Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 19 août 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation le pays de destination.
Par un jugement n° 2103235 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juin et le 31 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Chaib, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 19 août 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de prendre en compte certains éléments soumis, a outrepassé son office en se prononçant sur un critère médical et a examiné un moyen non soulevé en ne le soumettant pas au débat contradictoire ;
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- l'auteur de la décision est incompétent ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'intégralité de son traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ;
- il justifie de motifs exceptionnels de régularisation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant refus de séjour ;
- la décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision doit être annulée par voie de conséquence des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne bénéficiera pas de prise en charge de sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine et que l'arrêt de son traitement peut entraîner son décès.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juillet et le 1er août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- et les observations de Me Chaib, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 22 juillet 1968, est entré sur le territoire français le 14 décembre 2017 accompagné de son épouse et y a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 28 août 2019. Le 6 février 2019, le requérant a été admis au séjour au motif de son état de santé et, le 6 février 2020, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 24 février 2022, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérants ne peuvent donc utilement se prévaloir d'une erreur d'appréciation qu'aurait commise le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué.
3. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, au titre de la régularité du jugement attaqué, de ce que le tribunal se serait mépris sur le caractère probant d'une des pièces qu'il a produites à l'instance, ni du caractère selon lui erroné de l'appréciation que les premiers juges ont portée sur l'application des critères de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En second lieu, en estimant que les éléments produits au dossier ne permettaient pas d'établir que le patient ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à sa pathologie dans son pays d'origine, le tribunal s'est borné à appliquer les critères prévus par l'article L. 425-9 précité, dont la méconnaissance était invoquée par le requérant, et n'a, par suite, pas examiné un moyen non soulevé.
Sur les conclusions d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
5. En premier lieu, par un arrêté du 22 juin 2021, publié au recueil des actes administratifs de Meurthe-et-Moselle du 24 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de l'Etat. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit s'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
7. D'une part, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il incombe à l'administration de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
8. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est pris en charge par le service de néphrologie du centre hospitalo-universitaire de Nancy au titre d'une insuffisance rénale chronique terminale nécessitant son placement sous dialyse. Pour refuser de l'admettre au séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 juin 2020 aux termes duquel, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié et que, au vu des éléments du dossier, son état de santé lui permet de voyager sans risque.
10. M. B... produit un courrier établi le 22 septembre 2021 par le ministère des personnes déplacées des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales de Géorgie aux termes duquel les médicaments Mimpara, Renagel et Kayexalate qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles en Géorgie et se prévaut d'une ordonnance médicale du 11 janvier 2022, postérieure à l'arrêté attaqué, indiquant que le traitement par Kayexalate est " non substituable MTE ". Toutefois, outre qu'eu égard à ses termes, le courrier précité du ministère de la santé géorgien ne permet pas d'exclure que les principes actifs de ces trois médicaments y seraient disponibles sous une autre appellation commerciale, le préfet produit au dossier, s'agissant du cas particulier du Kayexalate, l'arrêté du 12 novembre 2019, complété par un arrêté du 20 juillet 2022, relatif aux situations médicales dans lesquelles peut être exclue la substitution à la spécialité prescrite d'une spécialité du même groupe générique, qui ne comporte pas dans sa liste le polystyrène de sulfonate de sodium, principe actif du Kayexalate. Dans ces conditions et alors que ces derniers éléments ne sont pas contestés, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à sa pathologie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11.
12. En dernier lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que M. B... ait sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet ne s'étant pas, par ailleurs, prononcé sur l'opportunité d'admettre l'intéressé au séjour sur ce fondement, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
14. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
15. Pour les motifs exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
18. Dès lors qu'il n'est pas établi, pour les motifs exposés au point 10, que M. B... ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur er en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC01792 2