Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 27 mai 2024 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Aube l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de 45 jours.
Par un jugement nos 2401249 et 2401250 du 30 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2024, M. A..., représenté par Me Lombardi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2401249 et 2401250 du 30 mai 2024 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté son recours en annulation contre l'arrêté du 27 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 27 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée de défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation quant à sa durée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2025, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 24 octobre 1988, est entré sur le territoire français, en 2018, selon ses déclarations. Suite à son interpellation par les services de police d'Evry-Couronne, il s'est vu notifié une première mesure d'éloignement le 12 juin 2023. Le 27 mai 2024, l'intéressé a été interpellé par les services de la gendarmerie nationale et placé en retenue administrative. Par deux arrêtés du même jour, la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de 45 jours. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, comme l'a relevé le premier juge, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2018, qu'il entretient une relation depuis 2020 avec une compatriote comorienne, mère d'un enfant, et indique contribuer à l'entretien et à l'éducation des deux enfants nés de leur union en 2021 et 2023. Il se prévaut également de liens étroits avec son oncle de nationalité française et fait valoir qu'il s'occupe de sa nièce, qui est malade. Il soutient enfin que ses engagements associatifs, notamment au sein de l'Ordre de Malte, justifient de son intégration dans la société française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas cherché à régulariser sa situation administrative après son entrée en France en 2018, et qu'il résidait ainsi depuis cinq ans en situation irrégulière lorsqu'il a fait l'objet, le 12 juin 2023, d'une première mesure d'éloignement, qu'il n'a pas exécutée. A la date de la décision litigieuse, sa compagne disposait seulement d'une autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour. Il n'est au demeurant pas établi, ni même allégué, qu'un titre de séjour l'autoriserait depuis lors à résider régulièrement en France. Le couple est par ailleurs dépourvu de ressources, ne justifie d'aucune perspective d'emploi et ne dispose pas d'une résidence stable, étant hébergé dans le cadre d'un dispositif d'urgence à Troyes. Ainsi, et compte tenu du très jeune âge des enfants du couple, M. A... ne fait état d'aucune circonstance s'opposant à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident toujours ses parents, selon ses déclarations. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
6. Pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. A..., la préfète de l'Aube a tenu compte de ce que l'intéressé a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français en 2023, de la durée et des conditions de son séjour en France et de ce qu'il n'apporte aucune preuve d'intégration sociale ou professionnelle sur le territoire français. Si elle a également estimé, à tort, que l'intéressé ne justifiait pas de l'intensité et de la stabilité de sa relation avec sa compagne ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant exposés au point 4, que la préfète aurait pris une autre décision quant à la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant à la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. Si le requérant fait valoir qu'il a été la victime d'une altercation dans son pays d'origine et qu'il craint de subir des représailles en cas de retour aux Comores, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité de ses craintes. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aube du 27 mai 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Lombardi.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC01704