Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 16 mars 2023 par lequel le préfet l'a assignée à résidence.
Par un jugement no 2301831, 2301930 du 12 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'autre part, renvoyé à l'examen d'une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour et les conclusions afférentes et, enfin, rejeté le surplus de sa demande.
Par un jugement n° 2301831 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2022 en tant qu'elle lui refusait la délivrance d'un titre de séjour.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023 sous le n° 23NC02496, Mme A..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de la légalité de l'assignation à résidence :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 juin 2023.
II.) Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023 sous le n° 23NC03457, Mme A..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante tunisienne née en 1990, est entrée sur le territoire français le 10 février 2020, sous couvert d'un visa de tourisme, en compagnie de sa fille âgée alors de presque quatre ans. Elle a donné naissance, le 14 mai 2020, à une deuxième fille à Mulhouse. Le 12 juillet 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès des services de la préfecture du Haut-Rhin. Par un arrêté du 25 novembre 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il l'a ensuite assignée à résidence par un arrêté du 16 mars 2023. Par un jugement n° 2301831, 2301930 du 12 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a notamment rejeté les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixait le pays de destination ainsi que de l'arrêté du 16 mars 2023. Par un jugement n° 2301831 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 en tant qu'il refusait à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour. Par ses requêtes n° 23NC02496 et 23NC03457, qui concernent la situation d'une même ressortissante étrangère et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, Mme A... relève appel de ces deux jugements en tant qu'ils ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 25 novembre 2022 et du 16 mars 2023.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, Mme A... entre dans la catégorie des ressortissants étrangers qui ouvre droit, conformément au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regroupement familial. Par suite, elle ne saurait utilement soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 de ce code.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme A... ne résidait, à la date de la décision en litige, que depuis deux ans et demi en France, où elle a rejoint un compatriote qu'elle avait épousé en 2014. Celui-ci est entré sur le territoire en janvier 2019 et a obtenu un titre de séjour en qualité, selon elle, de victime de traite des êtres humains. La requérante justifie, par les pièces qu'elle produit, résider à la même adresse que son mari et leurs enfants, dans l'appartement que ce dernier loue depuis juillet 2020. Elle ne produit en revanche aucune pièce probante pour combattre le motif de la décision en litige tenant à l'absence de vie commune entre 2014 et janvier 2019. La circonstance que sa fille aînée est scolarisée et que la requérante participe au suivi de sa scolarité ne suffit pas à lui ouvrir un droit au séjour. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée de son séjour en France et de l'absence de preuve d'insertion sociale du couple ni d'intégration personnelle de Mme A..., le refus de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Il ressort des pièces du dossier que la fille aînée de Mme A... était scolarisée depuis seulement quinze mois en France à la date de la décision en litige et il n'est pas justifié qu'elle ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Tunisie. Par ailleurs, la décision de refus de titre de séjour n'emporte, en tant que telle, aucune séparation des enfants de l'un de leurs parents. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 4 et 6 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 4 du présent arrêt, Mme A..., qui dispose par ailleurs d'attaches familiale en Tunisie où elle ne sera pas isolée, n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En troisième lieu, la décision en litige emporte en principe pour effet la séparation des enfants de Mme A... de leur père. Toutefois, il n'est pas contesté que sa fille aînée avait déjà vécu séparée de lui pendant une année avant de le rejoindre en France. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'époux de la requérante, dont le séjour sur le territoire est encore récent, aurait nécessairement vocation à y demeurer. Enfin, il n'est pas non plus justifié de l'impossibilité d'une séparation temporaire des deux filles de leur père le temps qu'il obtienne le bénéfice du regroupement familial pour sa femme et ses enfants. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 4 et 10 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, Mme A... a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans en Tunisie, où elle dispose encore d'attaches familiales. Par suite, la décision fixant la Tunisie comme pays de destination ne méconnaît par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux filles de Mme A... ne pourraient pas accompagner leur mère à destination de la Tunisie, pays dont elles ont la nationalité et dans lequel l'aînée a vécu quatre ans. La décision en litige ne porte pas atteinte en tant que telle à l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 25 novembre 2022 et du 16 mars 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Berry et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- M. Agnel, président-assesseur,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC02496, 23NC03457