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15/05/2025 | FRANCE | N°24NC02503

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 15 mai 2025, 24NC02503


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D..., Mme B... E... épouse D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le préfet de Meurthe-et-Moselle sur leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour formées par courrier du 9 novembre 2022.



Par un jugement no 2300683 du 27 septembre 2024, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2024, MM. D... et Mme D..., représentés par Me Fournier, demandent ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D..., Mme B... E... épouse D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le préfet de Meurthe-et-Moselle sur leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour formées par courrier du 9 novembre 2022.

Par un jugement no 2300683 du 27 septembre 2024, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2024, MM. D... et Mme D..., représentés par Me Fournier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de leur délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de la procédure devant le tribunal administratif et la même somme au titre de la procédure d'appel.

Ils soutiennent que :

- les décisions en litige méconnaissent les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 7 B de l'accord franco-algérien ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour " salarié " est entaché de défaut de motivation ;

- les décisions en litige méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, l'article L. 313-10 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un courrier du 8 avril 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des demandes d'annulation présentées comme dirigées contre des prétendues décisions implicites de rejet de demandes de titre de séjour alors que, dans le délai susceptible de faire naître des décisions implicites de rejet, le préfet de Meurthe-et-Moselle a opposé des refus d'enregistrer ces demandes de titres de séjour à raison de leur caractère incomplet.

M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les observations de Me Fournier, avocat de la famille D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant algérien né en 1963, est entré sur le territoire français le 9 mars 2018, en compagnie de son épouse, Mme B... D... née en 1966 et de leur fils mineur A..., né en 2006, sous couvert de leurs passeports revêtus de visas de court séjour. Par un courrier du 9 novembre 2022, ils ont sollicité la délivrance de titres de séjour " vie privée et familiale ", et subsidiairement, pour M. D..., d'un titre de séjour " salarié ". Ils ont, le 2 mars 2023, sollicité du tribunal administratif de Nancy l'annulation des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le préfet de Meurthe-et-Moselle sur leur demande. La famille D... relève appel du jugement du 27 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Selon l'article R. 432-2 du même code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. (...) ". Lorsqu'un requérant, après avoir présenté une demande à l'administration, saisit le juge administratif avant que celle-ci ne se soit prononcée sur cette demande, ses conclusions, dirigées contre une décision qui n'est pas encore née, sont irrecevables. Cette irrecevabilité peut être couverte, en cours d'instance, par l'intervention d'une décision expresse ou implicite.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ".

4. Le refus d'enregistrer une demande de titre de séjour motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet, en l'absence de l'un des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou lorsque l'absence d'une pièce mentionnée à l'annexe 10 à ce code, auquel renvoie l'article R. 431-11 du même code, rend impossible l'instruction de la demande.

5. Il ressort des pièces du dossier que les demandes de titre de séjour formées par la famille D... par un courrier du 9 novembre 2022 ont été réceptionnées par les services de la préfecture le 14 novembre 2022. Le délai au terme duquel des décisions implicites de rejet de leurs demandes était susceptible de naître expirait ainsi le 14 mars 2023. Les requérants ont toutefois saisi le tribunal administratif de Nancy dès le 2 mars 2023 d'une demande tendant à l'annulation de décisions implicites de rejet de leurs demandes. En l'absence, à cette date, de décisions attaquables, leurs demandes étaient prématurées. Elles étaient néanmoins susceptibles d'être couvertes en cours d'instance et avant l'intervention du jugement attaqué du 27 septembre 2024.

6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, par un courrier du 14 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a indiqué aux membres de la famille D... que leur demande était irrecevable, au motif de l'absence de pièces essentielles à son instruction, parmi lesquelles un justificatif d'état civil (acte de naissance) en leur nom ainsi qu'une copie intégrale de l'acte de mariage et leur traduction en français par un traducteur assermenté. Le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui leur a renvoyé les timbres fiscaux joints à leurs demandes, a ainsi refusé d'enregistrer les demandes de titre de séjour des membres de la famille D..., motif pris de l'incomplétude de leurs dossiers. Les requérants ne contestent pas que l'un au moins des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisait défaut.

7. Ce refus d'enregistrer leur demande de titre de séjour motif pris du caractère incomplet de leur dossier a fait obstacle à la naissance de décisions implicites de rejet d'une demande de titre de séjour au terme du délai de quatre mois mentionné au point 2 ci-dessus. Le caractère prématuré de la demande enregistrée devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation de décisions implicites de rejet de demandes de titres de séjour n'a, dès lors, pas été couvert en cours d'instance. Les requérants ne sauraient à cet égard se prévaloir des nouvelles demandes de titres de séjour qu'ils ont formées le 13 avril 2023 et auxquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a réservé un sort qui leur est propre.

8. Par suite, les conclusions présentées par MM. D... et Mme D... tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet de leurs demandes de titre de séjour présentées le 14 novembre 2022 sont irrecevables en l'absence de décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

9. Il résulte de tout ce qui précède que MM. D... et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par MM. D... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... D..., à M. A... D..., à Me Fournier et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 24NC02503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC02503
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24nc02503 ?
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