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05/11/2024 | FRANCE | N°21NC03089

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 21NC03089


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain (Solorem) a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la commune de Longuyon à lui verser les sommes de 179 167 euros et de 99 640 euros, majorées des intérêts de retard et de leur capitalisation.



Par un jugement n° 1900902, 1900903 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune de Longuyon à verser à la Solorem la somme de 74 730 euros en réparat

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain (Solorem) a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la commune de Longuyon à lui verser les sommes de 179 167 euros et de 99 640 euros, majorées des intérêts de retard et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1900902, 1900903 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune de Longuyon à verser à la Solorem la somme de 74 730 euros en réparation du solde débiteur du contrat de concession relatif à l'aménagement de la ZAC du Boussieux et la somme de 134 375,25 euros en réparation du solde débiteur du contrat de concession d'aménagement relatif à l'aménagement du lotissement Perchailles, sommes assorties des intérêts de retard au taux légal à compter du 3 décembre 2018, et de la capitalisation des intérêts à compter du 3 décembre 2019 et à chaque échéance annuelle à partir de cette date, et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre 2021 et 18 juin 2024, la commune de Longuyon, représentée par Me Moitry, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1900902, 1900903 du 30 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Solorem devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de la Solorem la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation concernant le manquement au devoir de conseil de la Solorem invoqué dans les écritures de première instance ;

- la prescription quadriennale est acquise, l'établissement du décompte général étant indifférent au point de départ du délai de prescription, lequel doit être fixé au 1er janvier 2003 pour le contrat de concession relatif à l'opération Boussieux et au 1er janvier 2011 pour le contrat de concession relatif à l'opération Perchailles ;

- compte tenu des vices dont ils sont entachés, ces contrats sont frappés de nullité et le litige qui oppose les parties ne saurait ainsi être tranché sur le terrain contractuel

- la Solorem ne produit aucun justificatif permettant d'établir la réalité des dépenses dont elle réclame le paiement ;

- le jugement attaqué, en laissant à la charge de la commune de Longuyon 75 % du déficit final des opérations contre 25 % seulement à la charge de la Solorem, n'a pas fait une juste appréciation des responsabilités respectives des parties ;

- la Solorem a manqué à son devoir de conseil dès lors qu'elle n'a pas informé la commune sur les risques de déficit de l'opération.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mai 2022 et 3 juillet 2024, la Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain (Solorem), représentée par Me Cabanes, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a laissé à sa charge une part des déficits des bilans des conventions de concession ;

3°) de condamner la commune de Longuyon à lui verser les sommes de 179 167 euros et de 99 640 euros, majorées des intérêts de retard et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Longuyon la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action n'est pas prescrite ;

- les vices allégués par la commune ne sauraient ainsi être regardés, compte tenu de leur nature et eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d'une gravité telle que le juge doive écarter les contrats ;

- la réalité des dépenses engagées est suffisamment démontrée ;

- elle n'a commis aucune faute contractuelle et c'est par suite à tort que le tribunal a retenu un partage de responsabilité exonérant en partie la commune de son obligation de payer les soldes déficitaires des opérations ;

- elle n'a pas manqué à son devoir de conseil.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lusset, premier conseiller,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Petit substituant Me Moitry pour la commune de Longuyon et de Me Couette pour la Solorem.

Considérant ce qui suit :

1. La Société lorraine d'économie mixte et d'aménagement urbain (Solorem) a été chargée par la commune de Longuyon d'aménager à la fois une zone d'aménagement concertée (ZAC de Boussieux) et un lotissement (lotissement de Perchailles) par deux contrats de concession d'aménagement signés respectivement les 22 décembre 1976 et 28 octobre 1997. Le premier contrat, arrivé à échéance le 30 juin 2001, a été prorogé par plusieurs avenants jusqu'au 30 juin 2002. Le terme du deuxième contrat était quant à lui fixé au 28 octobre 2007. Les termes des deux contrats prévoyant que le déficit de ces opérations serait pris en charge par la commune, la Solorem a souhaité obtenir le règlement du solde de ces opérations. Le tribunal administratif de Nancy a, par deux jugements n° 1702336 et 1702337 devenus définitifs, rejeté comme irrecevables les requêtes de la Solorem pour défaut de liaison du contentieux. Par un courrier du 29 novembre 2018, dont la commune a accusé réception le 3 décembre suivant, la Solorem a demandé au concédant le paiement du solde des deux concessions. Saisi à nouveau par la Solorem en vue d'obtenir la condamnation de la commune à lui régler le solde de ces contrats, s'élevant à la somme de 179 167 euros HT pour le contrat relatif à l'aménagement du lotissement de Perchailles et à la somme de 99 640 euros HT pour le contrat relatif à l'aménagement de la ZAC de Boussieux, le tribunal administratif de Nancy a partiellement fait droit à cette demande par un jugement du 30 septembre 2021 et a condamné la commune de Longuyon à verser à la Solorem respectivement les sommes de 134 375,25 euros et de 74 730 euros, majorées des intérêts de retard et de leur capitalisation. La commune de Longuyon fait appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la Solorem demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a laissé à sa charge une part des déficits des bilans des conventions de concession.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la prescription quadriennale :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. [...] Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".

3. Aux termes de l'article 36 du cahier des charges annexé au contrat de concession relatif à l'aménagement du lotissement Perchailles, portant " règlement final des opérations " : " A l'expiration de la concession, le bilan de clôture est arrêté par le concessionnaire et approuvé par le concédant. Ce bilan précise le montant définitif de la participation financière du concédant aux travaux d'aménagement réalisés nécessaires pour équilibrer les comptes (...) ". Les stipulations de l'article 22 du cahier des charges annexé au contrat de concession relatif à l'aménagement de la ZAC de Boussieux, dans leur version modifiée par l'avenant n° 8 au contrat, sont rédigées dans des termes identiques, et précisaient au demeurant, avant cette modification par voie d'avenant, qu'il appartient au concessionnaire de présenter, à l'issue de l'opération, les comptes définitifs appuyés de toutes justifications utiles.

4. Il résulte de ces stipulations que les créances de la Solorem doivent être regardées comme se rattachant à l'exercice au cours desquels elle a été en mesure d'établir les relevés de dépenses finaux en fonction des dépenses réellement engagées dans le cadre de chacune de ces opérations, rendant ainsi les créances liquides et exigibles.

5. Il résulte de l'instruction que le tableau recensant les dépenses relatives au contrat de concession portant sur l'aménagement du lotissement Perchailles fait état, pour les plus tardives, de deux factures datées des 12 juillet et 29 novembre 2010, d'un montant respectif de 7 452,98 euros et de 5 486, 77 euros, et correspondant à des frais d'honoraires et à la remise en état d'espaces verts. De même, le tableau recensant les dépenses relatives de contrat de concession portant sur l'aménagement de la ZAC de Boussieux fait état d'une dernière facture du 22 février 2012, d'un montant de 4 314, 89 euros, et relative à des frais d'honoraires. Dans ces conditions, la Solorem était, malgré la fin contractuelle des deux concessions, en mesure d'établir le relevé de dépenses final, en fonction des dépenses réellement engagées, au plus tard en 2010 en ce qui concerne l'opération Perchailles, et en 2012 s'agissant de l'opération Boussieux. Le point de départ de la prescription quadriennale doit, par suite, être fixé au plus tôt au 1er janvier 2011 pour l'opération Perchailles et au 1er janvier 2013 pour l'opération Boussieux, et, sans préjudice d'éventuels actes interruptifs, la prescription était ainsi acquise respectivement le 1er janvier 2015 et le 1er janvier 2017.

6. Par ailleurs, les démarches entreprises par la Solorem au cours de l'année 2015, qui a adressé plusieurs courriers à la commune afin d'évoquer avec elle les modalités de clôture des opérations, ne sauraient, eu égard aux termes employés, s'analyser comme des réclamations ou des demandes de paiement au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968. En outre, il n'est ni établi, ni même allégué, que la Solorem aurait adressé les décomptes des opérations litigieuses en 2015, les courriers échangés entre les cocontractants mentionnant uniquement la transmission à la commune des " éléments contractuels et des justificatifs comptables ". Enfin, si la Solorem indique avoir saisi la commune de Longuyon d'une demande de paiement par un courrier du 19 octobre 2016, elle n'en justifie pas par les pièces qu'elle produit, et notamment le courrier des services postaux, alors qu'il résulte de l'instruction que la commune a toujours contesté avoir été destinataire de cette demande. Dans ces conditions, seuls les recours formés le 5 septembre 2017 devant le tribunal administratif de Nancy, relatifs aux mêmes faits générateurs que le présent litige, et tendant à la reconnaissance des mêmes créances, étaient susceptibles, en application du deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, d'interrompre le délai de prescription quadriennale. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5, que ces saisines de la juridiction administrative sont intervenues au-delà du délai fixé à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 et n'ont pu, dès lors, interrompre le cours de la prescription.

7. Il résulte ainsi de ce qui précède que lors de la saisine du tribunal administratif de Nancy le 5 septembre 2017, les créances détenues par la Solorem sur la commune de Longuyon étaient prescrites depuis le 1er janvier 2015 en ce qui concerne l'opération Perchailles, et depuis le 1er janvier 2017 en ce qui concerne l'opération Boussieux. Par voie de conséquence, la commune de Longuyon est fondée à opposer l'exception de prescription quadriennale aux créances de la Solorem.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la commune de Longuyon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a partiellement fait droit à la demande de première instance de la Solorem. Il y a lieu, par conséquent, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la Solorem devant le tribunal administratif de Nancy.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Solorem, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Longuyon et non compris dans les dépens.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Longuyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Solorem demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1900902 et 1900903 du 30 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de la Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain est rejetée.

Article 3 : La Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain versera à la commune de Longuyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Longuyon et à la Société lorraine d'économie mixte d'aménagement urbain.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. Lusset

La présidente,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 21NC03089 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03089
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : MOITRY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;21nc03089 ?
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