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30/12/2024 | FRANCE | N°24NC00655

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 décembre 2024, 24NC00655


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2024 par lequel le préfet de la Nièvre l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur ce territoire pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2400292 du 8 février 2024, le président du tribunal administratif de Nancy a admis M. B... à l'a

ide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.





Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2024 par lequel le préfet de la Nièvre l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur ce territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2400292 du 8 février 2024, le président du tribunal administratif de Nancy a admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 mars 2024 sous le n° 24NC00655, M. B..., représenté par Me Cathala, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2400292 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2024 du préfet de la Nièvre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence ne constitue pas un trouble à l'ordre public ;

- les mentions du TAJ ne permettent pas d'établir la réalité des faits qui lui sont imputés ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait ;

- il méconnaît les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle doit être annulée au regard du droit au respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de ses enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2024, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.

II. Par une requête enregistrée le 28 juin 2024 sous le n° 24NC01730, M. B... demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du n° 2400292 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa requête contre l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2024.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2024, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par B... ne sont pas fondés

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lusset, premier conseiller,

- et les observations de Me Cathala, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 15 février 1991, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2011, selon ses déclarations. L'intéressé a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement les 12 mai 2011 et 17 août 2016, cette dernière ayant été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 décembre 2016. A la suite de la naissance, en 2017 et 2018, de deux enfants de nationalité française, M. B... a été titulaire d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à compter du 9 janvier 2018 et régulièrement renouvelé jusqu'au 8 janvier 2021. Toutefois, par une décision du 5 février 2021, le titre de séjour de M. B... n'a pas été renouvelé et une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre. Par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2021 la demande d'annulation de ces décisions a été rejetée. M. B... a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français le 9 septembre 2022. Enfin, le 30 janvier 2024, M. B... a été interpellé lors d'un contrôle routier puis placé en rétention administrative. Par un arrêté du 30 janvier 2024, le préfet de la Nièvre l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de revenir sur ce territoire pendant une durée de douze mois. M. B..., par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, relève appel du jugement n° 2400292 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, et demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, M. B... fait valoir que le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, l'arrêté litigieux n'ayant pas opposé à l'intéressé un refus d'admission au séjour, celui-ci ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions précitées, et le tribunal n'était pas tenu de répondre à ce moyen inopérant. En tout état de cause, le premier juge a estimé que M. B... n'établissait pas contribuer à l'entretien et l'éducation de ses enfants et a ainsi répondu à ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer ne peut qu'être écarté.

3. D'autre part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur de fait qu'aurait commise le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la requête 24NC00655 :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Nièvre n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. B... avant de l'obliger à quitter sans délai le territoire français et de lui faire interdiction d'y retourner pendant une durée d'un an.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est défavorablement connu du fichier des antécédents judiciaires pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis (faits commis à quatre reprises, le 2 août 2023, le 11 juin 2019, le 22 février 2019 et le 17 août 2016), de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance (le 17 juin 2023 et le 23 juin 2022), de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger (le 5 août 2022), de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui et violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours (faits commis le 21 août 2020), de violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (23 juin 2020), de conduite de véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique (11 juin 2019), de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (faits commis du 10 septembre 2019 au 11 avril 2020), de destruction d'un bien appartenant à autrui (11 avril 2019). M. B... a, en outre, été condamné par un arrêt de la cour d'appel de Bourges du 17 mai 2023 à une peine de six mois d'emprisonnement pour les faits de violence sans incapacité sur sa conjointe commis le 21 août 2020. Au regard tant de la nature et de la gravité des faits reprochés que de leur caractère répété, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Nièvre a commis une erreur d'appréciation en estimant que sa présence sur le territoire français représentait une menace pour l'ordre public.

7. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

8. En cinquième lieu, dès lors que l'arrêté en litige ne se prononce nullement sur le droit au séjour de M. B..., ce dernier ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En sixième lieu, le requérant se prévaut d'une arrivée en France en 2011, sans toutefois l'établir, et fait valoir qu'il est marié avec une citoyenne française depuis le 8 octobre 2016, avec laquelle il a eu trois enfants nés le 1er juillet 2017, le 6 juillet 2018 et le 17 novembre 2023. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que M. B... a, notamment, été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement pour des faits de violence sans incapacité sur sa conjointe commis le 21 août 2020 et que, bien que non divorcés, les époux vivaient séparément à la date de la décision attaquée. Il n'est par ailleurs pas sérieusement contesté, et ainsi qu'il a été dit, que M. B... a fait l'objet de plusieurs mises en cause, inscrites au fichier de traitement des antécédents judiciaires, notamment pour des violences aggravées commises sur son épouse, y compris devant leurs enfants. Si M. B... fait valoir qu'il s'est réconcilié avec son épouse et qu'il regrette ses actes passés, et se prévaut de la naissance d'un nouvel enfant le 17 novembre 2023, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité de cette réconciliation. Enfin, M. B... n'établit pas, par la production de quelques tickets de caisse et de photos, qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans, et ce alors qu'il n'est pas contesté que son épouse s'est également plainte aux services de police de ce qu'il ne s'occupait pas de ces derniers. Ainsi, et compte tenu également de ses conditions de séjour en France, l'intéressé ayant déjà fait l'objet de quatre précédentes mesures d'éloignement, le préfet n'a pas entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

10. En septième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'éloignement.

11. En huitième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ou l'intérêt supérieur de ses enfants.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2024 pris à son encontre par le préfet de la Nièvre. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des frais d'instance doivent être également rejetées.

Sur la requête 24NC01730 :

13. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel M. B... contre le jugement du 8 février 2024 du président du tribunal administratif de Nancy. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. B... n° 24NC01730.

Article 2 : La requête n° 24NC00655 de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. LussetLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 24NC00655, 24NC01730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00655
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : CATHALA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-30;24nc00655 ?
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