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30/12/2024 | FRANCE | N°23NC02919

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 décembre 2024, 23NC02919


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... et Mme F... B... ont, chacun, demandé au tribunal administratif de Strasbourg à titre principal d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 mai 2023 le concernant par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a fixé le pays à destination

duquel ils pourront être éloignés d'office et a procédé à leur signalement aux fins de no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme F... B... ont, chacun, demandé au tribunal administratif de Strasbourg à titre principal d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 mai 2023 le concernant par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office et a procédé à leur signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, d'autre part, l'arrêté les assignant à résidence et subsidiairement de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ou, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci.

Par un jugement n° 2303290 et n° 2303291 du 30 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis, par son article 1er, M. et Mme B..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté par son article 2 le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2023, sous le n° 23NC02919, M. B..., représenté par Me Hentz de la société L'Ill Légal, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, subsidiairement, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de prononcer la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et d'ordonner son maintien sur le territoire jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros HT, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que les médecins de l'OFII ayant rendu l'avis médical sont identifiables et que l'avis comporte leur signature ;

- il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 23 septembre 2022 a été émis par des médecins agréés dans les conditions prévues par l'article 2 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;

- il n'est pas établi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège de médecins conformément à l'article L. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il sollicite la communication de l'entier dossier médical au vu duquel le collège de médecins de l'OFII a statué dès lors qu'il dispose d'éléments démontrant que son fils ne peut être soigné dans son pays d'origine ;

- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être suspendue jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur sa situation en application des articles L. 752-5, L. 752-6 et L. 752-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'établit pas la notification régulière de la décision de l'OFPRA ; le préfet ayant reconnu qu'il avait sollicité un titre de séjour en raison de l'état de santé de son fils, il devait être considéré comme en situation régulière en application de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

en ce qui concerne l'assignation à résidence :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de motivation dès lors que le préfet a pris deux assignations, l'une sur le fondement de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'autre sur le fondement de l'article L. 752-1 du même code ;

- elle méconnaît l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne fixe aucune durée d'assignation ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en visant les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans une décision et celles de l'article L. 752-1 du même code dans une décision distincte ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II.- Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2023, sous le n° 23NC02920, Mme B..., représentée par Me Hentz de la société L'Ill Légal, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, subsidiairement, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de prononcer la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et d'ordonner son maintien sur le territoire jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros HT, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en fondant son refus sur le seul avis du collège de médecins de l'OFII ;

- il n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande en s'abstenant de statuer sur la demande de titre de séjour ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur sa demande de titre de séjour pour soins ; l'obligation de quitter le territoire français est fondée uniquement sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle doit être suspendue jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur sa situation en application des articles L. 752-5, L. 752-6 et L. 752-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'établit pas la notification régulière de la décision de l'OFPRA ; le préfet ayant reconnu qu'elle avait sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé, elle devait être considérée comme en situation régulière en application de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mise en possession d'un récépissé ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; en l'absence de refus de titre de séjour, la motivation doit être considérée comme inexistante en violation de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû solliciter l'avis de l'OFII en application des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a sollicité un titre de séjour pour raison de santé ;

- elle conteste l'avis de l'OFII du 23 septembre 2022 et sollicite la communication de l'entier dossier médical au vu duquel le collège de médecins de l'OFII a statué dès lors qu'elle dispose d'éléments justifiant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont elle ne peut bénéficier dans son pays d'origine ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de motivation dès lors que le préfet a pris deux assignations, l'une sur le fondement de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'autre sur le fondement de l'article L. 752-1 du même code ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en visant les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans une décision et celles de l'article L. 752-1 du même code dans une décision distincte ;

en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

en ce qui concerne l'assignation à résidence :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le délai de départ volontaire est de trente jours alors que l'assignation ne comporte aucune durée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont chacun été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23

et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants kosovars, nés respectivement en 1982 et 1983, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, le 21 octobre 2021, avec leurs neuf enfants, tous mineurs à l'exception de l'aîné de la fratrie. Leurs demandes d'asile, examinées dans le cadre de la procédure accélérée, ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 janvier 2023. Parallèlement, ils ont sollicité un titre de séjour en se prévalant, pour Mme B..., de son état de santé et, pour M. B... de celui de leur fils A..., né en 2010. Par des arrêtés du 10 mai 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office. Par deux autres arrêtés du 10 mai 2023, le préfet du Haut-Rhin les a également assignés à résidence. M. et Mme B... font appel du jugement n° 2303290 et n° 2303291 du 30 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes présentées par M. et Mme B... concernent les deux membres d'un même couple. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions de la requête de M. B... :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au motif qu'il n'est établi ni que les médecins de l'OFII ayant rendu l'avis médical du 23 septembre 2022 sont identifiables, ni qu'ils ont signé cet avis et ont été agréés dans les conditions prévues par l'article 2 de l'arrêté du 9 novembre 2011, abrogés et remplacés désormais par l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, ni que le médecin qui a rédigé le rapport médical confidentiel n'a pas siégé au sein du collège des médecins. Il y a lieu d'écarter ce moyen, dans toutes ses branches, par adoption des motifs du point 7 du jugement qui n'appellent aucune précision.

4. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. Pour refuser de délivrer une autorisation provisoire de séjour au requérant en qualité de parent d'un enfant malade, le préfet du Haut-Rhin s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 23 septembre 2022 qui a estimé que l'état de santé de son fils nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si M. B... fait valoir que son fils, qui a des difficultés à la marche, a besoin notamment d'opérations et d'appareillages dont il ne pourra pas bénéficier au Kosovo, le certificat médical du 15 mai 2023, qui se borne à mentionner le suivi dont bénéficie cet enfant dans un service de médecine physique et de réadaptation, n'est pas suffisant pour remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII sur laquelle le préfet du Haut-Rhin s'est appuyé. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la communication de l'entier dossier médical au vu duquel le collège de médecins s'est prononcé, le préfet n'a pas fait une inexacte appréciation des dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. B....

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ".

8. M. B... fait valoir que le préfet a prononcé à tort à son encontre une obligation de quitter le territoire sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'entrait pas dans le champ de cet article en l'absence de preuve de la notification de la décision de l'OFPRA. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. B... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français à compter de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce document est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 431-20, de l'instruction de la demande. / Le récépissé n'est pas remis au demandeur d'asile titulaire d'une attestation de demande d'asile ".

10. M. B..., qui n'a disposé que d'un récépissé en qualité de demandeur d'asile en application du dernier alinéa de l'article R. 431-12 précité, fait valoir que le préfet a prononcé à tort à son encontre une obligation de quitter le territoire alors qu'il avait présenté une demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant malade sur laquelle il n'avait pas encore été statué. Or, outre que le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la demande d'asile a été rejetée, l'arrêté en litige, contrairement à ce que soutient le requérant, ne se borne pas à prononcer à son encontre une mesure d'éloignement mais lui refuse également la délivrance du titre de séjour qu'il avait sollicité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. B... fait valoir qu'en raison de ses origines roms, il craint en cas de retour au Kosovo de subir des traitements inhumains et dégradants au motif que des membres de sa famille, notamment son père, et lui-même ont combattu avec les serbes contre les albanais entre 1998 et 2000. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite, et alors qu'au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être rejeté.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

S'agissant des décisions portant obligation de se présenter une fois par semaine auprès du service de la brigade mobile de recherche de Mulhouse pour justifier des préparatifs de départ et d'assignation à résidence :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire ".

17. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande d'asile, l'étranger dont le droit au maintien a pris fin en application des b ou d du 1°de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ".

18. Il ressort des pièces du dossier que l'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2023 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français pris à l'encontre de M. B... lui fait obligation de se présenter une fois par semaine auprès du service de la brigade mobile de recherche de Mulhouse pour justifier des préparatifs de son départ. Ces dispositions ne fixent pas la durée de cette obligation de présentation alors que l'article L. 721-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'elle ne peut pas s'étendre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. Par suite, et dès lors que les motifs de l'arrêté ne comportent eux-mêmes aucune précision sur ce point, il y a lieu d'annuler l'article 4 de l'arrêté en litige en tant seulement qu'il ne fixe pas un terme à l'obligation de présentation dans la limite maximale du délai de départ volontaire.

19. En revanche, la circonstance que le préfet du Haut-Rhin a, d'une part, déterminé, par l'arrêté du 10 mai 2023 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, les modalités par lesquelles M. B... doit justifier de la préparation de son départ sur le fondement de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, par un second arrêté du même jour, assigné l'intéressé à résidence dans le département du Haut-Rhin, au centre de préparation et d'accompagnement au retour, pour une durée de 45 jours, n'est pas, par elle-même, de nature à révéler un défaut d'examen de sa situation personnelle ou une " erreur de motivation ".

20. Enfin, contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet du Haut-Rhin ne s'est pas fondé, dans le même arrêté à la fois sur les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur celles de l'article L. 752-1 du même code. En outre, il ne résulte pas des dispositions de ces deux articles, dès lors que les conditions qu'ils fixent pour leur application sont satisfaites, que le préfet ne pourrait pas prendre des décisions fondées sur chacun d'eux, sous réserve qu'elles soient proportionnées, pour s'assurer de l'exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. Au surplus, et en admettant que l'intéressé ait entendu invoquer une erreur d'appréciation, il n'apporte aucun élément de nature à établir que les mesures contestées seraient disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour de Mme B... :

21. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté en litige que pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin s'est borné à mentionner les termes de l'avis émis le 23 septembre 2022 par le collège de médecins de l'OFII, selon lequel l'état de santé de l'intéressée " nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers [son] pays d'origine ", puis a indiqué " Ainsi, Mme F... B... née E... ne remplit pas les conditions de délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé ". Par une telle motivation, le préfet du Haut-Rhin s'est estimé lié par cet avis et a donc méconnu l'étendue de sa compétence. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour pendant une durée d'une année et portant obligation de pointage. L'arrêté du 10 mai 2023 l'assignant à résidence est également annulé par voie de conséquence.

Sur les conclusions à fin de suspension des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

22. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code " Lorsque le juge n'a pas encore statué sur le recours en annulation formé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 614-1, l'étranger peut demander au juge déjà saisi de suspendre l'exécution de cette décision ". Aux termes de l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".

23. M. B... fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses origines roms et que pour ce motif d'autres membres de sa famille ont obtenu le statut de réfugié. Toutefois, ni la circonstance que d'autres membres de la famille de l'intéressé, notamment son frère, ont bénéficié du statut de réfugié en Belgique, ni la production du compte rendu d'entretien de M. B... avec un officier de protection de l'OFPRA ne permettent de regarder le requérant comme faisant valoir des éléments sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire. Il en est de même de la reconnaissance par la Cour nationale du droit d'asile du statut de réfugié à des personnes d'origine rom. Par suite, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés en litige ne peuvent qu'être rejetées.

24. Dès lors que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... a été annulée, ses conclusions tendant à la suspension de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

25. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2023 en tant qu'il ne fixe pas le délai de départ volontaire de l'obligation de présentation comme le terme maximal de l'obligation de présentation. Il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué ainsi que l'arrêté du 10 mai 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français.

26. D'autre part, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2023 du préfet du Haut-Rhin refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français et celui du même jour l'assignant à résidence. Il y a lieu, par suite, d'annuler, l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et d'annuler ces derniers.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

27. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 21, le présent arrêt implique seulement d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

28. En revanche, et eu égard au motif d'annulation retenu au point 18, le présent arrêt n'implique aucune mesure à l'égard de M. B.... Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par l'intéressé doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

29. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais de procès non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2303290 et n° 2303291 du 30 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté, d'une part, les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2023 en tant qu'il ne fixe pas un terme à l'obligation de présentation dans la limite maximale du délai de départ volontaire et, d'autre part, les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 10 mai 2023.

Article 2 : Les arrêtés du 10 mai 2023 pris à l'encontre de Mme B... sont annulés.

Article 3 : L'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2023 du préfet du Haut-Rhin portant refus de délivrer à M. B... un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, interdiction de retour sur le territoire français et obligation de pointage est annulé en tant qu'il ne fixe pas un terme à l'obligation de présentation dans la limite maximale du délai de départ volontaire.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... et Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie de l'arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Barteaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N°s 23NC02919,23NC02920 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02919
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : L'ILL LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;23nc02919 ?
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