Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, les arrêtés du 26 juin 2024 par lesquels le préfet du Haut-Rhin leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, les arrêtés du 7 août 2024 portant assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2406273-2405159-2406274-2405158 du 10 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et renvoyé devant une formation collégiale les conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour ainsi que leurs conclusions accessoires, a annulé les décisions du préfet du Haut-Rhin du 26 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que les arrêtés du 7 août 2024 portant assignation à résidence pris à l'encontre de M. A... et de Mme B.... Il a également enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer les demandes de titre de séjour présentées par M. A... et Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et enfin a mis à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros, à verser à leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédures devant la cour :
I/ Par une requête enregistrée le 23 septembre 2024, sous le numéro 24NC02393, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler, en toutes ses dispositions, le jugement du 10 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... et Mme B... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré du défaut d'examen particulier de leur situation pour annuler ses décisions :
. ses décisions ne sont pas entachées d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... et de Mme B... ;
. les intéressés n'ont apporté, lors de leur entretien du 27 mars 2024 à la préfecture, aucun justificatif sur la présence en France de membres de la famille de Mme B... de nationalité française ; ils ne démontrent pas entretenir des liens d'une particulière intensité avec ces membres de la famille qui ont la nationalité française ;
. il s'agit d'une simple erreur de plume car la lecture des arrêtés litigieux démontrent bien qu'un examen attentif de leur situation a été fait ;
. quand bien même ces décisions seraient entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation, le premier juge n'a pas justifié en quoi ce vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de ces décisions ou a été de nature à priver les intéressés d'une garantie au sens de la jurisprudence Danthony du Conseil d'Etat ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... et Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Lantelme, conclut :
- au rejet de la requête d'appel du préfet du Haut-Rhin ;
- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence de la signataire des décisions contestées n'est pas établie ;
- les décisions contestées imposent des obligations de justifier de démarches en vue du départ qui ne sont pas prévues par les textes ;
- elles ont été prises sans examen réel et sérieux de la situation du couple ; elles ne font pas état des attaches familiales en France alors que ces éléments ont été communiqués lors de l'entretien en préfecture du 27 mars 2024 ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la mère de son épouse les héberge et les aide financièrement tandis que son épouse aide sa mère au quotidien compte tenu de sa situation de handicap ;
- les décisions portant refus de séjour sont illégales de sorte que les décisions contestées sont-elles mêmes illégales : le couple remplissait les conditions de l'article 10 b) de l'accord franco-tunisien leur permettant d'être admis au séjour, ainsi que celles de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 14 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2024 à midi.
II/ Par une requête enregistrée le 23 septembre 2024, sous le numéro 24NC02394, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 10 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg qui a annulé ses décisions du 26 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que les arrêtés du 7 août 2024 portant assignation à résidence pris à l'encontre de M. A... et de Mme B..., et qui l'a également enjoint de réexaminer les demandes de titre de séjour présentées par M. A... et Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement et soulève les mêmes moyens que ceux invoqués dans sa requête n° 24NC02393.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Lantelme, conclut :
- au rejet de la requête d'appel du préfet du Haut-Rhin ;
- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir les mêmes moyens que ceux invoqués dans la requête 24NC02393.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme B..., ressortissants tunisiens nés en 1988, déclarent être entrés en France le 5 janvier 2022. Mme B... a sollicité son admission au séjour le 31 mai 2022.
Par un arrêté du 25 octobre 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 27 mars 2024, M. A... et Mme B... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour en application des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 26 juin 2024, le préfet du Haut-Rhin a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par ailleurs, par deux arrêtés du 7 août 2024, le préfet du Haut-Rhin les a assignés à résidence dans le département du Haut-Rhin pendant une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2406273-2405159-2406274-2405158 du 10 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et renvoyé devant une formation collégiale les conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour ainsi que leurs conclusions accessoires, a annulé les décisions du préfet du Haut-Rhin du 26 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que les arrêtés du 7 août 2024 portant assignation à résidence pris à l'encontre de M. A... et de Mme B.... Il a également enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer les demandes de titre de séjour présentées par M. A... et Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour. En demandant l'annulation de ce jugement dans toutes ses dispositions, le préfet du Haut-Rhin, au regard des moyens soulevés, doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant uniquement qu'il a annulé les décisions du 26 juin 2024 et lui a enjoint de réexaminer les demandes de titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Pour refuser d'admettre les requérants au séjour à titre exceptionnel en application des dispositions précitées au point 2, le préfet du Haut-Rhin a relevé que les intéressés avaient vécu
trente-trois ans hors de France, qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où résident la sœur et les parents de M. A..., ainsi que les deux sœurs de Mme B..., et que leur fils, né en 2020 en Tunisie, pourra poursuivre sa scolarité hors de France. Il ressort cependant des pièces du dossier et en particulier du compte-rendu d'entretien du 27 mars 2024 en préfecture que M. A... et Mme B... avaient informé les services préfectoraux que la mère, le frère et une autre sœur de Mme B... vivent en France, et qu'ils sont tous trois de nationalité française, ce dont les arrêtés attaqués ne font toutefois pas mention. Eu égard à l'importance de ces éléments factuels dans l'appréciation de leur situation personnelle et alors que le couple avait sollicité un titre de séjour en se prévalant de leur vie privée et familiale, il ne ressort pas des termes des décisions litigieuses du 26 juin 2024 que le préfet du Haut-Rhin a procédé à un examen particulier de leur situation. Le préfet du Haut-Rhin ne peut enfin utilement faire valoir en appel qu'il s'agit d'une simple erreur de plume, sans incidence sur l'appréciation de leur situation personnelle, et qu'en tout état de cause ce vice de procédure n'est pas susceptible d'exercer une influence sur le sens de ses décisions et n'a pas privé les intéressés d'une garantie, dès lors que le défaut d'examen d'une situation constitue une erreur de droit et non un vice de procédure.
4. Par suite, et comme l'a jugé à bon droit le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, l'illégalité ainsi constatée des décisions de refus de séjour opposées à M. A... et Mme B... est de nature, par la voie de l'exception, à entacher d'illégalité les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que par voie de conséquence celles fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que celles du 7 août 2024 portant assignation à résidence.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 10 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 26 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que les arrêtés du 7 août 2024 portant assignation à résidence pris à l'encontre de M. A... et de Mme B....
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué :
6. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet du Haut-Rhin. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais d'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas au conseil de M. A... d'être bénéficiaire des frais de l'instance. Par suite, les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de ces dispositions au profit de son conseil ne peuvent être que rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24NC02394 du préfet du Haut-Rhin à fin de sursis à exécution du jugement n° 2406273-2405159-2406274-2405158 du 10 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg.
Article 2 : La requête n° 24NC02393 du préfet du Haut-Rhin est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son conseil sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... A..., à Mme C... B... et à Me Lantelme.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. Roussaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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Nos 24NC02393, 24NC02394