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30/12/2024 | FRANCE | N°24NC00567

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 décembre 2024, 24NC00567


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 février 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2305439 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa

demande.









Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 février 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2305439 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305439 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 10 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, le cas échéant sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

sur la décision portant refus de séjour :

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- son dossier de demande de titre de séjour était complet ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

sur l'obligation de quitter le territoire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision portant interdiction de retour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste au regard de la situation de son époux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 21 juin 1980, a déclaré être entrée en France le 31 août 2015 en compagnie de son époux. Après avoir sollicité en vain l'asile, elle a présenté le 10 avril 2017 une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Le 19 juillet 2018, sa demande ayant été rejetée, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le 23 avril 2021 elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour qui a fait l'objet d'une décision implicite de refus née le 25 novembre 2022. Par jugement du 13 décembre 2022, le tribunal a annulé cette décision pour vice de forme et enjoint au préfet le réexamen de la situation de Mme A.... Par arrêté du 10 février 2023, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement n° 2305439 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante au regard de son droit à un titre de séjour.

3. En deuxième lieu, si Mme A... fait valoir que c'est à tort que le préfet de la Moselle a considéré que son dossier de demande de titre de séjour était incomplet, une telle circonstance, à la supposée même établie, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors que le préfet a en tout état de cause décidé d'examiner son droit au séjour.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Mme A... soutient qu'elle réside en France depuis le 31 août 2015 accompagnée de son époux, lequel serait en attente de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, et de ses trois enfants mineurs dont le dernier est né en 2017. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la durée de séjour de l'intéressée tient aux délais d'instruction de ses demandes d'asile et de titre de séjour ainsi qu'à son refus d'exécuter une précédente mesure d'éloignement. En outre, contrairement à ce qu'elle soutient, la demande d'admission au séjour de son époux pour raison de santé a fait l'objet d'un refus de séjour par décision du 20 octobre 2021. En outre, la requérante ne justifie d'aucun revenu ni par ailleurs de liens autres sur le territoire français que ceux qui la lient à ses enfants et à son conjoint, de sorte que sa cellule familiale a vocation à se reconstituer dans son pays d'origine. Enfin, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de Mme A..., le préfet de la Moselle, en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Mme A... fait valoir que ses trois enfants nés respectivement en 2009, 2010 et 2015 sont scolarisés en France. Toutefois, elle n'invoque aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'ils puissent poursuivre leur scolarité en Albanie. Par suite, et alors que la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer ces enfants de leurs parents, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".

9. La requérante invoque les mêmes arguments que ceux invoqués au point 5 du présent arrêt. Ces seuls éléments ne peuvent toutefois être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels permettant la délivrance d'un titre de séjour au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En sixième lieu, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 5, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

13. Si la requérante fait valoir que l'état de santé de son époux fait obstacle à son éloignement, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de son propre refus de titre de séjour. Par ailleurs et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du 19 avril 2021 du collège de médecins, que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

14. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination fait apparaître les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

15. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

16. Si la requérante fait valoir qu'elle serait exposée à un risque de se voir infliger des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations alors que, au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ".

18. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

19. En l'espèce, la décision contestée vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce, notamment, que la requérante est présente sur le territoire français depuis le 31 août 2015, qu'elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle elle s'est soustraite et qu'elle ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière. Dans ces conditions, la décision portant interdiction de retour est suffisamment motivée.

20. En second lieu, Mme A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le prononcé et la durée de l'interdiction de retour, qui sont justifiés par les considérations mentionnées au point précédent. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2023 pris à son encontre par le préfet de la Moselle. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... née B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. LussetLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 24NC00567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00567
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;24nc00567 ?
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