Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2023 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300196 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Desingly, demande la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300196 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2023 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'erreurs de fait dès lors que sa situation peut être qualifiée d'exceptionnelle au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que, contrairement à ce que le préfet indique, elle justifie de conditions de ressources minimales ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Ardennes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Par un courrier du 25 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de que le pouvoir de régularisation du préfet peut servir de fondement à la décision en litige, en étant substitué à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la base duquel le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., ressortissante algérienne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est née le 25 mai 1957 à Alès, avant de retourner, encore enfant, vivre en Algérie, pays dont elle a la nationalité. Elle est entrée en France, en dernier lieu, en 2015 sous couvert d'un visa court séjour. Par un arrêté du 10 janvier 2023, le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, sous réserve d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 qu'il y a lieu de substituer à la base légale du refus de titre au séjour en litige erronée tirée de l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet des Ardennes de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie.
6. En l'espèce, si Mme B... fait valoir qu'elle est née en France, que son père a servi dans l'armée française et que plusieurs de ses frères et sœurs ont la nationalité française, ces seuls éléments ne suffisent toutefois pas à démontrer que le préfet des Ardennes a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Par ailleurs, la circonstance, à la supposée même avérée, qu'elle justifierait de conditions de ressources minimales, contrairement à ce que le préfet a estimé, est sans incidence sur le droit au séjour de la requérante à ce titre. Dans ces conditions, Mme B... n'établit pas que le préfet, en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation à son endroit, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. En l'espèce, Mme B... se prévaut de la présence de son fils, de nationalité française, qui réside à Charleville-Mézière et a organisé sa venue en France afin qu'elle y reçoive les soins nécessaires à son état de santé, et la prend en charge financièrement depuis. Elle se prévaut également de la présente d'autres frères et sœurs, de nationalité française, et de ce qu'elle aurait dû avoir la nationalité française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui est veuve et sans charge de famille, n'est pas dépourvue de liens dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu de son enfance jusqu'à l'âge de cinquante-huit ans, et où résident toujours quatre de ses cinq enfants. Si elle soutient ne plus avoir de contacts avec eux, elle ne l'établit pas. Elle ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier d'une intégration particulière au sein de la société française. Enfin, l'affirmation selon laquelle elle aurait dû obtenir la nationalité française est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, le préfet des Ardennes n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes du 10 janvier 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Desingly.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02280