Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 avril 2022 mettant fin aux conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait.
Par un jugement n° 2203499 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 27 avril 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'OFII de lui faire bénéficier de l'allocation pour demandeur d'asile avec effet au 27 avril 2022 jusqu'au 31 juillet 2023, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros toutes taxes comprises au bénéfice de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation car elle ne tient pas compte de sa situation de vulnérabilité ;
- l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur la base duquel la décision litigieuse a été prise, n'est pas conforme à la directive 2013/33/UE.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle se borne à reproduire les moyens figurant dans le mémoire de première instance ;
- en tout état de cause, les moyens ne sont pas fondés ;
- la décision litigieuse pouvait également être fondée sur l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il sollicite en cas de besoin, cette substitution de base légale, laquelle ne prive Mme A... d'aucune garantie.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 2 décembre 1985, est entrée en France à une date indéterminée. Sa demande d'asile a été enregistrée le 19 octobre 2021. Par une décision du même jour, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a accordé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par une lettre du 26 novembre 2021, l'OFII a informé la requérante qu'elle disposait d'un délai de cinq jours pour se présenter à l'hébergement pour demandeur d'asile qui lui était proposé. La requérante ne s'y est pas présentée. Par une lettre du 14 février 2022, l'OFII a informé l'intéressée de son intention de mettre fin aux conditions matérielles d'accueil. Par une décision du 27 avril 2022, le directeur général de l'OFII a mis fin aux conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait. Mme A... relève appel du jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 avril 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 avril 2022 :
2. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et notamment la circonstance que la requérante n'a pas rejoint le lieu d'hébergement vers lequel elle a été orientée dans le délai de cinq jours qui lui était imparti et que sa situation personnelle et familiale a été examinée. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente ". L'article L. 552-8 du même code dispose que : " L'Office français de l'immigration et de l'intégration propose au demandeur d'asile un lieu d'hébergement. /Cette proposition tient compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l'évaluation des besoins et de la vulnérabilité prévue au chapitre II du titre II, ainsi que des capacités d'hébergement disponibles et de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région ". L'article L. 552-9 du même code précise que : " Les décisions d'admission dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile ainsi que les décisions de changement de lieu, sont prises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, après consultation du directeur du lieu d'hébergement, sur la base du schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et, le cas échéant, du schéma régional prévus à l'article L. 551-2 et en tenant compte de la situation du demandeur ". Aux termes de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : (...) / 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 ; (...) / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur ". Aux termes de l'article L. 551-16 du même code, dans sa version applicable au litige : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : (...) 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; (...) /. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans le cas où les conditions matérielles d'accueil initialement proposées au demandeur d'asile ne comportent pas encore la désignation d'un lieu d'hébergement, dont l'attribution résulte d'une procédure et d'une décision particulières, le refus par le demandeur d'asile de la proposition d'hébergement qui lui est faite ultérieurement doit être regardé comme un motif de refus des conditions matérielles d'accueil entrant dans le champ d'application de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non comme un motif justifiant qu'il soit mis fin à ses conditions relevant de l'article L. 551-16 du même code. Il en va ainsi alors même que le demandeur avait initialement accepté, dans leur principe, les conditions matérielles d'accueil qui lui avaient été proposées.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'OFII a mis fin, par la décision litigieuse du 27 avril 2022, aux conditions matérielles d'accueil de Mme A..., sur le fondement du 2° de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la requérante n'avait pas rejoint le lieu d'hébergement vers lequel elle avait été orientée dans les cinq jours suivant la notification de la décision du 26 novembre 2011 lui proposant un hébergement. Un tel motif qui n'est pas assimilable à un départ du lieu d'hébergement mais à un refus d'accepter l'offre d'hébergement n'entrait pas dans le champ des dispositions de l'article L. 551-16 précité mais dans celui de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Dans ses écritures en défense, qui ont été communiquées à la requérante, l'OFII fait valoir que la décision en litige aurait légalement pu être prise sur le fondement de l'article L. 551-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a demandé que cette base légale soit substituée au fondement initial. Dès lors que l'OFII, qui a entendu mettre fin aux conditions matérielles d'accueil en raison du refus de la requérante d'accepter l'offre de logement qui lui a été proposée, dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces fondements et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie, les dispositions de l'article L. 551-15 peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 551-16.
7. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les dispositions de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 est inopérant et doit être écarté.
8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante a bénéficié, à la suite de l'enregistrement de sa demande d'asile, le 19 octobre 2021, d'un entretien d'évaluation et de vulnérabilité mené en français par un agent de l'OFII avec l'aide d'un interprète. Cet entretien n'a pas mis en évidence d'éléments particuliers de vulnérabilité et la requérante n'a pas fait état de problème de santé. Si Mme A..., qui est hébergée par une famille qui l'a accueillie, se prévaut désormais de problèmes de santé liés à un état dépressif post-traumatique, les pièces qu'elle produit, notamment les certificats médicaux des 16 mai 2022 et 25 octobre 2022, n'établissent pas une situation de vulnérabilité au sens des dispositions précitées à la date de la décision contestée. Il ressort par ailleurs des motifs de la décision contestée, contrairement à ce qu'elle soutient, que l'OFII a pris en compte ses besoins et sa situation de vulnérabilité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration a commis une erreur de droit et une erreur dans l'appréciation de sa vulnérabilité.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
10. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Berry.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC01206