer du côlon pratiquée en 2001 dans son pays d'origine, qui lui imposent le port d'une poche de colostomie. Il n'est toutefois pas allégué qu'elle n'y avait pas accès au Kosovo avant de le quitter en 2013 ni qu'elle ne pourrait pas y avoir accès. La requérante souffre d'autre part d'une hernie discale récidivante, qui a nécessité une intervention chirurgicale le 3 mars 2020 et une reprise le 28 février 2022, de lombalgies pour lesquelles elle a été opérée le 5 mai 2021 et ainsi que de douleurs abdominales chroniques, de gastrites atrophiques et d'infections urinaires à répétitions. Elle fait l'objet de traitements par anti-douleurs, bénéficie d'un suivi en neurochirurgie et est régulièrement prise en charge aux urgences de l'hôpital. Enfin Mme B... souffre d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à un contexte d'insécurité en lien avec l'instabilité de sa situation sociale. Elle bénéficie d'un suivi au centre médico-psychologique de Besançon depuis 2019 et d'un traitement par anti-dépresseur. Elle aurait fait l'objet d'hospitalisations en psychiatrie. Les certificats médicaux produits établissent, ainsi que le collège des médecins de l'OFII l'a d'ailleurs retenu, que le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

12. Alors que le collège des médecins de l'OFII a estimé qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine, Mme B... se borne à produire la liste essentielle des médicaments disponibles au Kosovo, au demeurant non traduite, et des extraits de documentation générale relatifs à l'absence d'assurance-maladie généralisée, qui ne permettent pas de faire présumer qu'elle ne pourrait pas avoir un accès effectif ni au traitement qui lui est prescrit ou à un traitement équivalent, ni à la prise en charge globale dont elle a besoin. Elle ne saurait ainsi soutenir qu'il appartient au préfet du Doubs de confirmer que les soins requis sont effectivement accessibles. Par ailleurs, la requérante ne justifie pas non plus, par les pièces qu'elle produit, de la nécessité dans laquelle elle se trouverait de demeurer aux côtés de sa fille qui réside en France pour pouvoir non seulement respecter ses traitements mais encore avoir accès aux soins. La circonstance que ses symptômes dépressifs seraient majorés en cas de retour au Kosovo ne permet pas d'écarter toute prise en charge appropriée dans son pays d'origine de troubles, dont les certificats font ressortir qu'ils sont liés à l'instabilité de sa situation sociale en France. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la vie privée et familiale de Mme B... :

13. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Mme B..., qui était âgée de 63 ans à la date de la décision en litige, résidait depuis neuf ans et demi sur le territoire français, où elle s'est maintenue en séjour irrégulier au cours des quatre dernières années. S'il n'est pas contesté qu'une de ses filles réside non loin d'elle à Besançon, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'il s'agisse des certificats médicaux produits ou des éléments relatifs à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, que la requérante nécessiterait la présence de celle-ci à ses côtés pour les actes de la vie quotidienne. Il n'est pas non plus justifié que la requérante entretiendrait des relations intenses avec sa fille et ses trois petits-enfants. Mme B... ne dispose pas d'autres attaches familiales en France, son autre fille, avec laquelle elle était entrée en 2013 sur le territoire français, résidant en Allemagne, un de ses fils en Suisse et le dernier dans leur pays d'origine. Enfin, en dehors de quelques heures de cours de français en 2019/2020 et de sa participation à des activités proposées par une association, dans laquelle elle a rencontré quelques personnes, la requérante n'établit pas avoir désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

15. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Mme B... se prévaut de ce que sa fille qui réside en France est titulaire de la protection subsidiaire. Elle ne fait toutefois état d'aucun élément permettant d'établir, qu'en lien avec les motifs ayant justifié que cette protection soit accordée à sa fille, elle courrait des risques personnels et actuels de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Sa demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'OFPRA du 21 juillet 2014. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions et stipulations précitées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... veuve B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 23NC02347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02347
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23nc02347 ?
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