Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 6 avril 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Par un jugement n° 2301982 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 27 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Chaib, demande à la cour :
1) d'annuler ce jugement ;
2) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;
4) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de séjour : a été pris par un auteur incompétent ; méconnaît la chose jugée le 26 janvier 2023 par le tribunal administratif de Nancy en ce qui concerne son état civil dont il justifie à nouveau ; est entaché d'erreur de droit au regard des conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne le motif reposant sur une logique dans la poursuite des études ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions, ces conditions s'appréciant à la date de la demande et non pas à la date à laquelle l'autorité statue ainsi que l'ont estimé à tort l'administration et le jugement attaqué et alors que les liens qu'il conserve au Mali ne pouvant à eux seuls justifier un obstacle à la délivrance du titre de séjour ; méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ; méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 7 mars 2024, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les observations de Me Chaïb, assistant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 2 juin 2003, est entré en France le 19 décembre 2018. Par ordonnance du juge des enfants du 14 janvier 2019, l'intéressé a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle. Par courrier du 16 mars 2021, M. B... a sollicité son admission au séjour. Par arrêté du 20 juillet 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision et enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. B.... Par un arrêté du 6 avril 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'admettre M. B... au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
3. Il ressort des pièces du dossier et il résulte du jugement n° 2202888 du tribunal administratif de Nancy du 26 janvier 2023 que M. B... justifie de sa date de naissance, de son état civil et de ce qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans. A la date de sa demande de titre de séjour, présentée le 16 mars 2021 dans sa dix-huitième année, M. B... poursuivait avec sérieux une formation de cuisine en alternance, justifiait du caractère réel et sérieux de ses études et présentait un avis positif de la structure d'accueil. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les attaches familiales de l'intéressé au Mali seraient de nature à faire obstacle à la délivrance d'un titre de séjour tandis que le requérant justifie par les pièces produites de son insertion dans la société française. Il résulte de ces éléments qu'à la date de sa demande de titre de séjour, à laquelle l'autorité préfectorale devait se placer afin d'apprécier sa situation, M. B... remplissait toutes les conditions pour se voir délivrer de plein droit le titre de séjour prévu par les dispositions ci-dessus reproduites.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêté du 6 avril 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre les décisions litigieuses. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que l'autorité administrative délivre à M. B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler. Par suite, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chaib, avocate du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2301982 du tribunal administratif de Nancy du 12 octobre 2023 et l'arrêté de la préfète de Meurthe-et-Moselle du 6 avril 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chaib la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Chaïb et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC03788
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