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28/05/2025 | FRANCE | N°23NC03302

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 28 mai 2025, 23NC03302


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.



Par un jugement n° 2301848 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procé

dure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Sabataka...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 2301848 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 septembre 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 février 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement ne vise pas les pièces produites après la clôture de l'instruction ;

- ces pièces n'ont pas été communiquées ;

- les premiers juges n'ont pas pris en compte la délivrance de son récépissé du 5 mai 2023, valant autorisation provisoire de séjour, qui a eu implicitement pour effet d'abroger l'arrêté en litige ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ukrainienne née le 30 octobre 2001, est entrée sur le territoire français au mois d'août 2017, accompagnée de ses parents et de ses deux frères. Par un arrêté du 15 février 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai de recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive. En outre, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation d'une décision ayant rejeté une demande de titre de séjour lorsque, postérieurement à la saisine de la juridiction, l'autorité administrative a délivré le titre sollicité ou un titre de séjour emportant des effets équivalents à ceux du titre demandé.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, postérieurement à l'enregistrement de son recours devant le tribunal administratif contre l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 15 février 2023, le préfet de la Corrèze a délivré le 5 mai 2023 à Mme A... un récépissé de demande de titre de séjour portant la mention " visiteur " l'autorisant à séjourner provisoirement sur le territoire français jusqu'au 4 novembre 2023, durant l'instruction de sa demande. En admettant ainsi provisoirement au séjour Mme A... au cours de cette période, le préfet de la Corrèze a implicitement mais nécessairement abrogé les décisions du 15 février 2023 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin l'a obligée quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ces mesures n'ont pas reçu exécution, en l'absence de départ effectif de l'intéressée ou de tentative d'éloignement mise en œuvre par l'administration. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de ces décisions étaient devenues sans objet à la date du jugement. En revanche, la délivrance de ce récépissé ne privait pas d'objet les conclusions de la demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour.

4. En omettant de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de Mme A... dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de constater le non-lieu à statuer sur ces conclusions.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France au mois d'août 2017, à l'âge de quinze ans, accompagnée de ses parents et de ses deux frères. L'intéressée y a poursuivi sa scolarité et a obtenu en 2021 son baccalauréat général, spécialité, histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, humanités, littérature et philosophie. Mme A... a ensuite poursuivi ses études supérieures en première puis deuxième année de licence langues, littérature et civilisations étrangères et régionales : études russes, au titre des années universitaires 2021-2022 et 2022-2023. Par ailleurs, à la date de la décision en litige, la mère de Mme A... bénéficiait d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et son père d'une autorisation provisoire de séjour renouvelée. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte-tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France, la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de Mme A... en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2023 lui refusant un titre de séjour.

Sur l'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation de la décision de refus de titre de séjour ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis, conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes.

D E C I DE :

Article 1er : Le jugement n° 2301848 du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions du 15 février 2023 de la préfète du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Article 3 : La décision du 15 février 2023 de la préfète du Bas-Rhin rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme A... est annulée.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Sabatakakis, avocat de Mme A..., une somme de 1 500 euros hors taxes en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Sabatakakis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Michel, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLa présidente,

Signé : Mme Guidi

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 23NC03302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03302
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;23nc03302 ?
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