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27/05/2025 | FRANCE | N°21NC02133

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 27 mai 2025, 21NC02133


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 199 358,01 euros en réparation des dommages résultant d'attroupements et de rassemblements, somme, assortie de la production des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle.



Par un jugement n° 2000778 du 25 mai 2021, l

e tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.





Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 199 358,01 euros en réparation des dommages résultant d'attroupements et de rassemblements, somme, assortie de la production des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle.

Par un jugement n° 2000778 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 juillet 2021, 5 octobre 2021, 28 février 2022, 1er juin 2022, 29 juin 2022, 23 août 2022, 23 septembre 2022 et 8 novembre 2022, la SANEF, représentée par Me Carbonnier de la SELARL Carbonnier Lamaze Rasle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 mai 2021 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 199 358,01 euros en réparation des dommages résultant d'attroupements et de rassemblements, assortie de la production des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat doit être engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, au titre de manifestations de " gilets jaunes " qui ont été organisées du 18 novembre 2018 au 19 mai 2019 sur diverses sections autoroutières situées dans le département de la Marne ;

. les conditions d'engagement de la responsabilité sont acquises car il y a un rassemblement ou un attroupement, la commission d'un crime ou d'un délit commis par violence ou par force ouverte et un préjudice direct et certain ;

. le caractère prémédité et organisé de la manifestation n'est plus une cause d'exclusion de ce régime de responsabilité sans faute de l'Etat ; en tout état de cause, le caractère prémédité et organisé de la manifestation est inopérant à son encontre en raison de sa qualité de victime collatérale du rassemblement ;

. les manifestants se sont constitués en un mouvement revendicatif national en protestation contre le gouvernement et non pas dans le but de nuire, détruire ou commettre des délits ;

. les manifestations n'ont pas été organisées par des groupes de type " commandos " ;

- les délits sont caractérisés : les manifestants ont commis, avec force ouverte, les délits d'entrave à la circulation, de dégradation des biens avec circonstances aggravantes, d'entrave à la liberté de travail, d'intimidation contre une personne chargée d'une mission de service public, d'organisation d'une manifestation illicite ou interdite et d'entrave au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données ;

- les préjudices subis sont directs et certains avec les délits commis par les manifestants ;

- le montant des préjudices est de 199 358,01 euros : il est justifié par des fiches événement " manifestation " et le poste de supervision et d'information (PSI) de la SANEF était en lien avec les cellules de crise dédiées et mise en place par le ministère de l'intérieur qui ont été régulièrement informées des événements ;

- les préjudices sont justifiés par une méthode de calcul pertinente et se composent en des frais de matériels pour un montant de 2 358,96 euros, de pertes de recettes pour un montant de 168 001,02 euros, de frais d'huissier à concurrence de 5 657,69 euros et de frais SANEF d'un montant de 23 340,34 euros.

Par des mémoires enregistrés les 12 janvier 2022, 17 mai 2022, 14 juin 2022, 27 juillet 2022, 19 septembre 2022 et 21 octobre 2022, le préfet de la Marne conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- les actions, dont se prévaut la requérante, ne peuvent être considérées comme ayant été commises par un rassemblement ou un attroupement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;

- la jurisprudence citée par la requérante ne reconnait que l'imputabilité des dégradations matérielles commises par des manifestants en marge de la manifestation et non, comme c'est le cas dans ce contentieux, le préjudice économique né d'une fréquentation amoindrie du réseau ;

- une très grande majorité des actions a pris la forme d'opérations commandos, constituées par des petits groupes mobiles, qui ont pris fin dès l'arrivée des services de gendarmerie et souvent en moins d'un quart d'heure ;

- elle n'est pas une victime collatérale car la plupart des actions des gilets jaunes a pour objectif de dénoncer les prix des péages pratiqués par cette société d'autoroute ;

- le lien de causalité entre les préjudices allégués et les zones de rassemblement des gilets jaunes n'est pas établi ; des hommes en noir, sans " gilets jaunes " ont été mentionnés dans les rapports de la SANEF ;

- le caractère certain du préjudice n'est pas avéré, de même que le montant sollicité qui résulte d'une méthode de calcul sujette à caution et non pertinente, des constats d'huissiers sont manquants et la SANEF ne fournit que des éléments de source interne non probants ;

- ses prétentions indemnitaires sont donc irrecevables.

Par une ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2022 à 12 heures.

Un mémoire présenté par la SANEF a été enregistré le 15 avril 2025, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de la route ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public ;

- et les observations de Me De Beauregard, représentant la SANEF et de M. B..., représentant le préfet de la Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des manifestations nationales dites " de gilets jaunes ", qui se sont déroulées entre le 18 novembre 2018 et le 19 mai 2019, dans le département de la Marne, des individus ont mené des opérations visant à perturber la circulation sur des portions d'autoroutes concédées par l'Etat à la société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF). La SANEF a adressé au préfet de la Marne une réclamation préalable en vue de la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis pour une trentaine de gares de péages affectées par la fermeture de portions d'autoroutes, la gêne de la circulation et le passage gratuit des usagers au péage, laquelle a été rejetée par une décision implicite intervenue le 6 mars 2020. La SANEF a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 199 358,01 euros en réparation des dommages résultant de ces attroupements et rassemblements. La SANEF relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Marne :

2. Le préfet de la Marne soutient que la requête de la société SANEF serait irrecevable dès lors que les conditions pour engager la responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ne seraient pas remplies. Toutefois, ce moyen de défense, qui porte sur le bien-fondé de la demande indemnitaire de la société SANEF, n'affecte pas la recevabilité de sa requête.

Sur la responsabilité de l'Etat :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité de l'Etat :

3. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ".

4. L'application de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis à force ouverte ou par violence par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés. Un groupe, qui se constitue et s'organise à seule fin de commettre un délit ne peut être regardé comme un attroupement ou un rassemblement au sens de ces dispositions.

S'agissant de l'existence d'un attroupement ou d'un rassemblement :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que des groupes de " gilets jaunes " ont, au cours de la période du 18 novembre 2018 au 19 mai 2019, bloqué des accès aux bretelles d'autoroutes de la SANEF, mené des actions " escargots ", investi les gares de péage de Portes-du-Vignoble, de Saint-Gibrien, de la Veuve A..., de Saint-Gibrien, de Taissy, du Thillois, de Courcy, de Dormans, de Mont Choisy, de Sommesous, de la Neuvillette, notamment en se positionnant sur les plateformes de péage, où ils ont réduit les voies d'accès au péage par la mise en place de cônes et procédé à la levée des barrières de péage pour permettre aux véhicules de passer gratuitement. Ces opérations ont, dans certains cas, conduit à la fermeture des bretelles d'accès à l'autoroute et créé des bouchons, perturbant la circulation. Ces agissements, commis à force ouverte, se sont inscrits dans le cadre d'un mouvement national de contestation annoncé plusieurs semaines avant les faits, notamment sur des réseaux sociaux. Ainsi, quand bien même, elles ont été préméditées et organisées, ainsi que le fait valoir l'administration, ces actions sont survenues dans un contexte de revendications sociales qu'elles avaient pour objet de soutenir et non avec l'objectif principal de commettre des délits. Il résulte de l'instruction que sur la trentaine d'évènements en cause, vingt-sept de ces actions sont le fait d'un nombre significatif de personnes susceptible d'être qualifié d'attroupement ou de rassemblement. En revanche, les évènements des 13 décembre 2018 et 19 mai 2019 ont été commis à la gare de péage du Thillois par cinq et deux individus qui ne peuvent être regardés comme constituant un attroupement. De même, pour les évènements commis à la gare de péage de Taissy le 6 avril 2019, aucun élément probant ne permet de constater l'existence d'un attroupement. Par suite, à l'exception de ces trois évènements, l'ensemble des autres actions, documentées par la SANEF aux gares de péages précitées, peut être regardé comme imputable à un attroupement ou à un rassemblement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

S'agissant de l'existence de délits commis par les attroupements ou rassemblements :

6. En premier lieu, si les agents de la SANEF ont été mis dans l'impossibilité de percevoir les péages auprès des usagers de l'autoroute, il résulte de l'instruction que cette impossibilité ne résulte pas de coups, menaces ou voies de fait commis à leur encontre mais de la levée des barrières de péage. Par suite, le délit d'entrave à la liberté du travail, réprimé par l'article 431-1 du code pénal, ne peut être regardé comme étant constitué.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 431-9 du code pénal : " Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait : / 1° D'avoir organisé une manifestation sur la voie publique n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi ; / 2° D'avoir organisé une manifestation sur la voie publique ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi ; / 3° D'avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet ou les conditions de la manifestation projetée ". Le délit réprimé par les dispositions précitées ne peut être retenu qu'à l'encontre de l'organisateur de la manifestation et non à l'encontre de l'ensemble des participants à la manifestation. Par suite, le délit prévu par l'article 431-9 du code pénal ne peut être regardé comme constitué par les attroupements et rassemblements invoqués par la SANEF.

8. En troisième lieu, le délit d'intimidation contre une personne chargée d'une mission de service public, sanctionnée par l'article 433-3 du code pénal n'est pas caractérisé par les pièces du dossier.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 323-2 du code pénal : " Le fait d'entraver ou de fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende. (...) ". En se bornant à soutenir que les " gilets jaunes " ont empêché le fonctionnement des barrières de péage en les relevant, la SANEF n'établit pas que les manifestants auraient, ce faisant, entravé un système de traitement automatisé des données. Dans ces conditions, le délit d'entrave au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données au sens de l'article 323-2 du code pénal ne peut être considéré comme étant constitué.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 412-1 du code de la route : " Le fait, en vue d'entraver ou de gêner la circulation, de placer ou de tenter de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou d'employer, ou de tenter d'employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende. (...) ".

11. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de cinq rassemblements, la circulation a été entravée. Il en a été ainsi le 24 novembre 2018 au péage de Taissy où la gendarmerie et la SANEF ont été dans l'obligation de fermer les bretelles de l'échangeur A4/A34 dans le sens Paris Strasbourg de 10h41 à 11h50 et de 14h39 à 15h42, le 1er décembre 2018 au péage de Courcy en raison d'une opération escargot menée entre 15h30 et 18h37 sur l'autoroute A26 entre le péage de Courcy et la jonction de l'autoroute A4 engendrant une sérieuse gêne de la circulation, le 15 décembre 2018 au péage de Thillois, obligeant la SANEF à fermer la bretelle de sortie Reims Tinqueux, dans le sens Tinqueux Cormontreuil de 14h54 à 15h13 ainsi que la bretelle d'échangeur A4/344 Reims Tinqueux dans le sens Paris Strasbourg de 15h07 à 17h00. Il résulte également de l'instruction que le 5 janvier 2019, dès 10h09, les manifestants ont provoqué des bouchons dans la traversée de Reims, entrainant des difficultés de circulation sur l'autoroute A 344 et la fermeture de bretelles de sorties. Ces agissements ont été suivis d'une opération " escargot " menée par des motards sur cette même autoroute, puis en début d'après-midi, les manifestants ont envahi la plateforme du péage de Courcy, sur l'autoroute A26, ouvert les barrières de péage, bloqué la circulation des poids-lourds, provoquant des bouchons et nécessitant la mise en place de parcours alternatifs, avant de quitter les lieux vers 19h51. Enfin, le 11 mai 2019 au péage de Courcy, la circulation des poids lourds a été bloquée par les manifestants pendant une heure. Compte tenu de ces éléments, suffisamment établis par les pièces du dossier, le délit d'entrave à la circulation est caractérisé pour ces cinq manifestations.

12. En revanche, pour les autres manifestations, le délit d'entrave à la circulation ne saurait être caractérisé par le seul rassemblement aux abords des plateformes de péage. En effet, s'il résulte de l'instruction que les manifestants ont procédé à la levée des barrières de péage permettant le passage gratuit des automobilistes et empêchant de ce fait la perception de la redevance de péage due par ces derniers, la circulation n'en a pas été entravée ou gênée, dès lors que le passage des péages entraîne par lui-même un ralentissement, voire un arrêt des véhicules. Ce faisant, les manifestants ont seulement mis à profit cette circonstance pour exposer leurs doléances de sorte que de tels agissements ne peuvent dès lors être qualifiés de délit d'entrave ou de gêne à la circulation au sens des dispositions de l'article L. 412-1 du code de la route précité.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 322-1 du code pénal : " La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger. (...) " .

14. Si la SANEF fait valoir qu'elle a dû mobiliser son personnel à plusieurs reprises notamment pour régler une caméra ou redresser un grillage, il s'agit de dommages légers ayant uniquement engendré l'intervention de son personnel et ne sauraient donc constituer un délit au sens de l'article 322-1 du code pénal précité. En revanche, il résulte de l'instruction qu'à deux reprises la requérante a dû engager des frais pour le remplacement de matériel de vidéosurveillance, soit le 24 novembre 2018 au péage de Thillois et le 25 novembre 2018 au péage de Thillois et produit les factures correspondantes. Par suite le délit de destruction d'un bien appartenant à autrui est caractérisé pour ces deux manifestations.

15. Il résulte de ce qui précède que la SANEF est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, ces agissements sont de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

En ce qui concerne les préjudices :

16. Il résulte des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure que ne peuvent donner lieu à réparation que les dommages résultant de manière directe et certaine de crimes ou délits déterminés commis par les manifestants.

17. En premier lieu, si la requérante se prévaut d'une perte de recettes équivalente aux redevances de péage non versées par les usagers de l'autoroute passés gratuitement en raison de la levée des barrières, lors des manifestations exposées au point 11, ce préjudice n'est pas directement lié au délit d'entrave à la circulation retenu par le présent arrêt mais est la conséquence de la levée des barrières, laquelle ne constitue pas, par elle-même, un délit. La requérante ne se prévaut d'aucun préjudice au titre des pertes de recette en lien avec l'un des délits d'entrave commis par l'attroupement. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme au titre de perte de recettes calculée sur le nombre d'usagers ayant franchi gratuitement le péage.

18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la requérante a dû engager des frais de matériel de vidéosurveillance pour des montants de 269,42 euros HT et 134,71 euros HT, respectivement les 24 et 25 novembre 2018 au péage de Thillois. Elle est, par suite, fondée à solliciter l'indemnisation de ces frais pour un montant total de 404,13 euros HT.

19. En troisième lieu, si la société SANEF se prévaut de frais internes, d'une part, pour la maintenance et la réparation de matériels dégradés et, d'autre part, pour les agents mobilisés pendant les manifestations, notamment pour assurer la sécurité des usagers, elle ne démontre toutefois pas que les dispositifs mis en place excédaient son activité normale, ni qu'elle aurait exposé des coûts supplémentaires aux coûts fixes habituellement supportés pour son personnel et ses véhicules. Elle ne justifie, dès lors, pas de la réalité de ce chef de préjudice.

20. En dernier lieu, les frais d'huissier exposés par la société SANEF ont été utiles pour apprécier la responsabilité de l'Etat et certains chefs de demande. Il y a, dès lors, lieu de faire droit à ses demandes d'indemnisation pour les journées du 24 et 25 novembre au péage de Thillois pour lesquelles un délit caractérisé a donné lieu à indemnisation. Dans ces conditions, la société SANEF peut prétendre à être indemnisée à hauteur de 208,34 euros HT et 228,84 euros HT, soit un total de 437,18 euros HT.

21. Il résulte de tout ce qui précède, que la société SANEF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande indemnitaire à concurrence de la somme de 841,31 euros HT.

En qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

22. Il y a lieu d'assortir la somme de 841,31 euros HT des intérêts moratoires à compter du 13 décembre 2019, date de réception de la demande préalable. Ces intérêts seront capitalisés le 13 décembre 2020, date à laquelle était due une année d'intérêts, et à chaque échéance annuelle.

Sur les frais du litige :

23. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société SANEF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000778 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société SANEF la somme de 841,31 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2019. Les intérêts échus à la date du 13 décembre 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à la société SANEF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SANEF et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie pour information en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC02133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02133
Date de la décision : 27/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-27;21nc02133 ?
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