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19/12/2024 | FRANCE | N°23NC02956

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 23NC02956


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné d'office et, d'autre part, l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2301244 du

28 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné d'office et, d'autre part, l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301244 du 28 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les huit jours de la notification de la décision à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 22 juin 2023 est entaché d'une erreur de fait et de droit en l'absence de menace à l'ordre public ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant tunisien né en 2001, M. A... est entré sur le territoire français en dernier lieu et selon ses déclarations au mois de mars 2020. Il s'est marié le 25 septembre 2020 avec une ressortissante française. Par des arrêtés du 22 juin 2023, le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et l'a assigné à résidence pendant quarante-cinq jours dans le département du Doubs. Il relève appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet du Doubs avait fait obligation à M. A... de quitter le territoire français. Les recours dirigés par M. A... contre cet arrêté ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 octobre 2019 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 octobre 2020. Il a été procédé à l'exécution de cette mesure d'éloignement le 26 février 2020 et M. A... est retourné en Tunisie. Selon ses déclarations, il est revenu irrégulièrement en France deux semaines plus tard, au mois de mars 2020. Il en résulte qu'il ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, ainsi que le constate l'arrêté du 22 juin 2023, qui vise notamment le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et constate qu'il déclare être revenu sur le territoire français deux semaines après son éloignement, soit au cours du mois de mars 2020, sans être muni des documents et visas alors exigés par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, après cette entrée irrégulière sur le territoire français, il s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ainsi que le relève l'arrêté du 22 juin 2023, qui énonce que M. A... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour après son retour en France en mars 2020. Il en résulte que M. A... se trouve dans le cas prévu au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel le préfet peut obliger l'étranger à quitter le territoire français.

4. Il ressort également des pièces du dossier que, par un jugement du 6 juillet 2020, le tribunal correctionnel de Besançon a condamné M. A... à une peine de deux mois d'emprisonnement en répression d'une infraction de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet à détenus. Il est l'auteur de faits de transport et détention non autorisés de stupéfiants le 17 octobre 2019. Il est également établi qu'il est l'auteur, avec trois autres personnes, de faits de vol avec violence commis à Besançon le 22 juin 2023, faits que le préfet du Doubs a pu prendre en considération alors même qu'ils n'auraient pas donné lieu à une condamnation pénale. Si le requérant conteste ces faits, il n'assortit toutefois cette contestation d'aucune précision, alors que la matérialité de ces faits ressort suffisamment du procès-verbal d'interpellation dressé le 22 juin 2023 par un agent de police judiciaire. Dès lors, compte tenu de cette condamnation pénale et des faits commis le 17 octobre 2019 et le 22 juin 2023 et des infractions ainsi commises de façon réitérée par M. A..., comme de la nature de ces faits, c'est sans erreur d'appréciation et par une exacte application des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Doubs a estimé que le comportement du requérant, qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, constitue une menace pour l'ordre public. Il en résulte que M. A... se trouve également dans le cas prévu par ce 5°, dans lequel le préfet peut obliger l'étranger à quitter le territoire français.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Ainsi qu'il a été dit, le requérant a fait l'objet le 27 mai 2019 d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, qui a été exécutée le 26 février 2020. Il en résulte que son séjour en France remonte à la date à laquelle, après ce retour en Tunisie, il est revenu en France, selon ses déclarations au mois de mars 2020. Dès lors, il n'est pas fondé à se prévaloir d'une ancienneté de séjour en France remontant au 23 décembre 2017, date à laquelle il était antérieurement rentré sur le territoire français dans des conditions régulières. Il est ainsi entré en France en dernier lieu dans des conditions irrégulières, à une date dont il ne justifie pas, en mars 2020 selon lui. Son séjour en France, qui remonterait ainsi au mois de mars 2020, n'est pas ancien et, après le 26 février 2020, il ne justifie pas de sa présence effective sur le territoire français avant le 25 septembre 2020, date de son mariage à Besançon avec une ressortissante française née le 9 novembre 1996. Toutefois, ce mariage, antérieur de moins de trois ans à l'arrêté du 22 juin 2020 portant obligation de quitter le territoire français, est récent et il ne ressort pas du dossier que les époux auraient un ou des enfants ensemble. Dans un tel cas où l'un des époux séjourne irrégulièrement sur le territoire d'un Etat partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a pu s'y marier avec une ressortissante de cet Etat, le mariage n'étant pas subordonné à la régularité du séjour de l'étranger, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas aux époux le libre choix de leur pays de résidence et l'épouse ne pouvait ignorer la situation de séjour irrégulier de son époux. M. A... ne justifie pas avoir effectivement sollicité la délivrance d'un titre de séjour après sa venue en France en 2020, notamment après ce mariage le 25 septembre 2020. Le requérant n'est pas sans attaches familiales en Tunisie, où résident les autres membres de sa famille, notamment ses parents à Kasserine, où il a vécu pendant plus de seize ans et où il est retourné le 26 février 2020. En outre, son comportement en France constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, comme des effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Doubs n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions à fin d'injonction qu'il présente ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Brigitte Bertin.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC02956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02956
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23nc02956 ?
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