Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202977 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Marne de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023, le préfet de la Marne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Il soutient qu'à la date de sa décision, M. B... n'avait pas justifié du sérieux de ses études, dès lors que son parcours ne traduisait aucune progression sur deux années de suite ; il n'a jamais communiqué d'éléments permettant d'apprécier ses réorientations ; la validation d'un premier semestre universitaire est postérieure à sa décision.
Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Sellamna, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige porte une atteinte grave et manifestement illégale à ses droits fondamentaux, et en particulier à sa liberté d'aller et venir et à ses droits individuels ;
- les critères de sérieux et de réalité des études ne sont pas prévus par l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a pas échoué cinq années successives, comme le prévoit la circulaire du 7 octobre 2008, et s'est réorienté dans le même domaine scientifique ; ses échecs sont justifiés par son isolement et sa dépression la première année d'étude et d'un choix d'études imposé par ses parents ; le parcours suivi pour les études de santé était difficile ; ses réorientations répondent à un choix conforme à ses aspirations puis à la difficulté de la filière santé ;
- une évolution postérieure du cursus peut être prise en considération.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, est entré en France régulièrement, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valable du 3 septembre 2020 au 3 septembre 2021. A l'issue de la validité de son visa, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant pour la période du 9 octobre 2021 au 8 octobre 2022, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 2 décembre 2022, le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Marne fait appel du jugement du 1er juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à M. B..., dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ".
3. Pour l'application de ces dispositions, contrairement à ce que fait valoir l'intimé, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies. A cet égard, le caractère réel et sérieux des études est subordonné, notamment, à une progression régulière de l'étudiant et à la cohérence de son parcours.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est inscrit, en septembre 2020, en première année de licence physique, mathématiques et informatique au sein de l'université d'Orléans pour l'année universitaire 2020/2021, au terme de laquelle il a été déclaré défaillant pour les deux semestres. Au titre de l'année universitaire suivante, l'intéressé s'est réorienté en s'inscrivant en première année de licence de sciences pour la santé, composante médecine, de l'université de Reims, à l'issue de laquelle il a été déclaré ajourné avec une moyenne de 4,248/20 au premier semestre et de 3,62/20 au second semestre. M. B... s'est ensuite inscrit en licence de génie civil pour l'année universitaire 2022/2023. S'il fait valoir qu'il a validé le premier semestre de cette licence, avec une moyenne de 12/20, cette circonstance, qui est postérieure à la décision en litige, ne révèle pas une situation préexistante à la date du prononcé du refus de titre de séjour.
5. Si M. B... se prévaut, pour justifier de ses échecs antérieurs à la décision contestée de son isolement et de sa dépression à la suite de son arrivée en France, cette situation n'est cependant pas différente de celle de nombreux autres étudiants choisissant de poursuivre des études en dehors de leur pays d'origine. En outre, son état dépressif n'est pas établi. Enfin, s'il fait valoir que son orientation dans la filière informatique lui a été imposée par ses parents alors qu'il souhaitait s'engager dans le domaine médical, cette circonstance, invoquée pour les besoins de la cause, ne justifie pas la persistance de ses mauvais résultats, y compris l'année d'inscription en licence des sciences de la santé, dans tous les enseignements suivis au cours de ses deux premières années d'études et l'absence de toute progression à la date de l'arrêté en litige.
6. Dans ces conditions, alors même que M. B... justifie avoir été assidu au titre de l'année 2021/2022, le préfet de la Marne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas d'une progression et d'un sérieux dans ses études. Il s'ensuit que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu ce motif pour annuler son arrêté.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur les autres moyens :
8. Il résulte de ce qui a été exposé au point 3 qu'en appréciant le caractère réel et sérieux des études de M. B..., le préfet de la Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
9. Le requérant ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 7 octobre 2008 des ministres chargés de l'immigration, de l'intégration, de 1'identité nationale et du développement solidaire ainsi que de 1'enseignement supérieur et de la recherche selon lesquelles la progression des études s'apprécie sur une durée de cinq ans, dès lors que cette situation concerne les étudiants inscrits plusieurs années dans un même cursus et non ceux qui, comme lui, ont changé d'orientation.
10. Le refus de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à M. B... a été pris en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel fixe les conditions d'admission des étrangers sur le territoire français. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que du seul fait d'avoir refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", le préfet de la Marne aurait porté une atteinte à sa liberté individuelle ainsi qu'à sa liberté d'aller et venir.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 2 décembre 2022, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " étudiant " et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que la demande de première instance de M. B... doit être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202977 du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie de l'arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 23NC02206 2