Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2304618 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 de la préfète Bas-Rhin lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et de lui délivrer, dans tous les cas, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros hors taxe en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen dirigé contre la décision lui refusant un titre de séjour " salarié " et ne fait aucune mention de sa situation professionnelle ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle dès lors que son dossier de demande d'autorisation de travail n'a pas été pris en compte ;
- le refus de titre est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence d'instruction de sa demande d'autorisation de travail ou, à tout le moins, de l'absence de transmission de cette demande aux services compétents ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation quant au respect de son droit au respect de la vie privée et familiale ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- en refusant une admission exceptionnelle au séjour, la préfète a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 435-1, L. 423-23, L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de transmettre à la DREETS, pour instruction préalable d'une demande d'autorisation de travail, le contrat de travail joint à la demande de titre de séjour ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 9 janvier 2025, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né en 1986, entré irrégulièrement en France en 2014, a fait l'objet le 9 octobre 2016 d'une première obligation de quitter le territoire prise à son encontre par le préfet du Bas-Rhin. Par un arrêté du 22 mai 2018, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 9 janvier 2019 puis par la cour administrative d'appel de Nancy le 4 février 2020, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sollicité sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 26 juin 2020, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 5 novembre 2020, la préfète du Bas-Rhin lui a de nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le même fondement et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 27 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l' arrêté du 1er juin 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité le 16 janvier 2023 sur le fondement des articles 6-5° et 7b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui a fait obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. B... fait valoir que le jugement ne se prononce pas sur son admission au séjour par le travail et ne fait aucune mention de sa situation professionnelle, il ressort toutefois du dossier de première instance qu'il n'a soulevé aucun moyen en ce sens. Le jugement n'est ainsi entaché d'aucune omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. B... avant de prendre la décision contestée. Notamment si le requérant soutient qu'il a produit une demande d'autorisation de travail qu'il produit au dossier, celle-ci est signé du représentant légal de la société Streetmove. Par suite, la mention dans l'arrêté contesté selon laquelle il n'a pas justifié qu'une demande d'autorisation de travail ait été souscrite par son employeur, la société OneWay, dans les conditions prévues aux articles R.5221-12 et suivants du code du travail ne suffit pas à caractériser un tel défaut d'examen. Le moyen doit dès lors être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7,7bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code dans sa version alors applicable : " I.- Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) ". Aux termes de l'article R5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. ".
6. Les dispositions précitées du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Le préfet saisi d'une telle demande est tenu de la faire instruire et ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. Toutefois, aucune stipulation de l'accord franco-algérien ni aucune disposition législative ou réglementaire n'imposent au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance du certificat de résidence.
7. D'une part, il est constant que M. B..., qui ne se prévaut d'aucun visa de long séjour, se maintient en situation irrégulière depuis son entrée en France. Il en résulte que le moyen tiré du vice de procédure lié à l'absence d'instruction de sa demande d'autorisation de travail ou de l'absence de transmission de cette demande aux services compétents doit être écarté. D'autre part, en l'absence de production d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou d'une autorisation de travail, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations précitées de l'article 7 de l'accord franco-algérien.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. B... fait valoir qu'il réside depuis 2014 en France et se prévaut de la présence en France de ses trois enfants nés en 2016, 2020 et 2021 et de la scolarisation de l'ainé, en classe de cours préparatoire (CP) à la date de la décision attaquée. Si l'intéressé justifie de l'exercice d'une activité professionnelle depuis 2020, il n'apporte aucun autre élément pour établir son intégration dans la société française. Par ailleurs, s'il indique vivre de nouveau avec sa compagne de nationalité algérienne il est constant que celle-ci est également visée par une mesure d'éloignement. Enfin, alors qu'il n'établit pas avoir quitté l'Algérie à l'âge de sept ans, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses deux parents et ses sœurs. Dans ces circonstances, malgré la durée de sa présence en France et alors que la cellule familiale peut se reconstituer en Algérie et les enfants y poursuivre leur scolarité, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris le refus de séjour en litige. Par suite, le refus de titre contesté ne méconnaît ni les stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En quatrième lieu, dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, M. B... ne peut utilement invoquer les dispositions des articles L. 435-1, L. 423-23, L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
11. En cinquième lieu, au regard de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé rappelée au point 9, la préfète du Bas-Rhin n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation au bénéfice de M. B....
12. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre. De même, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULa présidente,
Signé : S. BAUERLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03221 2