Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Institut de biotechnologie Jacques Boy a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat, le cas échéant, solidairement avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) à lui verser une indemnité de 5 492 335 euros au titre des préjudices causés par le retard d'inscription de la détermination prénatale du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes et prestations de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019 ou, à défaut, de mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction afin de déterminer la nature et d'évaluer le montant de ces préjudices et de mettre à la charge de l'Etat, le cas échéant, solidairement avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000939 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de l'Institut de biotechnologie Jacques Boy.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2021 l'Institut de biotechnologie Jacques Boy, représenté par Me Seno, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er octobre 2021 ;
2°) de condamner l'Etat, le cas échéant, solidairement avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) à lui verser une indemnité de 3 231 115 euros au titre du manque à gagner relatif au kit " Free DNA fœtal RhD " non vendus durant la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 24 mai 2017, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019 ;
3°) de condamner l'Etat, le cas échéant, solidairement avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) à lui verser une indemnité de 385 034 euros au titre des redevances versées à la société ISIS Innovation en application de la licence exclusive d'exploitation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019 ;
4°) de condamner l'Etat, le cas échéant, solidairement avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) à lui verser une indemnité de 1 876 186 euros au titre des pertes d'exploitation durant la période comprise entre janvier 2014 et mai 2017, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, le mémoire produit par l'UNCAM le 13 septembre 2013 ayant été visé et analysé dans les visas du jugement sans lui avoir été communiqué ; à supposer que le tribunal ne se soit pas fondé sur des éléments de ce mémoire pour rejeter la requête, il a alors statué ultra petita ; le tribunal a statué ultra petita en se prononçant sur la question de l'inscription d'office du procédé " Free DNA fœtal RhD " sur la liste des actes de biologie médicale pris en charge par l'assurance maladie ;
- le tribunal a procédé à une appréciation manifestement erronée des faits de l'espèce en ne retenant aucune faute en dépit du délai anormalement long d'inscription du diagnostic prénatal du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes pris en charge par l'assurance maladie et de l'abstention fautive d'inscription d'office par le ministre chargé de la santé et l'UNCAM sur cette liste ; le tribunal a également procédé à une appréciation manifestement erronée des faits de l'espèce en écartant la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- il a subi un préjudice économique qui doit être indemnisé.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2023 l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Institut de biotechnologie Jaques Boy en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conclusions indemnitaires dirigées contre elle sont irrecevables et conclut au rejet de la requête
La requête a été communiqué au ministre de la santé et de l'accès aux soins qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Berrebi, avocat de l'Institut de biotechnologie Jaques Boy, ainsi que celles de Me Falala, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM).
Considérant ce qui suit :
1. L'Institut de biotechnologies Jacques Boy a commercialisé un dispositif médical de diagnostic in-vitro permettant de déterminer le rhésus du fœtus par une méthode non invasive de recherche du gêne RhD dans le sang maternel. Le Centre national de référence en hémobiologie périnatale, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français ainsi que le laboratoire Cerba ont saisi la Haute Autorité de Santé en vue de l'évaluation du dispositif de détermination prénatale du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel. Le 26 janvier 2011, la Haute autorité de santé a émis un avis favorable à l'inscription de l'acte sur la liste des actes et prestations de biologie médicale pris en charge par l'assurance maladie, prévue à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. La commission de hiérarchisation des actes de biologie médicale (CHAB) a nommé en novembre 2012 un groupe de travail chargé d'élaborer un projet d'inscription de cet acte à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM). Le libellé de l'acte a été présenté à la CHAB le 27 mars 2014, qui a rendu son avis le 24 janvier 2017. Le 24 mai 2017, l'UNCAM a décidé d'inscrire l'acte à la nomenclature des actes et prestations de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie. Le ministre de la santé ne s'est pas opposé à cette inscription qui a été rendue publique le 22 juin 2017 au Journal officiel de la République française. L'Institut de biotechnologies Jacques Boy a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat, solidairement avec l'UNCAM, à lui verser une indemnité d'un montant total de 5 492 335 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison du retard d'inscription sur la liste des actes et prestations de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie du test permettant la détermination prénatale du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel. L'Institut de biotechnologies Jacques Boy relève appel du jugement du 1er octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Si l'article R. 611-1 du code de justice administrative prescrit l'obligation de communiquer tout mémoire contenant des éléments nouveaux, et si la méconnaissance de cette obligation est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité, il en va autrement dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. L'Institut de biotechnologie Jacques Boy a invoqué le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat et de l'UNCAM pour la première fois devant le tribunal administratif par un mémoire enregistré le 15 juillet 2021 communiqué à l'Etat et à l'UNCAM. Si, en dépit de la mention erronée de cette communication dans les visas du jugement, le mémoire en défense de l'UNCAM enregistré le 13 septembre 2021 n'a pas été communiqué à l'Institut de biotechnologie Jacques Boy, il résulte cependant de l'instruction que le tribunal, qui a exercé son office en recherchant si les conditions relatives à la mise en œuvre de ce fondement de responsabilité de l'Etat étaient ou non remplies en l'espèce, ne s'est pas fondé sur les éléments de ce mémoire pour écarter le fondement de responsabilité sans faute alors que les premiers juges avaient au préalable rejeté les conclusions dirigées contre l'UNCAM comme irrecevables. Dans ces conditions, l'absence de communication par le tribunal du mémoire de l'UNCAM enregistré le 13 septembre 2021 à l'Institut de biotechnologie Jacques Boy n'a pas préjudicié à ses droits et le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire doit être écarté.
4. En deuxième lieu, en répondant au moyen soulevé par l'Institut de biotechnologie Jacques Boy tiré de ce que la non inscription d'office par le ministre chargé de la santé du test permettant la détermination prénatale du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes et prestations de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, le tribunal administratif n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu en appel, statué ultra petita.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'UNCAM :
5. L'Institut de biotechnologie Jacques Boy ne conteste pas que, comme l'a estimé le tribunal administratif, ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'UNCAM sont, en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, irrecevables en l'absence de demande préalable et de liaison du contentieux à son égard. Par suite, ses conclusions tendant à ce que l'UNCAM soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l'inscription tardive du test permettant la détermination prénatale du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes et prestations de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :
S'agissant de la responsabilité pour faute de l'Etat :
Quant à la faute de l'Etat relative au délai d'inscription du diagnostic prénatal du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes pris en charge par l'assurance maladie :
6. Aux termes de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, " La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation. (...). La hiérarchisation des prestations et des actes est établie dans le respect des règles déterminées par des commissions créées pour chacune des professions dont les rapports avec les organismes d'assurance maladie sont régis par une convention mentionnée à l'article L. 162-14-1. Ces commissions, présidées par une personnalité désignée d'un commun accord par leurs membres, sont composées de représentants des syndicats représentatifs des professionnels de santé et de représentants de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Un représentant de l'Etat assiste à leurs travaux. / Les conditions d'inscription d'un acte ou d'une prestation, leur inscription et leur radiation sont décidées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire. L'avis de la Haute Autorité de santé n'est pas nécessaire lorsque la décision ne modifie que la hiérarchisation d'un acte ou d'une prestation. A la demande du collège, l'avis de la Haute Autorité de santé peut être préparé par la commission spécialisée mentionnée à l'article L. 165-1 / Les décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie sont réputées approuvées sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (...).
7. L'Institut de biotechnologie Jacques Boy fait valoir que durant la période considérée, le délai d'inscription d'un acte ou d'une prestation sur la liste des actes de biologie médicale pris en charge par l'assurance maladie par l'UNCAM pouvait être estimé, en moyenne, à trois ans à compter de l'avis émis par la Haute Autorité de Santé en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, alors qu'un délai de six années s'est écoulé entre l'avis favorable à cette inscription de la Haute autorité de santé le 26 janvier 2011 et l'inscription effective réalisée le 22 juin 2017. L'Institut de biotechnologie Jacques Boy soutient que ce retard est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
8. Il résulte de l'instruction que ce délai de six années résulte, d'une part, des conditions de renouvellement de la composition de la commission de hiérarchisation des actes de biologie médicale (CHAB) prévue au deuxième alinéa de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, laquelle doit être consultée par l'UNCAM au stade de l'évaluation technique et scientifique d'un acte de biologie médicale en vue de sa hiérarchisation, cette commission étant notamment composée d'organisations syndicales des personnels de santé reconnues représentatives au niveau national par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. En effet, alors que la convention nationale des directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales conclue le 30 septembre 1994, approuvée par arrêté du même jour et publiée au Journal officiel du 14 octobre 1994, reconduite tacitement tous les cinq ans, arrivait à échéance en 2014, au terme de l'enquête de représentativité conduite entre le neuvième mois et le sixième mois précédant cette échéance conventionnelle, conformément aux dispositions des articles L. 162-33 et R. 162-54 du code de la sécurité sociale qui confient cette mission à l'Etat, le syndicat des jeunes biologistes médicaux a été reconnu représentatif. Cette reconnaissance a rendu nécessaire l'adhésion de ce nouveau syndicat représentatif à la convention nationale des directeurs de laboratoires privés d'analyses médicale le 22 octobre 2015, adhésion publiée le 28 novembre 2015 au Journal officiel ainsi que l'insertion d'un avenant n° 7 à cette même convention, conclu le 7 novembre 2016 entérinant la modification de la répartition des sièges au sein de la CHAB. A l'issue de ces modifications, dont l'Institut de biotechnologie Jacques Boy requérant n'établit pas, ni même ne soutient, qu'elles auraient eu une durée excessive du fait d'une carence imputable à l'Etat, la commission de hiérarchisation des actes de biologie médicale nouvellement composée a émis son avis dès le 24 janvier 2017. L'inscription du test permettant le diagnostic prénatal du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes de biologie médicale pris en charge par l'assurance maladie a été décidée par l'UNCAM dès le 24 mai 2017, inscription à laquelle le ministre de la santé ne s'est pas opposé.
9. D'autre part, si l'Institut de biotechnologie Jacques Boy requérant fait valoir que le retard d'inscription sur la liste des actes de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie résulte également des avis défavorables puis réservés émis par la CHAB les 13 juin 2014, 18 novembre 2014 et 8 septembre 2015 en soutenant que la teneur de ces avis résulterait d'une volonté de certains de ses membres d'en bloquer le fonctionnement, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à raison d'éventuels dysfonctionnements d'une commission paritaire chargée d'établir les règles de hiérarchisation des prestations et des actes en vue d'une décision prise par l'UNCAM, le représentant de l'Etat se bornant à assister aux travaux de cette commission. Au demeurant, il résulte également de l'instruction que l'avis de la Haute autorité de santé du 26 janvier 2011 recommandait d'attendre les résultats d'une étude complémentaire dite " GENIFERh " pour confirmer la fiabilité du procédé et l'absence de risque de " faux négatifs ".
10. Il résulte ce qui précède que le délai de six années écoulé entre l'avis favorable de la Haute autorité de santé d'inscription et l'inscription de la détermination prénatale du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes et prestations de biologie médicale remboursés par l'assurance maladie ne résulte d'aucune faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité.
Quant à la faute de l'Etat résultant de l'absence d'inscription d'office du diagnostic prénatal du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes de biologie médicale pris en charge par l'assurance maladie :
11. Aux termes de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le ministre chargé de la santé peut procéder d'office à l'inscription ou à la radiation d'un acte ou d'une prestation pour des raisons de santé publique par arrêté pris après avis de la Haute Autorité de santé. Dans ce cas, il fixe la hiérarchisation de l'acte ou de la prestation dans le respect des règles mentionnées ci-dessus. Les tarifs de ces actes et prestations sont publiés au Journal officiel de la République française (...) ".
12. Aux termes de l'article L. 162-1-8 du code dans sa rédaction applicable à partir du 25 décembre 2013 " En l'absence de hiérarchisation par les commissions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 162-1-7, dans un délai qui ne peut être supérieur à cinq mois à compter de la transmission à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de l'avis de la Haute Autorité de santé mentionné au troisième alinéa du même article et de l'évaluation mentionnée au deuxième alinéa du présent article, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie peut procéder à la hiérarchisation d'un acte dont le service attendu est suffisant, lorsqu'il appartient à l'une ou l'autre des catégories mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 162-1-7-1, sans relever des actes mentionnés au premier alinéa du même article. / (...) / Lorsqu'il est fait usage de la faculté prévue au premier alinéa du présent article, la décision d'inscription de cet acte est adressée par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale dans un délai maximal de trente jours à compter de l'expiration du délai mentionné à ce même premier alinéa. / En l'absence de décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie dans le délai mentionné au deuxième alinéa, l'Union en informe les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et en précise les motifs. ". Aux termes de l'article L. 162-1-7-1 dans sa version applicable au litige : " Les règles de hiérarchisation des actes effectués par les biologiste-responsable et biologistes coresponsables mentionnés à l'article L. 162-14 sont arrêtées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie après avis de la commission mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 162-1-7. (...) ".
13. D'une part, il résulte de l'instruction que, si le Collège national des gynécologues obstétriciens français avait relevé dès novembre 2005 l'intérêt d'un génotypage fœtal rhésus D en vue de diminuer le nombre d'injections d'immunoglobulines et d'éviter un risque de contracter l'hépatite C pour les femmes concernées, l'inscription de cet acte au nombre de ceux pris en charge par l'assurance maladie ne présentait toutefois qu'un intérêt modéré pour la santé publique en l'état des informations dont disposait l'Etat durant l'évaluation de ce dispositif. La CHAB avait en effet émis des avis défavorables à l'inscription de l'acte en 2014 puis un avis favorable mais contrasté en septembre 2015 au motif que la réalisation des tests sanguins était réservée aux laboratoires spécialisés bénéficiant d'un agrément en vue de la réalisation de diagnostics prénataux et que les coûts évités pour la sécurité sociale n'étaient pas assez importants. En outre, dans son avis du 26 janvier 2011, la Haute autorité de santé avait préconisé d'actualiser l'évaluation de l'efficacité du test compte tenu d'un risque de résultats discordants ou des faux négatifs, les résultats de l'étude dite " GENIFERh " destinée à mesurer l'efficacité des tests sanguins dit A... hors laboratoire spécialisé n'étaient pas encore connus à la fin de l'année 2015, de sorte que le ministre ne disposait pas d'assurances suffisantes sur le contrôle de qualité des tests A..., ni sur le coût de prise en charge des patientes au rhésus D négatif. Ainsi, quand bien même le ministre chargé de la santé peut, sur le fondement de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, se substituer à l'UNCAM pour procéder à l'inscription d'office d'un acte sur la liste de ceux remboursés par l'assurance maladie pour un motif impérieux de santé publique, les informations dont il disposait sur le diagnostic prénatal du génotype RhD ne caractérisaient pas l'existence d'un tel motif justifiant la mise en œuvre de ce pouvoir. Enfin, la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, qui ne confèrent une possibilité de procéder à l'inscription d'office en l'absence de hiérarchisation de la CHAB qu'au profit de l'UNCAM ne saurait, en tout état de cause, engager la responsabilité de l'Etat.
14. Il résulte de ce qui précède que l'absence d'inscription d'office du diagnostic prénatal du génotype RhD fœtal à partir du sang maternel sur la liste des actes remboursés par la sécurité sociale ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
S'agissant de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques :
15. L'Institut de biotechnologies Jacques Boy fait valoir que le délai anormalement long d'inscription du test de dépistage du RhD fœtal sur la liste des actes pris en charge par l'assurance maladie lui a occasionné un préjudice grave et spécial constitutif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques caractérisé par un important manque à gagner, le paiement de redevances forfaitaires au titre de la licence d'exploitation exclusive du brevet qu'elle avait acquis auprès de la société ISIS Innovation ainsi que les pertes d'exploitation qu'il a subies. Il résulte cependant de l'instruction que la faible croissance d'activité de l'Institut de biotechnologies Jacques Boy durant la période comprise entre 2013 et 2017 et le " retour sur investissement dans un délai supérieur à trois ans " n'ont pas excédé les aléas économiques normaux auxquels est exposée une entreprise spécialisée dans la conception et la vente de dispositifs médicaux innovants. Par suite les dommages allégués par l'Institut de biotechnologies Jacques Boy ne présentent pas un caractère grave ou spécial susceptible d'ouvrir droit à indemnisation pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.
16. Il résulte de tout ce qui précède que l'Institut de biotechnologie Jacques Boy n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 1er octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'UNCAM et de l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que l'Institut de biotechnologie Jacques Boy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Institut de biotechnologie Jacques Boy une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'UNCAM et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'Institut de biotechnologie Jacques Boy est rejetée.
Article 2 : L'Institut de biotechnologie Jacques Boy versera à l'UNCAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Institut de biotechnologie Jacques Boy, à l'UNCAM et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
2
N° 21NC03092