Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 28 juillet 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.
Par un jugement n° 2306229, 2306230 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2024, M. D... B... et Mme A... C... épouse B..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 28 juillet 2023 de la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer leur situation et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour leur permettant de travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- les refus de titre contestés sont entachés d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- ces décisions sont entachées d'erreur de fait dès lors que leur enfant était âgé de cinq ans et cinq mois et était scolarisé depuis deux ans ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur leurs situations personnelles ;
- les obligations de quitter le territoire sont illégales par exception d'illégalité des refus de titre ;
- elles sont insuffisamment motivées en fait ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur leurs situations personnelles. ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales par exception d'illégalité des décisions de refus de titre et des obligations de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- elle aurait pris la même décision en ne commettant pas d'erreur sur l'âge de l'enfant ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... et Mme C... épouse B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C... épouse B..., de nationalité géorgienne, demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2023 rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 28 juillet 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière des requérants avant de prendre les décisions contestées. Notamment, la mention que leur enfant serait âgé de 4 ans au lieu de 5 ans ne caractérise pas un tel défaut. De même, il ressort des demandes de titre de séjour formulées le 19 juillet 2022 que celles-ci ne portaient que la mention " vie privée et familiale ", ce qui rend sans incidence l'absence de mention précise, dans les arrêtés contestés, de leur expérience professionnelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B..., de nationalité géorgienne, sont entrés en France en mars 2017. Ils ont un fils né en France le 14 février 2018. Leurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 18 juin 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 novembre 2018. Mme B... s'est vu refuser, le 10 mars 2021, le titre de séjour qu'elle avait sollicité le 13 septembre 2018 sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir son état de santé, refus assorti d'une obligation de quitter le territoire. De même, M. B... s'est vu refuser, le 13 août 2021, le titre de séjour qu'il avait sollicité le 27 novembre 2020 sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir son état de santé, refus également assorti d'une obligation de quitter le territoire. S'ils justifient de la scolarisation de leur enfant, de leur intégration professionnelle et associative et de leur apprentissage du français, ils disposent d'attaches familiales en Géorgie où résident leurs parents et leurs frères et sœurs et rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale s'y reconstitue, alors notamment que, au regard de son jeune âge, il n'est pas établi que leur enfant ne pourrait pas y poursuivre une scolarité normale. Par suite et alors qu'ils se sont soustraits à l'obligation de quitter le territoire français qui leur a été faite en 2021, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a pris les refus de titre de séjour en litige. Compte tenu des circonstances qui viennent d'être analysées, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'elle n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur de leur enfant. Par suite, les décisions contestées ne méconnaissent ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elles ne sont, pour les mêmes motifs, entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation de leurs situations personnelles au regard du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel dont dispose l'autorité préfectorale.
5. S'il est constant que les arrêtés contestés sont entachés d'une erreur de fait tenant à l'âge de l'enfant de M. et Mme B..., qui était âgé non pas de 4 ans mais de 5 ans à la date des décisions contestées, il résulte de l'instruction que la préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné exactement sa naissance en 2018, aurait pris les mêmes décisions si elle ne s'était pas fondée sur le motif relatif à ce fait erroné, qu'il y a lieu, par suite, de neutraliser.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont illégales par exception d'illégalité des refus de titre de séjour.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les décisions attaquées, prises sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 de ce code, n'ont pas à faire l'objet de motivations distinctes de celles des décisions de refus de titre de séjour, lesquelles comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les moyens tirés du défaut de motivation en fait doivent par suite être écartés.
8. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, les moyens triés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle des requérants doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont illégales par exception d'illégalité des refus de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 28 juillet 2023 de la préfète du Bas-Rhin, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 24NC00028 2