Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 20 janvier 2021 lui refusant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
Par un jugement n° 2102970 du 6 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2023 et 18 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2021 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de le faire bénéficier de l'allocation pour demandeur d'asile entre le 15 avril 2016 et le 31 mai 2017, mois suivant la notification de l'arrêté de la Cour nationale du droit d'asile octroyant le statut de réfugié, sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 400 euros TTC, au bénéfice de son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît le principe du contradictoire et ce, en violation de l'article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien personnel de vulnérabilité par un agent qualifié de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans un délai raisonnable et que l'office n'a pas tenu compte de ses problèmes psychologiques ;
- il n'a pas bénéficié de l'information prévue à l'article R. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'administration a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa demande d'asile n'était pas tardive car elle a été présentée le 6 juin 2012 ;
- il a obtenu le statut de réfugié le 18 janvier 2017, sa demande d'asile n'était pas tardive et l'administration a commis une erreur de fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais, né en 1983, est entré en France, selon ses dires, en juin 2012. Il a déposé une première demande d'asile le 11 juin 2012 et a été placé en procédure Dublin puis transféré en Espagne en mars 2013. Il est entré irrégulièrement en France le 15 juin 2013 et a de nouveau sollicité l'asile le 15 avril 2016. Sa demande d'asile a été placée en procédure accélérée. Par une lettre du 23 août 2016, notifiée le 23 septembre 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par un jugement du 13 février 2020, le tribunal a annulé la décision du 23 août 2016 et enjoint au directeur général de l'OFII de réexaminer la situation de M. A.... Par une lettre du 20 janvier 2021, le directeur général de l'OFII lui a de nouveau refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. M. A... relève appel du jugement n° 2102970 du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 20 janvier 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 janvier 2021 :
2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et applicable au litige : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...) / 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2.(...) ".
3. Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.
4. La nouvelle demande d'asile de M. A... ayant été enregistrée au guichet unique de la préfecture le 15 avril 2016, sa situation reste ainsi régie par les dispositions de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015.
5. En premier lieu, la décision attaquée fait apparaitre les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle mentionne notamment que le requérant a enregistré sa demande d'asile deux ans et dix mois après son arrivée en France et vise les articles L. 744-8 et L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, elle précise que l'évaluation de sa situation personnelle ne fait pas apparaitre de facteur particulier de vulnérabilité au sens de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La décision de suspension, de retrait ou de refus de l'allocation est écrite, motivée et prise après que l'allocataire a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Lorsque le bénéfice de l'allocation a été suspendu, l'allocataire peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. La reprise du versement intervient à compter de la date de la décision de réouverture ".
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 15 avril 2016, le directeur de l'OFII a informé le requérant de son intention de lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au motif que, sans raison légitime, il s'est maintenu irrégulièrement en France durant plus de cent vingt jours sans présenter de demande d'asile et lui a accordé un délai de quinze jours pour présenter ses observations. L'intéressé a alors présenté ses observations par lettre du 7 juin 2016. Par ailleurs, si le jugement du 13 février 2020 du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 23 août 2016 par laquelle l'OFII a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. A... et a enjoint à cet office de réexaminer la situation de ce dernier, l'administration n'avait aucune obligation de reprendre, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait, l'intégralité de la procédure qui n'était pas viciée. Par ailleurs, l'intéressé n'invoque aucune circonstance qui aurait justifié de recueillir à nouveau ses observations. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la première décision de refus des conditions matérielles d'accueil du 23 août 2016 a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 février 2020 au motif que le requérant n'avait pas bénéficié préalablement à celle-ci d'un entretien d'évaluation et de vulnérabilité. En exécution de l'injonction prononcée par l'article 2 de ce jugement, il appartenait à l'OFII de réexaminer les droits du requérant aux conditions matérielles d'accueil. Le directeur de l'OFII a procédé à cet examen au regard des termes de la décision le 20 janvier 2021, après avoir évalué la vulnérabilité du requérant dans le cadre d'un entretien effectué le 14 octobre 2020 par une " auditrice asile ". Cette fiche d'évaluation du 14 octobre 2020 ne relève aucun problème de santé particulier. Si le requérant fait valoir des problèmes de santé et un suivi psychologique très soutenu entre 2012 et 2016, il n'a fait part d'aucun document médical pouvant attester de ces difficultés, qui au demeurant concernent pour l'essentiel une période antérieure à l'enregistrement de sa nouvelle demande d'asile. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que son entretien personnel de vulnérabilité effectué le 14 octobre 2020 n'a pas été réalisé dans un délai raisonnable par un agent qualifié de l'office, ni que l'OFII n'a pas pris en compte son état de santé. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 744-6 précité doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile " dans sa version applicable au litige : " I.- Les modalités de refus ou de réouverture des conditions matérielles d'accueil sont précisées par l'office lors de l'offre de prise en charge dans une langue que le demandeur d'asile comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. (...) ".
11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé l'intéressé d'une garantie.
12. Si le requérant fait valoir qu'il n'a pas été informé des modalités de refus ou de réouverture des conditions matérielles d'accueil, ce que conteste l'OFII sans toutefois produire de justificatif pour établir le contraire, cette circonstance ne saurait en tout état de cause être regardée, en l'espèce, comme ayant privé le requérant d'une garantie ou comme étant de nature à avoir exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse dès lors que le refus de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été pris en raison de la tardiveté du dépôt de sa demande d'asile. Le moyen doit être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...)3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2.(...) ". Aux termes des dispositions de l'article D. 744-37 du même code : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration : 1° En cas de demande de réexamen de la demande d'asile ; 2° Si le demandeur, sans motif légitime, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 ". Aux termes des dispositions du 3° du III de l'article L. 723-2 du même code : " (...)L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : (...) / 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France ; (...). ".
14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant a déposé une première demande d'asile en France le 11 juin 2012 et a été placé en procédure Dublin. Il a été transféré en mars 2013 aux autorités espagnoles, lesquelles étaient tenues de lui assurer les conditions matérielles d'accueil à compter de ce transfert. S'il est entré irrégulièrement en France le 15 juin 2013, il est constant qu'il n'a sollicité de nouveau l'asile que le 15 avril 2016, soit à une date à laquelle la France était devenue compétente en application du règlement n° 604/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et à laquelle les autorités espagnoles ne pouvaient plus être considérées comme responsables de sa demande en application des critères du règlement précité. Cette demande d'asile, qui a été enregistrée au guichet unique le 15 avril 2016, en procédure accélérée, et sous le statut " première délivrance ", doit ainsi être regardée comme une nouvelle demande d'asile qui devait être déposée dans le délai de cent vingt jours suivant l'entrée de l'intéressé sur le territoire français. L'intéressé ne peut sérieusement soutenir, pour les besoins de la cause, que la preuve de son entrée en France n'est pas établie alors qu'il a déclaré y être entré à nouveau en 2013. Par suite, sa demande d'asile enregistrée le 15 avril 2016 a été présentée au-delà du délai de cent vingt jours suivant son entrée en France. Le requérant qui a d'ailleurs explicitement mentionné dans un courrier du 7 juin 2016 avoir attendu, sur les conseils d'un avocat, dix-huit mois avant de solliciter de nouveau l'asile, ne justifie par aucun motif légitime le non-respect du délai légal. Il s'ensuit que l'OFII n'a pas commis d'erreur de fait, d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.
15. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Chebbale.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe Président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
2
N° 23NC02361