Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites et les arrêtés du 21 septembre 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé leur pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2302959, 2302960, 2306709, 2306710 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 23 mai 2024 sous le n° 24NC01306, Mme C..., représentée par Me Snoeckx, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302959, 2302960, 2306709, 2306710 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête, enregistrée le 23 mai 2024 sous le n° 24NC01307, M. B..., représenté par Me Snoeckx, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302959, 2302960, 2306709, 2306710 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soulève les mêmes moyens que son épouse dans la requête n° 24NC01306.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... B... et Mme A... C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 18 avril 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C..., ressortissants géorgiens nés en 1994, sont entrés pour la dernière fois en France en juin 2016, et ont vu leurs demandes d'asile rejetées. Ils ont sollicité leur admission au séjour pour raison de santé le 22 novembre 2017 et se sont vus opposés des refus assortis de mesures d'éloignement prononcées à leur encontre le 4 décembre 2018. Ils se sont maintenus sur le territoire français et ont sollicité, le 21 juillet 2022, leur admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 septembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a rejeté leur demande, les a obligés à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... et Mme C... font appel du jugement du 21 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était tenu de répondre qu'aux moyens, et non aux simples arguments du demandeur, a pris en considération l'ensemble des éléments soumis à son appréciation et a répondu par un jugement qui est suffisamment motivé à l'ensemble des moyens soulevés dans la demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les refus de titres de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Les requérants se prévalent de leur présence sur le territoire français depuis 2016, M. B... faisant, en outre, état de ce qu'il y avait irrégulièrement séjourné entre 2013 et 2015 dans le cadre de l'examen d'une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 mars 2017. Ils soutiennent également qu'ils attendent leur quatrième enfant, que leurs trois premiers enfants sont nés en France et que deux d'entre eux y sont scolarisés en CP et en petite section de maternelle. Toutefois, alors que les intéressés se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français depuis 2016, malgré le prononcé à l'encontre de chacun d'entre eux d'une mesure d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutée, ils ne justifient pas, par les éléments qu'ils produisent, de ce que la scolarisation de leurs enfants ne pourrait pas se poursuivre dans leur pays d'origine où la cellule familiale a vocation à se reconstituer. Leurs efforts d'intégration, et en particulier l'apprentissage du français ou l'investissement de M. B... au sein d'associations et d'un club de rugby, ne suffisent pas à les faire regarder comme ayant établi le centre de leurs intérêts privés et familiaux en France. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. B... s'est fait défavorablement connaître des services de police pour des faits de vol en réunion en 2019, et vol et tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance à deux reprises en septembre 2022. Dans ces circonstances, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a pris les décisions attaquées. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, les décisions attaquées ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
6. Les éléments énoncés au point 4 dont se prévalent les requérants ne suffisent pas à caractériser un motif exceptionnel ou une considération humanitaire au sens des dispositions précitées. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de mettre fin à l'unité familiale des requérants, ou de séparer les enfants de leurs parents. En outre, compte tenu de leur jeune âge, rien ne fait obstacle à ce que les enfants de M. B... et Mme C... poursuivent leur scolarité en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne les décisions portant refus de délai de départ volontaire :
10. Il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 14 du jugement contesté pour écarter le moyen, repris en appel dans des termes similaires, tiré de ce que la préfète aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de leur accorder un délai de départ volontaire ou entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle sur ce point.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre des décisions fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 21 septembre 2023. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. B... et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et Mme A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC01306, 24NC01307