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28/05/2025 | FRANCE | N°24NC01128

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 28 mai 2025, 24NC01128


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C..., Mme D... F... épouse C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 1er février 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils seraient éloignés et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement

n° 2401141, 2401142, 2401143 du 2 avril 2024, le magistrat désigné par le président tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., Mme D... F... épouse C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 1er février 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils seraient éloignés et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2401141, 2401142, 2401143 du 2 avril 2024, le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2024, M. A... C..., Mme D... F... épouse C... et M. B... C..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 avril 2024 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 1er février 2024 pris à leur encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- la préfète n'a pas procédé à un examen de leur situation personnelle ;

- la préfète n'a pas procédé à la vérification de leur droit au séjour au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui les a privés d'une garantie ;

- cette décision, en tant qu'elle concerne M. B... C..., est entachée d'une erreur de fait ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions quant à leur situation personnelle ;

S'agissant des décisions fixant le pays de destination :

- elles sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant des interdictions de retour sur le territoire français :

- elles sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... C..., Mme D... F... épouse C... et M. B... C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 30 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., Mme D... C... ainsi que leur fils, M. B... C..., ressortissants albanais nés respectivement en 1970, 1975 et 2001, sont entrés en France le 2 mars 2023. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 19 mai 2023 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions du 16 octobre 2023. Par des arrêtés du 1er février 2024, la préfète du Bas-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Ils relèvent appel du jugement du 2 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1, figurant au chapitre III, intitulé " Procédure administrative ", du titre Ier du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit (...) ".

3. Les dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues en dernier lieu, dans leur rédaction applicable au litige, de l'article 37 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Il ressort des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de cet article que le législateur a notamment entendu codifier le principe selon lequel un étranger devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il a ainsi entendu imposer au préfet, avant l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français, de vérifier, compte tenu des informations en sa possession, si un étranger peut prétendre à se voir délivrer de plein droit un titre de séjour et, dans le cas contraire, si la durée de sa présence en France et la nature et l'ancienneté des liens qu'il y entretient ou des circonstances humanitaires justifient qu'il se voit délivrer un tel titre. Il appartient en particulier à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si l'étranger peut se prévaloir d'une résidence stable et régulière sur le territoire français de nature à avoir fait naître entre lui et le pays d'accueil des liens multiples. L'obligation ainsi faite au préfet se rapporte à la régularité de la procédure à l'issue de laquelle est prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le défaut d'une telle vérification, qui constitue une garantie pour l'étranger, est propre à entacher cette décision d'un vice de procédure.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier et en particulier des termes des décisions en litige relatives à MM. C... que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé préalablement à leur édiction à une vérification du droit au séjour des intéressés au regard des dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si Mme D... C... soutient que la décision prise à son encontre ne fait pas état de considérations humanitaires alors qu'elle souffre de pathologies articulaires, gynécologiques et neuropsychiatriques, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait porté à la connaissance de la préfète des éléments relatifs à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des termes de la décision en litige que la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen de la situation personnelle de M. A... C....

6. En troisième lieu, Mme D... C... soutient que la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle au regard de son état de santé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui avait présenté une demande d'asile, n'a pas fait état auprès de la préfète d'éléments relatifs à son état de santé préalablement à l'édiction de la décision en litige Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si la décision en litige ne fait pas état de la première entrée en France de M. B... C... en 2019, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui avait alors sollicité un titre de séjour en 2020 portant la mention " travailleur temporaire " et suivi des formations professionnelles, a quitté le territoire français en 2021 pour n'y revenir, avec ses parents, qu'en mars 2023 pour y solliciter l'asile. Aussi, la résidence en France de l'intéressé au cours de cette précédente période était sans incidence quant à son droit au séjour à la suite de sa nouvelle entrée sur le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

8. En cinquième lieu aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... C... et Mme D... C..., entrés en France au mois de mars 2023 pour y solliciter l'asile, résident en France depuis moins d'un an à la date de la décision en litige. Par ailleurs, M. B... C..., célibataire et sans enfant à charge, réside également sur le territoire français depuis moins d'un an à la date de la décision en litige et ne justifie pas d'une insertion particulière en France quand bien même il aurait préalablement séjourné sur le territoire français entre 2019 et 2021, période au cours de laquelle il avait sollicité un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " et suivi des formations professionnelles. Dans ces conditions, et alors que les requérants n'établissement pas qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur vie privée et familiale en Albanie où ils ont vécu la majeure partie de leur vie, le moyen tiré de l'erreur de fait quant à la première entrée en France de M. B... C... en 2019 et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige quant à la situation personnelle des requérants doit être écarté.

Sur les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les requérants n'établissent pas l'illégalité des décisions prises à leur encontre par la préfète du Bas-Rhin les obligeant à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C..., Mme D... C... et M. B... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I DE :

Article 1er : La requête de M. A... C..., Mme D... F... épouse C... et de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... F... épouse C..., à M. B... C..., à Me Airiau et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Michel, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. Michel

La présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 24NC01128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01128
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;24nc01128 ?
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