Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 juillet 2023 refusant l'autorisation d'instruire en famille leur fille C..., d'annuler la décision de la commission de l'académie de Strasbourg du 21 août 2023, portant refus d'autoriser à instruire l'enfant C... D... en famille pour l'année scolaire 2023-2024, d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour C... D... pour l'année scolaire 2023-2024, à défaut enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de procéder au réexamen de la situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2307665 du 22 février 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée sous le n° 24NC01097 le 29 avril 2024, M. D... et Mme E... représentés par Me Weiss, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 février 2024 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de l'académie de Strasbourg du 21 août 2023, portant refus d'autoriser à instruire l'enfant C... D... en famille pour l'année scolaire 2023-2024 ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour C... D... pour l'année scolaire 2023-2024, à défaut enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de procéder au réexamen de la situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision de refus d'instruction en famille est insuffisamment motivée ;
- leur projet pédagogique est particulièrement développé et tient compte de l'âge de leur fille ;
- ils ont la capacité d'assurer l'instruction en famille ;
- l'administration leur impose illégalement de démontrer que la scolarité de leur fille serait de nature à nuire à la continuité de ses apprentissages et serait contraire à son intérêt supérieur ; le tribunal a commis une erreur de droit en écartant ce moyen ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commis par l'administration quant à l'existence d'une situation propre à leur fille ;
- le régime des dérogations à la scolarisation des enfants prévu par la loi n'exclut pas que les parents puissent faire le choix de l'instruction en famille ; leurs autres enfants sont scolarisés dans l'établissement dont la pédagogie est conforme à leurs choix le plus proche de leur domicile.
Le recteur de l'académie de Strasbourg a présenté un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2025.
Il soutient que les moyens doivent être écartés car non fondés.
Mme E... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 avril 2025.
M. D... n'a pas été admis à l'aide juridictionnelle par décision du 24 avril 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, présidente,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme E... ont sollicité l'autorisation d'instruire en famille C..., née le 15 décembre 2019. Par une décision du 4 juillet 2023, la secrétaire générale de l'académie de Strasbourg leur a opposé un refus, confirmé par la décision du 21 août 2023 de la commission de l'académie de Strasbourg. M. D... et Mme E... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg rejetant leur recours en annulation.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".
3. La décision contestée, qui vise notamment les articles L. 131-5 et L. 131-11-1 du code de l'éducation, indique d'une part que les éléments présentés dans le projet éducatif ne permettent pas d'établir une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif et, d'autre part, que le projet éducatif présenté par les requérants ne comporte pas les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant. La décision comporte ainsi un énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, la motivation de la décision est conforme aux exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille.(...) L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : (...) 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. (...) ".
5. L'article L. 131-1 du code de l'éducation prévoit que l'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans. L'article L. 131-2 du même code dispose que cette instruction est donnée dans les établissements d'enseignement public ou privé. Par dérogation, cette instruction peut, dans certains cas limitativement énumérés à l'article L. 131-5 et sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant, être dispensée en famille par les parents ou par toute personne de leur choix sur autorisation délivrée par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions du 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation qui prévoient la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.
6. D'une part, la décision contestée oppose l'absence de situation propre à C... motivant le projet éducatif. Il appartient aux parents qui souhaitent recourir à l'instruction dans la famille d'exposer de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, ce projet par un projet éducatif adapté, de telle sorte que l'administration soit en mesure d'en apprécier l'existence de façon spécifique pour chaque demande. Ainsi, l'existence d'une situation propre à l'enfant au sens des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 précité s'apprécie au regard des besoins particuliers de l'enfant concerné et n'est pas établie du seul fait de l'existence d'un projet éducatif. Il ressort des termes de la décision contestée que la commission de l'académie de Strasbourg a refusé d'accorder l'autorisation d'instruction en famille au motif de l'absence de situation propre de C... motivant le projet éducatif. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la commission de l'académie de Strasbourg a commis une erreur de droit doit être écarté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté ce moyen.
7. D'autre part, M. D... et Mme E... font valoir leur projet pédagogique tenant compte de l'âge de C... pour organiser son temps de travail, des activités en fonction de son rythme et des objectifs en vue d'une scolarisation deux à trois ans plus tard ainsi que leur capacité à assurer l'instruction en famille et indiquent que leurs enfants ainés ont été scolarisés à leur entrée en école élémentaire. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il leur appartenait de justifier également l'existence d'une situation propre à leur fille C... motivant leur projet éducatif au sens des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 précité. En retenant que M. D... et Mme E... ne démontraient pas qu'une scolarité en établissement serait de nature à nuire à la continuité des apprentissages de l'enfant et serait contraire à son intérêt supérieur, la commission de l'académie de Strasbourg n'a pas ajouté une condition à la loi, ni entaché sa décision d'une erreur de droit en refusant l'autorisation d'instruction en famille.
8. Par ailleurs, les éléments produits par les requérants apparaissent en l'état insuffisants pour caractériser l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant un projet pédagogique. Le choix des parents de scolariser leurs enfants dans une école privée éloignée de leur domicile, où sont déjà scolarisés les autres enfants de la fratrie, ne saurait suffire à caractériser la situation propre de C... eu égard au temps de trajet que cela représenterait pour elle compte tenu de son jeune âge. Dans ces conditions, la commission de l'académie de Strasbourg n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif n'était pas justifiée. Ainsi, alors même que leur projet éducatif présenterait les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de leur fille, ces éléments apportés par les requérants au soutien de leur demande d'autorisation d'instruction en famille ne permettent pas de caractériser de manière objective une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif au sens des dispositions du 4° de l'article L. 131-5 précité, justifiant une dérogation au principe de l'instruction scolaire dans un établissement d'enseignement public ou privé. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté ce moyen.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction doivent par conséquent également être rejetées.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... E... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera transmise, pour information, au recteur de l'académie de Nancy-Metz.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
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N°24NC01097