Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet du Doubs a retiré le certificat de résidence qui lui avait été délivré et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2300436 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 septembre 2023 et le 3 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Hild, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 9 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans et de délivrer à Melle Anyas B... un document de circulation pour étranger mineur, dans le mois de la notification de l'arrêt à rendre et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, subsidiairement, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure contradictoire a été méconnue ;
- il a été victime de violences conjugales et le retrait de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;
- le préfet du Doubs a commis une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 22 juillet 2021, le préfet du Doubs a délivré à une ressortissante algérienne née en 1974 une autorisation de regroupement familial en vue de l'introduction en France de M. A... B..., ressortissant algérien né en 1973, avec lequel elle s'était mariée en Algérie le 27 mars 2019, ainsi que de la fille de M. B..., ressortissante algérienne née en 2007 d'un précédent mariage de M. B.... Un visa de long séjour a été délivré le 31 octobre 2021 à M. B... par l'autorité consulaire française à Alger et, muni de son passeport en cours de validité revêtu de ce visa, il est arrivé sur le territoire français le 16 novembre 2021, accompagné de sa fille. Le 2 juin 2022, le préfet du Doubs lui a délivré un certificat de résidence valable jusqu'au 1er juin 2023. Par un arrêté du 9 février 2023, le préfet de Doubs a procédé au retrait de ce titre de séjour et fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 423-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / (...) ". Aux termes de L. 432-5 du même code : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. / (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... résidait jusqu'au 29 novembre 2022 au 8 rue de Picardie à Grand-Charmont. Cette adresse était celle connue du préfet du Doubs. Il a quitté ce domicile le 29 novembre 2022. A compter du 31 décembre 2022, son domicile était au 8 rue Gutenberg à Béthoncourt.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 janvier 2023, le préfet a fait savoir à M. B... qu'il envisageait de retirer le titre de séjour qui lui avait été délivré le 2 juin 2022 et l'informait de la possibilité pour lui de présenter des observations sur cette éventualité, dans un délai de quinze jours. Cette lettre, adressée au 8 rue de Picardie à Grand-Charmont, a été retournée par La Poste à la préfecture du Doubs le 24 janvier 2023 avec la mention " Destinataire inconnu à l'adresse ".
5. Aux termes de l'article R. 431-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, séjournant en France et titulaire d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an, est tenu, lorsqu'il transfère le lieu de sa résidence effective et permanente, d'en faire la déclaration, dans les trois mois de son arrivée, à l'autorité administrative territorialement compétente. ".
6. Le délai de trois mois prévu par l'article R. 431-23 précité n'était échu ni au 19, ni au 24 janvier 2023, non plus qu'au 9 février 2023.
7. L'administré, à qui il appartient en principe, en cas de déménagement, de faire connaître à l'administration son changement d'adresse, prend néanmoins les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, et ne puisse donc lui être régulièrement notifié qu'à celle-ci, lorsqu'il informe La Poste de sa nouvelle adresse en demandant que son courrier y soit réexpédié.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... justifie avoir souscrit le 31 décembre 2022 auprès de La Poste un contrat de réexpédition de son courrier du 8 rue de Picardie à Grand-Charmont au 8 rue Gutenberg à Béthoncourt pour la période du 2 janvier au 31 juillet 2023. Il avait ainsi pris les précautions nécessaires pour que son courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse. En dépit de cette circonstance, la lettre du préfet du Doubs du 19 janvier 2023 n'a pas été réexpédiée par La Poste à sa nouvelle adresse mais a été retournée au préfet avec la mention " Destinataire inconnu à l'adresse ". Il en résulte que cette lettre ne peut être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. B... le 19 ou le 24 janvier 2023. Dès lors, il est fondé à soutenir que, faute d'avoir été précédée de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, la décision du 9 février 2023 par laquelle le préfet du Doubs a retiré le certificat de résidence qui avait été délivré le 2 juin 2022 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, qui a privé M. B... d'une garantie. Les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont illégales en conséquence.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 9 février 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt annule une décision retirant un titre de séjour, mais non une décision refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. En conséquence de cette annulation, le certificat de résidence qui a été délivré à M. B... se trouve rétabli à compter de la date, le 28 janvier 2025, de la mise à disposition de cet arrêt, date à laquelle la période de validité de ce certificat de résidence n'est pas échu. Il en résulte que l'exécution de ce dernier n'implique nécessairement, ni qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de délivrer un certificat de résidence à M. B..., ni qu'il lui prescrit de réexaminer la situation de ce dernier. Cette exécution n'implique pas davantage nécessairement qu'il soit enjoint à ce préfet de délivrer un document de circulation pour étranger mineur à la fille du requérant.
11. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention de la décision du 9 février 2023 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, il a, sur le fondement des dispositions du 5° du IV de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, été inscrit dans ce fichier, jusqu'au 9 février 2026. L'annulation de cette décision par le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit prescrit au préfet du Doubs de procéder à l'effacement de cette inscription, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à cinq jours à compter de la notification de cet arrêt.
Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hild de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 2300436 du 1er juin 2023 et l'arrêté du préfet du Doubs du 9 février 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder à l'effacement de l'inscription de M. A... B... du fichier des personnes recherchées, dans un délai de cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Hild la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Antoine Hild.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Besançon.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. C...L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02863