Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2202681 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Alagapin-Graillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202681 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'examen réel et sérieux de sa situation, et le tribunal a commis une erreur d'appréciation en ne le relevant pas ;
- la procédure est irrégulière du fait de l'absence de procédure de contradictoire préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué au regard de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de son droit à un procès équitable garanti par les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la procédure est irrégulière dès lors que la préfète aurait dû préalablement saisir la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplissait les conditions fixées par cet article pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Ancelet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 16 décembre 2001, déclare être entré en France en novembre 2010 à l'âge de 9 ans. Le 26 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 septembre 2022, la préfète de l'Aube lui a opposé un refus. M. A... relève appel du jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'était tenu de répondre qu'aux moyens, et non aux simples arguments du demandeur, a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande, notamment au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est insuffisamment motivé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. A... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit ou d'appréciation dont les premiers juges auraient entaché leur jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement contesté pour écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux et de ce que la préfète se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. A....
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. (...) ". Si M. A... soutient que la décision méconnaît ces stipulations, un tel moyen est inopérant à l'encontre du refus d'admission au séjour. Au surplus, et en tout état de cause, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé, ce qui est le cas en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Aube n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités avant de refuser à M. A... le bénéfice d'un titre de séjour est inopérant.
7. Enfin, M. A... ne peut soutenir utilement que son droit à un procès équitable a été méconnu dès lors que les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inapplicable à une procédure administrative.
8. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté dans toutes ses branches.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes des dispositions de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ".
10. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. A..., la préfète de l'Aube s'est fondée sur la circonstance que ce dernier a été condamné, le 11 mai 2020, à cinq mois d'emprisonnement et a été incarcéré du 11 décembre 2020 au 10 mai 2021 pour détention et transport non autorisé de stupéfiants en état de récidive. Elle s'est également fondée sur la circonstance que le requérant a été condamné le 10 décembre 2020 à une interdiction de paraître dans certains lieux pendant deux ans à titre principal pour une infraction à une interdiction de séjour. Eu égard à la nature des faits reprochés au requérant, et à leur caractère récent et répété, la préfète de l'Aube n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la présence en France de M. A... représentait une menace pour l'ordre public. Par conséquent, elle n'a commis aucune erreur de droit ou d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Si M. A... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis l'âge de 9 ans et que de nombreux membres de sa famille proche y résident, et se prévaut d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant, qu'il n'est pas scolarisé et n'exerce aucune activité professionnelle, n'apporte pas la preuve d'une insertion particulière ni ne démontre entretenir des liens réguliers avec sa famille, et n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. En outre, et surtout, il résulte de ce qui a été exposé au point 10 que son comportement constitue une menace à l'ordre public. Par suite, la préfète de l'Aube n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'est substitué à l'article L. 312-2 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14,
L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes du deuxième alinéa de cet article : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. "
14. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ou de ceux, résidant habituellement en France depuis plus de dix ans, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour considérations humanitaires ou motifs exceptionnels en vertu de l'article L. 435-1 du même code, qui s'est substitué à l'article L. 313-14.
15. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt que le requérant ne remplit pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. D'autre part, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet a examiné le séjour de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.
17. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour, la préfète a méconnu les dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aube du 29 septembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
Sur les conclusions présentées par l'Etat au titre des frais d'instance :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Alagapin-Graillot.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02462