La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/12/2024 | FRANCE | N°23NC01774

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 27 décembre 2024, 23NC01774


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 avril 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an.



Par un jugement n° 2302463 du 25 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa deman

de.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 3 juin 2023, Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 avril 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an.

Par un jugement n° 2302463 du 25 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2023, Mme B... A..., représentée par Me Souidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302463 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 8 avril 2023.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivées en droit et en fait ;

- la décision portant interdiction de retour en France est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- cette décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est une ressortissante chinoise, née le 8 décembre 1997. Elle a déclaré être entrée en France, en dernier lieu, en novembre 2020 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités consulaires françaises à Chengdu. A la suite de son interpellation le 7 avril 2023, l'intéressée a été placée en rétention administrative pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 8 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement n° 2302463 du 25 mai 2023, qui rejette sa demande.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ne résulte ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder un examen particulier de la situation de Mme A... avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du quatrième paragraphe de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " À tout moment, les États membres peuvent décider d'accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n'est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d'une autre autorisation conférant un droit de séjour. ".

4. Tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.

5. La directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 a été intégralement transposée dans l'ordre juridique français. Dans ces conditions, Mme A... ne saurait utilement invoquer, à l'appui de son recours contre la décision en litige, une méconnaissance des dispositions du quatrième paragraphe de l'article 6 de cette directive. Par suite, son moyen doit être écarté comme inopérant.

6. En troisième lieu, il ne résulte ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait estimée en situation de compétence liée pour prendre à l'encontre de la requérante une mesure d'éloignement. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit.

7. En quatrième lieu et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée sur le territoire français, une première fois, en janvier 2016, puis, après être retournée en Chine en 2020 pour des raisons familiales, à nouveau en novembre 2020. Elle est célibataire et sans enfant à charge. Elle ne justifie ni d'attaches familiales, ni d'une intégration particulière en France. Elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents. Si elle fait valoir qu'elle a suivi des études de langue française à l'Institut international d'études françaises de l'université de Strasbourg et que, après avoir validé les deux premières années de licence en 2017 et 2019, elle est inscrite au sein de cette université en troisième année de licence d'administration économique et sociale à la faculté de droit au titre de l'année 2022-2023, l'intéressée, qui se borne à produire le calendrier universitaire 2022-2023, n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen invoqué en ce sens doit être écarté.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige vise les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique dans ses motifs qu'il existe un risque que l'intéressée se soustraie à la mesure d'éloignement contestée puisqu'elle se maintient irrégulièrement sur le territoire français et ne présente pas des garanties de représentation suffisante. Elle est donc suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour en France :

10. En lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

12. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.

13. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

14. D'une part, il ressort de l'arrêté en litige qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à Mme A.... Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressée d'une interdiction de retour en France d'un an. Par suite et alors que la requérante ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à l'édiction de la décision en litige, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile doit être écarté.

15. D'autre part, pour justifier le prononcé à l'encontre de Mme A... d'une interdiction de retour d'un an, la préfète du Bas-Rhin a notamment retenu que l'intéressée se maintient irrégulièrement sur le territoire français sans avoir cherché à régulariser sa situation au regard de son droit au séjour et qu'elle ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France. Par suite, alors qu'il est constant que la requérante n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision en litige est suffisamment motivée au regard des critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Eu égard notamment aux éléments retenus par la préfète du Bas-Rhin et mentionnés au point 15, lesquels ne sont pas démentis par les pièces du dossier, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01774 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01774
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SOUIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;23nc01774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award