Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 10 novembre 2021 par laquelle le conseil municipal d'Herpont a refusé de leur céder une emprise sur le chemin communal jouxtant la parcelle C 305.
Par un jugement n° 2200181 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Malblanc, demandent à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2200181 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2023 ;
2°) d'annuler la délibération du 10 novembre 2021 par laquelle le conseil municipal d'Herpont a refusé de leur céder une emprise sur le chemin communal jouxtant la parcelle C 305 ;
3°) d'enjoindre au conseil municipal d'Herpont de réexaminer leur demande d'acquisition ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Herpont la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé car il n'a pas cité l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, concernant le conflit d'intérêts alors qu'il l'avait mentionné dans leurs premières écritures ;
- l'ordre du jour sur lequel le conseil municipal a délibéré le 10 novembre 2021 est entaché d'irrégularités au regard de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales :
. la demande d'acquisition litigieuse n'était pas mentionnée dans l'ordre du jour joint à la convocation mais classée en " questions diverses " ; les conseillers municipaux n'ont donc pas été suffisamment renseignés pour débattre et délibérer sur le rapport intitulé " bornage C 305 " alors qu'il s'agissait d'une demande importante de cession d'une emprise immobilière ;
- la délibération a été adoptée à l'issue d'un vote irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 2121-20 alinéa 2 du code général des collectivités territoriales : contrairement à ce qu'indique la délibération selon laquelle elle a été " adoptée avec l'assentiment unanime de tous les conseillers municipaux présents ", il ressort des procès-verbaux d'audition de la gendarmerie qu'il n'y a pas eu de vote ;
- l'un des conseillers municipaux était, en sa qualité de membre de la famille des requérants, en situation de conflit d'intérêts, ce qui s'opposait à sa participation à la délibération en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2023, la commune d'Herpont, représentée par Me Choffrut de la SELARL Le Cab Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge des époux C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il était expressément fait état du problème du bornage de la parcelle C 305 dans la rubrique " questions diverses " de la convocation du conseil municipal du 10 novembre 2021 de sorte que les conseillers municipaux savaient que ce point allait être débattu lors du conseil municipal ;
- les auditions faites dans le cadre de la plainte pénale, que les requérants avaient déposée, confirment que le sujet a été débattu et que tous les présents étaient opposés à la cession lors de la séance du conseil municipal ;
- il n'est pas justifié de l'existence d'un conflit d'intérêts à la date de la délibération litigieuse ; d'ailleurs ce conflit d'intérêts n'était pas invoqué antérieurement à la seconde délibération du 10 mars 2023, laquelle a constitué un nouveau prétexte pour les requérants pour soulever ce nouveau moyen.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public ;
- et les observations de Me Coissard, substituant Me Malblanc, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Les époux C..., propriétaires d'une parcelle inscrite au cadastre de la commune d'Herpont sous le numéro C 305, ont demandé au maire, par un courrier du 3 août 2021, de soumettre au conseil municipal une proposition tendant à acquérir une parcelle communale de 24 mètres carrés attenante à leur propriété. Les époux C..., qui ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 10 novembre 2021 par laquelle le conseil municipal d'Herpont a rejeté cette proposition d'acquisition, font appel du jugement du 4 juillet 2023, par lequel les premiers juges ont rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A supposer que les requérants aient entendu soulever l'irrégularité du jugement attaqué, le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments au soutien d'un moyen, a écarté, par une motivation suffisante au point 10 de son jugement, le moyen tiré de ce qu'une conseillère municipale, qui a participé au vote, était en situation de conflit d'intérêts, quand bien même il n'a pas cité les dispositions du I de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 qui définit la notion de conflit d'intérêts. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
3. Par une nouvelle délibération du 10 mars 2023, le conseil municipal d'Herpont a décidé, sans que la tante des requérants, qui en est membre, ne participe aux débats et au vote, de refuser de nouveau l'aliénation d'une partie du chemin jouxtant la parcelle C 305. Eu égard à l'ambiguïté de ses termes, cette délibération ne saurait être regardée comme retirant ou abrogeant la décision en litige du 10 novembre 2021. Dans ces conditions, la requête ayant conservé son objet, l'exception de non-lieu à statuer opposée par la commune d'Herpont en première instance doit être écartée.
Sur la légalité de la délibération du 10 novembre 2021 :
4. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la convocation qui a été adressée aux conseillers municipaux pour la séance du 10 novembre 2021 comportait différents points à l'ordre du jour, parmi lesquels ne figurait pas la cession d'une parcelle communale aux époux C..., ainsi qu'un point relatif aux " questions diverses ", parmi lesquelles était mentionné " bornage C 305 ". Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette mention, compte tenu du courrier du 15 juillet 2021 qu'ils avaient transmis à l'ensemble des membres du conseil municipal de la commune, relatif à leur projet d'acquisition de la parcelle C 305 et mentionnant précisément leur difficulté de bornage de la parcelle C 305, et auquel étaient annexés le plan de bornage et le plan des parcelles en cause, était suffisante pour informer les conseillers municipaux de l'objet de la délibération et leur permettre, le cas échéant, de solliciter des informations complémentaires. En outre, si la cession de la parcelle C 305 a été mentionnée dans les questions diverses, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la délibération en litige dès lors que la mention était suffisamment explicite, ainsi que cela vient d'être indiqué, pour permettre aux conseillers de connaître l'objet de la délibération, et que, de surcroît, la cession portait sur une fraction très réduite du domaine public. Par suite, et alors que les conseillers municipaux ont disposé de l'ensemble des éléments d'information permettant de débattre sur ce point inscrit à l'ordre du jour, le moyen tiré de ce que la délibération en litige serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les délibérations sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés. Lorsqu'il y a partage égal des voix et sauf cas de scrutin secret, la voix du président est prépondérante ".
7. D'autre part, l'adoption d'une délibération par le conseil municipal n'est pas subordonnée à l'intervention d'un vote formel ou d'une discussion préalable dès lors que l'assentiment de la totalité ou de la majorité des conseillers présents a pu être constatée par le maire ou le président de séance.
8. La délibération en litige indique que le refus d'aliéner une partie de la parcelle jouxtant la parcelle C 305 a été pris " après en avoir délibéré, à l'unanimité des présents ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige a été adoptée avec l'assentiment unanime de tous les conseillers municipaux présents, après que chacun d'entre eux ait donné sa position sur l'affaire débattue. S'il est particulièrement regrettable qu'un conseiller municipal a pu déclarer, lors de son audition par les gendarmes, avoir voté contre la cession alors qu'il était absent le jour de l'adoption de la délibération en litige, cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause les mentions de la délibération, corroborées par les affirmations des conseillers municipaux effectivement présents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Aux termes de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " I. - Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction.(...) 2° Sous réserve des exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article 432-12 du code pénal, les personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des instructions ; ( ...) ".
11. La participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Enfin, la seule existence d'un lien de parenté ne suffit pas à faire regarder un conseil municipal comme intéressé au sens des dispositions de l'article L. 2131-11 du code précité.
12. S'il ressort des pièces du dossier et n'est, d'ailleurs, pas contesté que la tante de l'un des requérants a pris part, en sa qualité de conseillère municipale, à la séance du 10 novembre 2021 au terme de laquelle la délibération en litige a été adoptée, cette seule circonstance, n'est pas suffisante pour permettre de considérer, en l'absence d'éléments circonstanciés, qu'à la date de la délibération en litige, elle aurait eu un intérêt personnel à son adoption. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération du 10 novembre 2021 aurait été adoptée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Herpont, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les époux C..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux C... la somme demandée par la commune d'Herpont, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Herpont présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. B... C... et à la commune d'Herpont.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02982