Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2023 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400242 du 18 avril 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2024, M. A..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400242 du 18 avril 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2023 du préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler, et de lui délivrer un récépissé, au besoin sous astreinte, dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- les décisions attaquées sont entachées d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;
- en considérant qu'il ne justifiait pas de son identité dans les conditions prévues à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions d'octroi du titre de séjour prévu à l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée quant à sa durée.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, déclare être né le 31 décembre 2003 et être entré en France en juin 2019. Il a alors été pris en charge par le département de la Moselle jusqu'à sa majorité. Le 24 mars 2022, au cours de l'année suivant son dix-huitième anniversaire, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger ayant été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans. Par un arrêté du 13 décembre 2023, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 18 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. En premier lieu, il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement contesté pour écarter le moyen, repris en appel dans des termes similaires, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte.
3. En deuxième lieu, les décisions contestées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des décisions attaquées que le préfet de la Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé.
5. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
8. Il résulte également de ces dispositions que, d'une part, dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour, les services préfectoraux sont en droit d'exiger que, sauf impossibilité qu'il lui appartient de justifier, l'étranger produise à l'appui de cette demande les originaux des documents destinés à justifier de son état civil et de sa nationalité et non une simple photocopie de ces documents et, d'autre part, l'administration peut mettre en œuvre des mesures de vérification et faire procéder à des enquêtes pour lutter contre la fraude documentaire des étrangers sollicitant un titre de séjour.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit, à l'appui de sa demande d'admission au séjour, les copies d'un extrait du jugement supplétif d'acte de naissance et d'un acte de naissance dressé suivant ce jugement supplétif, une carte d'identité consulaire et un passeport. Lors de son entretien à la préfecture, il a été invité à fournir les originaux de ses documents d'état civil pour la réalisation d'une expertise technique en vue de s'assurer de leur authenticité et partant de son âge et de son identité, ce qu'il a expressément refusé de faire, ainsi que cela ressort d'un récépissé du 11 avril 2023 que l'intéressé a signé. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet de la Moselle a relevé que celui-ci s'était opposé à la remise des originaux des documents précités dont il doutait de l'authenticité en raison de grossières erreurs, notamment orthographiques, la copie de l'acte de naissance produite portant par exemple la mention dactylographiée " OFFIER " d'état civil en lieu et place de " OFFICIER ". Dès lors que l'appréciation de l'authenticité des documents justifiant de l'état civil et de la nationalité de l'étranger ne peut résulter que de l'étude des documents originaux et non de simples photocopies, le préfet de la Moselle n'a pas méconnu les dispositions précitées en demandant à l'intéressé de lui remettre provisoirement ces documents puis en considérant qu'en s'y opposant, M. A..., qui ne fait état d'aucune impossibilité et se borne à procéder par dénégation indiquant n'avoir jamais entendu refuser de produire des originaux, ne justifiait pas de son état civil.
10. Par ailleurs, si M. A... se prévaut de sa carte d'identité consulaire et de son passeport, délivrés respectivement le 14 janvier 2021 et le 23 août 2023 par les autorités consulaires maliennes après son arrivée en France, ils ne constituent pas des documents d'état civil. Il n'est de plus pas démontré que ces documents auraient été établis sur la base de documents authentiques. Dans ces conditions, la copie de l'acte de naissance produit et les pièces versées au dossier par le requérant ne sont pas de nature à établir son âge et son identité.
11. Enfin, si M. A... soutient que le préfet de la Moselle n'a pas fait application de l'article 40 du code de procédure pénale qui dispose que : " Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ", l'appréciation que porte l'autorité préfectorale sur les documents produits n'est pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, conditionnée à l'intervention du juge pénal.
12. Il résulte de ce qui vient d'être exposé aux points 5 à 11 que le requérant n'est fondé à soutenir ni que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur de droit, ni qu'il aurait fait une inexacte application des articles L. 423-22 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. A... fait valoir qu'il est entré en France en juin 2019, qu'il est titulaire notamment d'un certificat d'aptitude professionnelle de " peintre applicateur de revêtement " obtenu le 5 juillet 2023 et se prévaut également de son engagement à durée indéterminée par l'entreprise qui l'avait accueilli en apprentissage. Toutefois, outre que sa présence en France est relativement récente, le requérant n'y a aucune attache familiale alors que, selon ses propres indications, ses deux parents, sa sœur et son frère résident encore au Mali. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".
16. Compte tenu de tout ce qui précède, de l'absence de liens personnels et familiaux en France, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la durée d'un an d'interdiction de retour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, quand bien même sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, en prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 13 décembre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC01237